Déchéance de la nationalité : une déchéance morale

mardi 19 janvier 2016.
 

● Une mesure d’extrême-droite

- Le FN a été le premier à se féliciter de cette ”i dée portée depuis très longtemps par le Front national", et a tout de suite appelé à "une extension de la déchéance de nationalité pour tous les crimes graves", dont "les crimes de sang"

- La proposition de déchéance de nationalité permet à l’extrême-droite de défendre sa conception identitaire de la nationalité, centrée sur le droit du sang et le rejet de l’autre.

La République, au contraire, s’est construite depuis la Révolution française sur une conception ouverte de la citoyenneté, basée sur le droit du sol : est automatiquement Français-e celui ou celle qui est né-e en France. Le repli sur soi et la haine de l’autre, la suspicion généralisée font le jeu de l’extrême-droite, autant que des terroristes qui veulent nous voir divisés !

- En reprenant cette idée, le gouvernement valide la bataille culturelle de l’extrême-droite.

Il tire des hauts résultats du FN la conclusion qu’il faut toujours plus chasser sur ses terres et capter son électorat. Ce faisant, il rend leurs idées légitimes, et contribue à les dédiaboliser.

● Une mesure anti-républicaine

- En prévoyant, pour les seuls binationaux, la déchéance de nationalité, la révision prévue inscrirait dans la Constitution, pour un même délit commis, une peine différente pour les binationaux et les autres Français. Il y aurait donc dorénavant deux catégories de Français, les binationaux et les autres ! Or, en République, le peuple est un et indivisible, et la loi s’applique à toutes et tous sans distinction !

- Les binationaux, suspects de terrorisme ? C’est ce que laisse sous-entendre ce projet… Or, il n’y a aucun lien entre binationalité et terrorisme, au contraire : parmi tous les coupables d’actes terroristes depuis 2012, seuls 3 étaient binationaux !

- On ne choisit pas toujours d’être binational : certains pays attribuent d’office leur nationalité à tout enfant dont un des parents au moins a cette nationalité. On peut ainsi être binational tout en étant né Français, et en n’ayant aucune attache dans le pays dont on a la double nationalité !

● Une mesure inutile

- Une personne déterminée à commettre un attentat ne sera pas dissuadée par la menace d’être déchu de sa nationalité. De plus, il vaut mieux faire purger leur peine et surveiller les personnes ayant projeté un attentat, que les expulser et perdre leur trace !

- Plus largement, pour lutter contre le terrorisme et préserver notre sûreté, ce qu’il faut, ce n’est pas une énième loi, mais le déploiement de moyens, qui manquent depuis des années : Sarkozy a supprimé 12.000 postes de policiers et gendarmes entre 2007 et 2012, qui n’ont pas été rétablis par Hollande !

- Enfin, l’extension de la mesure est très floue : elle concerne les coupables “de crimes en matière de terrorisme et, éventuellement, des crimes les plus graves en matière d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation”...

Or la définition actuelle des “atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation” inclut par exemple le fait de faire des barricades !

Par ailleurs, cette mesure enfonce un coin dangereux dans nos principes : si la déchéance de nationalité est possible pour faits de terrorisme, il est alors aisé, à petits pas, de l’étendre pour d’autres délits, et de la banaliser. On imagine comment cette mesure serait utilisée par un gouvernement autoritaire ou fascisant !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message