Primaires US Le phénomène Trump masque la «  révolution  » Sanders

jeudi 4 février 2016.
 

Le candidat progressiste Bernie Sanders pourrait créer une énorme surprise en dominant Hillary Clinton, l’archifavorite du camp démocrate, lors de la primaire de l’Iowa en février. Un scénario catastrophe pour les élites économiques aux États-Unis... qui préparent la riposte.

Bienvenue chez la « gauche » états-unienne, celle incarnée par Hillary Clinton, où l’on dénigre son adversaire en le traitant de « social-démocrate », une accusation presque aussi infamante, outre-Atlantique, que celle de « communiste », « gauchiste », ou « socialiste ». Car l’heure est grave au sein de l’état-major de l’ex-secrétaire d’État de Barack Obama (2009-2013), championne autoproclamée des sondages et des élites politiques et économiques, de Washington à Wall Street.

Mais la belle mécanique de l’ex-première dame s’enraye  : à quelques jours du premier caucus de l’Iowa, État où débute traditionnellement la primaire de la présidentielle américaine, Hillary Clinton tente de mobiliser ses ouailles. « Je sais que certains d’entre vous font encore leur shopping. J’aimerais bien moi aussi… Mais j’espère con­vaincre certains d’entre vous cet après-midi », lâchait-elle le dimanche 24 janvier, à l’heure où les enquêtes d’opinion la donnent au coude-à-coude dans l’Iowa avec le progressiste Bernie Sanders. Certes, Hillary Clinton possède toujours une confortable avance au niveau national (51 % contre 38 %, selon un sondage Real Clear Politics), mais les soutiens de Sanders espèrent renouveler l’exploit de Barack Obama en 2008, qui était parvenu, après une victoire dans l’Iowa, à enclencher une dynamique fatale aux ambitions d’Hillary Clinton.

Clinton attaquée à gauche

Cette dernière doit affronter deux obstacles majeurs  : soutenue par les milieux d’affaires, son virage à gauche amorcé au début de sa campagne présidentielle peine à résister aux attaques venant de la gauche du Parti démocrate. « Les revenus ont cessé d’augmenter. J’ai placé la hausse des revenus au centre de ma campagne. J’attaque Wall Street depuis des années », martèle-t-elle sans convaincre. Quand Bernie Sanders, qui rappelle avec gourmandise les interventions rétribuées par la banque d’affaires Goldman Sachs de l’ex-First lady, séduit les syndicats, les classes moyennes paupérisées et fait un tabac dans les universités. Une base qui lui permet de continuer à lever des fonds auprès des petits donateurs, grâce à une popularité qui donne des sueurs froides au camp Clinton  : selon MoveOn.org, principale organisation progressiste du Parti démocrate, qui revendique 8 millions d’adhérents, et qui a officiellement apporté son soutien à Bernie Sanders il y a une quinzaine de jours, le sénateur du Vermont est soutenu par 78,6 % de ses membres. Soit une érosion de la candidature Clinton bien plus précoce et profonde que lors de la primaire de 2008, où pas grand monde ne misait sur une victoire de Barack Obama, même après sa victoire dans l’Iowa.

Hillary Clinton doit également se dépêtrer du scandale lié à l’utilisation de son e-mail personnel lorsqu’elle était secrétaire d’État de Barack Obama (2009-2013), pour discuter d’affaires couvertes par le secret défense ou tenter de récolter des fonds pour la riche fondation « humanitaire » qu’elle gère avec son époux… Selon l’ex-procureur fédéral Joe DiGenova (1), les faits sont si accablants que le FBI, qui poursuit actuellement son enquête, pourrait inculper la candidate dans un délai de soixante jours, réduisant alors à néant ses ambitions présidentielles. Pour Bernie Sanders, nul besoin d’attaquer Hillary Clinton sur ce dossier, le camp adverse s’en charge.

Des débats vampirisés

Quand la démocrate insiste sur son expérience sur la scène internationale en tant que chef de la diplomatie américaine ou son « plan précis » pour vaincre l’« État islamique », comme pour souligner en creux l’absence de « leadership » de son challenger démocrate, les Républicains s’en donnent à cœur joie. « (Elle) serait un désastre pour la sécurité nationale », juge ainsi l’ex-gouverneur de Floride Jeb Bush, quand le sénateur Marco Rubio considère que « quelqu’un qui ne peut pas gérer de manière appropriée des informations liées au renseignement ne peut pas être commandant en chef »…

Jeb Bush, Marco Rubio ou Ted Cruz, anciens favoris du camp républicain, doivent néanmoins surmonter l’épreuve Donald Trump, l’excentrique et brutal milliardaire qui caracole en tête des sondages, et qui pourrait bien obtenir l’investiture du Grand Old Party (GOP). Devenu un phénomène de société aux États-Unis, le magnat de l’immobilier, star de la téléréalité, vampirise les débats politiques depuis le lancement de sa campagne le 16 juin 2015, même si certaines études le donnent battu à plate couture par Hillary Clinton (51 %-41 %, enquête NBC-« Wall Street Journal »), et plus encore par… Bernie Sanders (54 %-39 %).

Bloomberg en embuscade. Il en est persuadé : Donald Trump et Bernie Sanders vont respectivement remporter les primaires dans leur camp, explique le « New York Times » pour annoncer la possible, sinon probable, candidature de Michael Bloomberg à la Maison-Blanche. Présenté comme un « indépendant » ayant sévi autant dans le camp démocrate que républicain, l’homme d’affaires, heureux propriétaire de la chaîne boursière Bloomberg TV, pèse plus de 30 milliards d’euros de fortune personnelle. Et serait prêt, comme Donald Trump, à puiser dans sa propre cassette pour financer sa campagne électorale. Peu connu en France, Michael Bloomberg se targue d’un bon bilan en tant que maire de New York (du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2013), où il a succédé à Rudolph Giuliani, et considère qu’une éviction d’Hillary Clinton laisserait un large espace au centre de l’échiquier politique. Une équation qui vise à séduire les électeurs rebutés par les outrances sexistes et racistes d’un Trump, et inquiets du programme progressiste de Bernie Sanders, décidément trop à gauche pour l’oligarchie états-unienne. Toujours selon le « New York Times », Michael Bloomberg attendrait le mois de mars pour officialiser sa position et éventuellement se déclarer candidat. Une date qui ne doit rien au hasard : l’hypothèse d’un effondrement de la « bulle » Clinton serait alors vérifiée et Michael Bloomberg aurait en dernier recours l’opportunité de ruiner les chances de Bernie Sanders d’accéder à la Maison-Blanche.

MARC DE MIRAMON, L’Humanité


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