La manoeuvre politicienne des primaires : comment Hollande piège Mélenchon (Marianne)

dimanche 7 février 2016.
 

Les proches du chef de l’Etat disent oui à une primaire, à condition… que celle-ci rassemble "toute la gauche". Autrement dit, si Jean-Luc Mélenchon y va. Ou comment prendre la gauche de la gauche à son propre piège.

Comment ?! François Hollande serait prêt à se lancer dans une primaire qui désignerait le candidat de la gauche pour la présidentielle de 2017 ? L’un des proches du Président, le conseiller régional d’Ile-de-France Julien Dray, en a surpris certains en l’affirmant dimanche 17 janvier, sur le plateau de BFMTV. "Oui à une primaire de toute la gauche en vue d’avoir un seul candidat", a lancé celui qui passe pour un visiteur du soir de l’Elysée. "Parce que la question sous-jacente à tout cela, c’est d’être présent au deuxième tour de l’élection présidentielle, de ne pas recommencer le 21 avril 2002". François Hollande serait-il prêt à participer à une telle primaire ? "Oui", assure-t-il d’abord, avant de se rattraper : "Je ne peux pas répondre à sa place !"

Mais Julien Dray prend d’autres précautions. "Si la primaire sert à régler des comptes ou à éliminer les uns ou les autres, à faire un tribunal dans lequel devrait passer tel ou tel candidat, elle n’a aucun intérêt", prévient-il. Surtout, une astuce sémantique appelle, si l’on y fait attention, à relativiser ses propos : c’est bien à une primaire "de toute la gauche" qu’appelle l’élu francilien. Or, "toute la gauche" n’est pas partante pour l’aventure. Quelques heures après la publication d’un appel à "une grande primaire des gauches et des écologistes" à la une de Libération le 11 janvier, Jean-Luc Mélenchon a clairement signifié qu’il n’en serait pas. "Quand on va à une primaire, c’est qu’on en accepte le résultat et si Hollande vient, je n’ai aucune raison de le faire alors que je le combats depuis 2012", a déclaré le leader du Parti de gauche.

Invité d’iTélé ce lundi 18 janvier, Jean-Christophe Cambadélis a développé exactement le même argumentaire que Julien Dray. "Oui à une primaire de toute la gauche pour un candidat unique de la gauche", a déclaré le premier secrétaire du PS sur iTélé, tout en posant la même condition : "Il faut que l’ensemble des forces de gauche et des écologistes soient bien d’accord, celui qui l’emporte, on se met tous derrière lui. Sinon, ce n’est pas une primaire, c’est une manœuvre." On résume, donc : oui à la primaire, sauf si Jean-Luc Mélenchon n’accepte pas de se ranger ensuite derrière Hollande, ce qui n’est clairement pas son intention. Et pour que le piège soit complet, Cambadélis précise qu’une telle primaire ne saurait avoir lieu sans le fondateur du Front de gauche : "Si c’est une primaire de toute la gauche, ça va être difficile pour Mélenchon de se maintenir à l’extérieur…"

Déminer le terrain sans vexer les sympathisants de gauche favorables à une primaire

Si François Hollande reste mutique sur le sujet, il a donc pris soin d’envoyer au front ses grognards, qui s’emploient à déminer le terrain sans vexer les sympathisants de gauche, largement favorables à une primaire, selon un sondage Harris Interactive pour Marianne. Un conseiller élyséen, lui, ne prend pas de pincettes pour dévoiler l’issue de cette comédie : "Il n’y aura pas de primaire. Qui est en mesure d’en organiser une en six mois ? Les Républicains et le PS. Or, ceux qui ont répondu favorablement à l’appel sont les écologistes et les communistes." Et puis, "quand vous êtes président sortant, c’est difficile, justement parce qu’il faut présider la France", ajoute-t-il. Autrement dit, pas question de jongler entre des sommets internationaux avec des chefs d’Etat et des débats avec Arnaud Montebourg ou Cécile Duflot…

Vendredi dernier, déjà, l’un des ministres les plus proches de François Hollande, Jean-Yves Le Drian, avait martelé que celui-ci était "le candidat naturel de la gauche". Autre ami de longue date du chef de l’Etat, l’avocat Jean-Pierre Mignard s’est lui aussi employé à dissuader les tenants d’une primaire. Un exercice d’équilibriste pour celui qui préside la Haute Autorité éthique du PS : les statuts du parti disposent que le candidat à l’Elysée doit être désigné "au travers de primaires citoyennes". Pourtant, si une demande en ce sens était officialisée, la Haute Autorité se déclarerait "incompétente", a asséné Jean-Pierre Mignard le 11 janvier…

Et comme si la contre-offensive des hollandais ne suffisait pas, Manuel Valls lui-même a fermé le ban, samedi sur le plateau d’On n’est pas couché sur France 2. Pour lui aussi, François Hollande est le "candidat naturel" de la gauche pour 2017. "Je pense que le président de la République sortant n’a pas à se soumettre à une primaire, qui ne concernera d’ailleurs pas toute la gauche." Là aussi, l’argument est sous-entendu : si Mélenchon ne joue pas le jeu, pas question d’y aller. Manuel Valls qui, selon notre sondage, arrive en tête dans les souhaits de victoire des sympathisants de gauche en cas de primaire, préfère donc jouer la carte de la loyauté. Pour l’instant.


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