Loi Valls El-Khomri : En d’autre temps on aurait parlé d’esclavagisme !

vendredi 4 mars 2016.
 

La future loi Travail de Myriam El Khomri empile les propositions les plus réactionnaires revendiquées par le patronat. Aucun gouvernement n’avait osé aller aussi loin dans l’abaissement des garanties collectives et des droits acquis par les luttes depuis des décennies !!

C’est un recul de plus de 80 ans, la disparition des conquis du Front Populaire, du CNR à la Libération, de 68 et de 1981. De quoi réjouir M. Kessler (ex n° 2 du Medef) qui avait dit tout haut le rêve patronal : « Effacer les acquis du programme du CNR ».

Depuis un siècle le patronat dénonce ce « carcan » que serait le code du travail. De 1909 avec les déclarations du sénateur Touron : « Vos lois sociales coule une industrie déjà fragile » à 2006 et Laurence Parisot avec « La liberté de penser s’arrête là ou commence le droit du travail », le patronat a mené une offensive continue contre le droit des salariés !

Le premier inventaire des modifications qu’apporterait la loi est terrifiant :

 Durée légale du travail : elle resterait à 35 heures (début des heures supplémentaires maintenu à la 36e). Cependant, la durée maximale de la semaine de travail à 60 h ne serait plus assujettie à des circonstances exceptionnelles ni à l’accord de l’inspection du travail !

Des accords permettraient d’augmenter le temps de travail des salariés sans contrepartie même en l’absence totale de difficultés économiques (accords dits de développement de l’emploi).

La semaine de travail n’aurait aucune obligation de commencer un lundi, comme cela le samedi et le dimanche deviendraient des jours comme les autres.

Le temps de repos minimum descendrait sous les 11 heures, le temps de travail journalier passerait à 12h.

Afin de neutraliser le déclenchement des heures supplémentaires, le temps de travail pourrait être calculé sur 3 ans ! La diminution de la rémunération des heures supplémentaires jusqu’à 10% deviendrait possible dans toutes les entreprises …

 Les congés payés : ils ne sont plus obligatoires, le salarié peut y renoncer pour de l’argent !

 L’astreinte : Aujourd’hui, le salarié est considéré « à disposition de l’entreprise » et est indemnisé à ce titre. Le futur texte prévoit tout simplement qu’il soit considéré « en repos » tant que son entreprise n’aura pas fait appel à lui. Pourtant, selon la Charte sociale européenne, l’astreinte peut être moins payée (le travail n’est pas effectif) mais elle doit être indemnisée.

 L’apprentissage : les apprentis pourraient travailler jusqu’à 10h par jour (au lieu de 8h) pour 40h par semaine (35h aujourd’hui). La durée du travail hebdomadaire pouvait déjà être portée à 40 heures, sous condition de l’accord de l’inspection du travail et d’un médecin du travail. Désormais, le patron devra seulement les en « informer » !

 Le licenciement : Le projet de loi veut simplifier les licenciements pour favoriser les embauches ? Mais l’expérience le montre, simplifier les licenciements simplifie juste les licenciements …et fait gonfler les dividendes.

Des accords permettant licenciements et baisse des rémunérations pourront être conclus en cas de reconnaissance des difficultés économiques temporaires de l’entreprise (2 trimestres), limitées à la France et à une seule entreprise d’un groupe. Du fait, les bénéfices faits par le même groupe à l’étranger ne sont pas pris en compte ! Encore un bon moyen d’inciter aux délocalisations !

En cas de refus de modification du contrat de travail, conséquence de tels accords, les salariés seront licenciés pour motif personnel, sans possibilité d’en contester la cause réelle.

Les motifs de licenciement économiques sont considérablement élargis : une baisse de commandes sur plusieurs trimestres devient suffisante.

Le salarié licencié abusivement pouvait bénéficier d’une indemnité dont le montant était librement fixé par les Prud’hommes. Ce montant serait désormais plafonné, ce que réclamaient les patrons … Le juge devrait s’en tenir à un barème qui tient compte uniquement de l’ancienneté du salarié et avec un plafond à 15 mois de salaire pour les employés de plus de 20 ans d’ancienneté. Les patrons pourront licencier à leur guise et même le provisionner à l’avance !

 L’accord d’entreprise : il serait toujours voté par les syndicats, mais ceux-ci devront représenter au moins 50% des suffrages lors des élections professionnelles (contre 30%) pour être jugés représentatifs. Si les syndicats majoritaires ne valident pas l’accord, des syndicats minoritaires pourront demander la tenue d’un référendum. Refus de l’expression démocratique acquise par la voie électorale, le référendum délégitime l’intervention syndicale, accroît la pression patronale et le chantage aux licenciements.

C’est un nouveau coup de force contre le droit des salariés et des syndicats. C’est la mise en place d’une dictature patronale qui va sévir avec la complicité de « syndicats jaunes » (pourquoi pas mis en place par les patrons eux-mêmes !)

C’est cela qu’ils osent appeler modernité ! En d’autre temps on aurait parlé d’esclavagisme !

Dans ce pays, on ne parle jamais des salariés meurtris par le travail. Victimes anonymes d’une guerre économique. Chaque année, ce sont 500 accidents mortels au travail, 700 suicides, 650 000 accidents avec arrêts, 4500 handicap directement liés au travail. Des chiffres ? Non, des vies. Renvoyées au chômage, à la précarité, à la misère. Ruinées. Invisibles. Méprisées.

Dans la lettre installant la Commission Badinter, le premier ministre déclare : « la double fonction assignée au droit du travail est de plus en plus mal remplie. Alors qu’il doit à la fois protéger les travailleurs et sécuriser les entreprises pour leur permettre de se développer… ».

Mais ce n’est pas là, et ce ne doit pas être, la mission du Code du travail. Comme le stipule l’article L. 120-3, ce Code vise à borner le « lien de subordination juridique permanent à l’égard de l’employeur ». Depuis 1910, et à chaque avancée sociale, il eut cette fonction.

Le code du travail provient des résistances ouvrières, son rôle est de protéger et de sécuriser le salarié. Là, il est transformé en un véritable outil pour les laminer. Le rendre protecteur des entreprises, c’est écrire l’histoire à l’envers.

La ministre du travail annonce son intention de procéder par coup d’état, avec l’article 49-3 si cela s’avérait nécessaire.

Pour que ce cauchemar ne devienne pas réalité, il n’y a qu’un chemin à prendre, celui de l’unité, de la lutte et de la rue, pour envoyer ce texte honteux, indigne de la République, dans les poubelles de l’histoire ! C’est le moins que l’on puisse espérer.


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