Monte la sève sociale  !

samedi 9 avril 2016.
 

La colère sourde et diffuse qui traverse les profondeurs des entreprises, des quartiers, des villages se mue en actions collectives. La question sociale est de retour. Elle l’est dans des conditions nouvelles et dans des termes nouveaux.

Dans de multiples secteurs, des professions de santé aux agriculteurs, des enseignants aux salariés des secteurs publics, de la justice jusqu’aux notaires, des actions citoyennes pour défendre l’environnement ou les libertés à des actions des élus contre les rationnements budgétaires ou encore à celle des artisans taxis, une vague profonde de contestation des choix décidés dans le cadre du libéralisme échevelé se déploie de multiples façons. Cette situation est propice au débat sur des propositions nouvelles pour sortir des impasses actuelles. Nourries de l’expérience que la stratégie de déréglementation libérale et des cadeaux permanents aux grandes entreprises n’a strictement rien à voir avec l’efficacité économique et le recul du chômage. Une large majorité de nos concitoyens rejette le pas supplémentaire que propose le pouvoir  : la destruction du droit du travail.

Toute la politique mise en œuvre depuis le début du quinquennat n’a visé qu’à pressurer la valeur du travail rémunéré pour restaurer et gonfler les marges des grandes sociétés industrielles et financières. Comme au siècle dernier, où on expliquait que « les profits d’aujourd’hui feraient les emplois de demain », les metteurs en mots du langage de l’exploitation capitaliste expliquent que licencier sans entrave permettra de réduire le nombre de chômeurs  ; qu’on ne va pas précariser, mais qu’on flexibilise  ; que la démocratie, c’est organiser des référendums dans les entreprises avec un pistolet sur la tempe des salariés  ; que les heures supplémentaires sont presque des heures travaillées comme les autres  ; que le temps d’astreinte n’est pas du travail et ainsi de suite. Bref, un flot de mensonges pour camoufler le service aux puissances d’argent.

En vérité, le pouvoir applique avec zèle les choix du Conseil et de la Commission de Bruxelles, qui imposent à chacun des pays européens de s’engager dans la grande restructuration de leur économie. C’est la mise en œuvre méthodique de la demande du président de la Banque centrale européenne qui appelait, il y a quelque temps, à « la fin du modèle social européen ».

Ce sont ces choix qui font que l’Union européenne est la lanterne rouge de l’économie mondiale avec 47 millions de personnes au chômage ou en sous-emploi (1). Ce chiffre ne dit rien des souffrances humaines et du gâchis ainsi créés. Ces « réformes structurelles » comme les effets catastrophiques de la politique agricole et toutes les dérégulations, ont des conséquences opposées à un projet solidaire européen. Tout pousse, au nom d’une prétendue « compétitivité nationale » ou de « compétitivité d’entreprises » au sein d’un même groupe, à nourrir une funeste logique nationaliste faisant croire qu’on ne peut gagner à l’endroit où l’on se trouve qu’au détriment « des autres ».

La construction européenne actuelle, au service du grand patronat, nourrit ce nationalisme, cette guerre de tous contre tous.

L’histoire risque de retenir que c’est un pouvoir élu par la gauche qui aura satisfait jusqu’au bout la déraison et l’inextinguible soif du profit du capital et se soumet avec zèle aux injonctions européennes qui provoquent une grande catastrophe économique et sociale. Ce que déclame avec contentement M. Hervé Morin, le nouveau président de droite de la région Normandie, lorsqu’il déclare  : « Qui aurait pu imaginer, il y a cinq ans, qu’un premier ministre socialiste proposerait de faciliter les licenciements pour favoriser l’emploi  ? Pour moi qui suis un libéral, les choses avancent. » Pour nous, elles reculent pour les salariés et les chômeurs. Alors que d’immenses chantiers, créateurs d’emplois utiles, devraient être investis, comme ceux de la réindustrialisation, de la réorientation des choix de politique agricole, des atouts maritimes, de la transition environnementale et énergétique, de la protection des biens communs, avec le développement de services publics démocratisés, une maîtrise publique des finances et du crédit, le pouvoir ne répond qu’aux demandes à courte vue d’un capitalisme financier internationalisé qui n’a que faire des intérêts de la France et de ses régions.

Sans en avoir forcément conscience en tout point, n’est-ce pas ce que contestent les mouvements sociaux dans leur diversité  ?

Ils ont réussi à surmonter les nauséabondes questions identitaires dans lesquelles une cohorte de penseurs, de journalistes et le marais politicien voulaient les enfermer pour diviser et effacer les enjeux fondamentaux de la condition sociale et humaine.

La jeunesse commence à être partie prenante de ce mouvement car elle pressent à juste titre que son avenir se joue ici. Que leur répond le gouvernement  ? Qu’à l’inverse du CPE, la question posée ne les concerne pas directement, comme s’il parlait à des jeunes appelés à le rester éternellement  ! Que des économistes, des juristes ou la CGT mettent sur la table des projets alternatifs de réforme progressiste du droit du travail, pour un droit adapté aux conditions de notre temps, protecteur, plus efficace, au service de l’intérêt général, balaient cette accusation absurde de la volonté du statu quo, ne rendra ce mouvement que plus solide, conscient et uni.

Que ce débat prenne encore de l’ampleur, que des rencontres, des conférences s’organisent partout pour décrypter les projets en cours et les alternatives possibles et un mouvement irrésistible, de contenu progressiste, pourra voir le jour, dans lequel peuvent émerger les voix et les moyens d’un nouveau front progressiste et citoyen pour préparer un nouvel avenir.

Patrick Le Hyaric


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