Peu à peu, le mouvement Banlieues debout se lève avec Nuit debout

jeudi 21 avril 2016.
 

Les Nuits debout se multiplient dans les banlieues d’Île-de-France. Mais la convergence des luttes n’a pas encore abouti entre Parisiens et habitants des quartiers populaires. Pour rétablir la confiance, il faut que les jeunes de la place de la République aillent soutenir les habitants des cités, estiment plusieurs militants des quartiers populaires.

Mercredi 14 avril, c’est devant la basilique de Saint-Denis qu’environ 300 personnes se sont retrouvées pour le mouvement Banlieue debout. Un tract avait été distribué quelques jours plus tôt afin de soutenir les parents d’élèves mobilisés contre le manque de personnel dans le département. Celui-ci invitait à poursuivre la manifestation sous forme de « Nuit debout à Saint-Denis ». Barnums, affiches, cantine, et même un espace enfant. A 18 h, tout est déjà installé et les prises de paroles commencent.

Les revendications ne sont pas les mêmes que dans le cœur de Paris. Ici, le mouvement a commencé dans la matinée par des revendications de parents d’élèves. « Les inégalités que subit le 93 [département de Seine-Saint-Denis], le manque de personnels remplaçants dans les écoles ainsi que de psychologues après l’assaut du 18 novembre dernier font de Saint-Denis une ville en lutte » affirme Maïka, parent d’élèves dionysienne de 42 ans, venue par hasard après le rassemblement de parents d’élèves.

« On parle entre nous de délocaliser la Nuit debout de Paris. Il y a des personnes qui ne peuvent pas se déplacer pour manifester leur colère », ajoute-t-elle. « Il y a des gens qui ne peuvent se déplacer pour manifester leur colère » Philippe, étudiant brésilien en socio-anthropologie à Paris 8 explique qu’« au-delà de la problématique de la loi travail, il y a des problèmes de logement et de migrants à Saint-Denis. J’ai beaucoup parlé avec des gens venus de Paris qui sont là à travers le mouvement de Nuit debout. Ils ne connaissent pas forcément les problèmes de Saint-Denis mais l’important c’est qu’ils soient là ». C’est important que les gens de Paris soient là » Lahsen et sa femme Mariam insistent sur le fait que « ça ne s’arrête pas à Saint Denis, c’est juste une goutte. Tant qu’on est ici, qu’on veut bien faire partie de cette société, on est là. Ici c’est une extension car on ne peut pas se déplacer tous à un endroit précis ». « Saint-Denis, c’est juste une goutte » Une impression partagée par la plupart des participants à l’image de Wendzy, 29 ans, employé de la piscine municipale, qui affirme : « Je ne suis pas allé place de la République car je travaille tous les jours. Mais j’y serais allé si j’avais le temps. »

« C’est beaucoup d’entre-soi, entre militants »

Loin de la Nuit debout de la place de la République, le rassemblement de Saint Denis n’a pas les mêmes moyens techniques. Soutenu par la Mairie de Saint-Denis, plusieurs barnums sont installés, des chaises ont également été prêtées alors qu’au même moment, les militants de la place de la République peinent à trouver de quoi poser leurs crayons. Elisabeth, militante associative, est venue à Saint-Denis après être passée il y a quelques jours place de la République : « Je pense que partout où on est il faut se mobiliser. Mais il faut que ça soit plus consistant. C’est beaucoup l’entre-soi, entre militants. Ici il y a un tissu associatif citoyen qui se connaît. Beaucoup sont déjà en association. »

Bien que ce mouvement prennent de l’ampleur, quelques personnes attendent de voir si cela aboutira à quelque chose de plus concret. « La principale critique de Occupy Wall Street est qu’il ne s’est rien passé derrière. Il serait dommage qu’il ne se passe rien après Nuit debout, on va passer pour des branleurs de jeunes. Il faut prendre les idées de revendication pour les transformer en quelque chose » espère Mathilde, 26 ans. JPEG - 146.2 koMathilde : « Il faut transformer les idées de revendication en autre chose » Comme à Saint-Denis, de nombreuses Nuits debout émergent au-delà du périphérique. Vendredi 15 avril, sept mobilisations ont eu lieu à Créteil et Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), Cergy (Val-d’Oise), Mantes-la-Jolie (Yvelines), Évry (Essonne), Les Lilas et le Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis). Mercredi 13 avril, outre Saint-Denis, plusieurs Nuit debout se sont déroulées à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Noisy-le-Grand, Romainville et Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)

« Il y avait surtout des lycéens, quelques bobos, mais c’était quand même assez mélangé »

Montreuil (Seine-Saint-Denis) a initié le mouvement. Vendredi 8 avril, entre 200 et 300 personnes se sont réunies place Jean-Jaurès. Une initiative lancée par Henni Darrat, 18 ans, lycéen à Montreuil. « J’allais place de la République tous les soirs. Quand j’ai entendu l’appel à élargir Nuit debout à d’autres villes, je me suis dit, pourquoi pas Montreuil, explique le militant, membre du Comité des citoyens montreuillois. Il y avait surtout des lycéens, quelques bobos, mais c’était quand même assez mélangé. »

C’est l’interrogation lancinante de Nuit debout. Les étudiants, les intellectuels précaires et les classes moyennes sont très représentés à la mobilisation parisienne, les habitants des quartiers populaires beaucoup moins. Le mouvement arrivera-t-il à élargir sa base sociologique et à atteindre son objectif de convergence des luttes ?

Une poignée de militants des quartiers populaires, régulièrement présents place de la République et conscients qu’une mobilisation conjointe est nécessaire, s’active pour impliquer les habitants de leurs quartiers.

Isaline Bernard et Emilie Massemin


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