Beaucoup de bruit autour d’une affiche pour assourdir les coups des CRS

samedi 23 avril 2016.
 

Une affiche d’ Info’com CGT dénonçant les violences policières a déclenché, en plein congrès de la CGT, une polémique instrumentalisée par la droite et une partie du PS. La police des polices admet elle-même qu’il y a bien un problème avec l’attitude de certains agents…

Si l’affiche du syndicat Info’com de la CGT avait été moins joliment réalisée, avec sa très graphique giclée de sang, elle aurait sans doute moins fait parler d’elle. Car, en soi, sa dénonciation des violences policières qui émaillent le mouvement contre la loi El Khomri est plutôt évidente. Pas de quoi s’étonner, alors que les réseaux sociaux sont remplis depuis plusieurs semaines de photos et de vidéos montrant la police dans ses œuvres, jusqu’au récent coup de pied administré par un CRS à une jeune femme de 24 ans, qui a donné naissance au hashtag rieur#posetoncrs. Bref, la police tabasse à tout va, c’est un fait, et la polémique qui entoure l’affiche de la CGT Info’com n’a clairement pas lieu d’être.

« C’est un débat de bas étage qui vise à décrédibiliser le mouvement social et notre syndicat, résume Stéphane Paturey, secrétaire général adjoint d’ Info’com CGT. Vous ne trouvez pas étonnant que cette polémique idiote tombe alors que nous sommes en plein congrès national ? » Le vice-président du Front national (FN), Florian Philippot, et le à peine moins à droite Éric Ciotti (« Les Républicains ») ont été les premiers à s’offusquer. Suivis de près par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, qui s’est dit « choqué ». En bon soldat du gouvernement, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, s’est également emparé de l’affaire pour évoquer une prétendue « gauchisation » de la CGT, surtout coupable de son opposition à la loi El Khomri. « Le PS et le gouvernement sautent sur l’occasion pour caricaturer la CGT, au lieu de répondre sur le fond aux problèmes posés par leur politique, relève Baptiste Talbot, secrétaire général de la fédération services publics, interrogé pendant le congrès à Marseille. C’est pas nous qui nous gauchisons, c’est le PS qui se droitise ! »

La grande clémence dont jouissent les agents de police mise en cause

Derrière la manipulation antisyndicale, il ya aussi l’atavisme aveugle qui pousse certains politiques à vouloir défendre les forces de l’ordre coûte que coûte. Pourtant, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) elle-même reconnaît qu’il ya un gros problème. Fin mars, elle a décidé de se doter d’un outil statistique pour justement quantifier les violences policières. Cette initiative vise, selon l’IGPN, à recenser « les blessures sérieuses, les blessures graves et les décès de particuliers survenus à l’occasion de l’exercice des missions de la police nationale ». Et a été lancée dans la foulée de la remise du rapport accusateur de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) en mars. L’association a étudié 85 affaires de violence policière sur une période de dix ans et déplore la grande clémence dont jouissent les agents mis en cause. Sur cette période, un seul cas a donné lieu à une peine de prison ferme, les autres débouchant sur du sursis, y compris lorsque des policiers étaient coupables d’homicide.

« La question, c’est qui dirige la police aujourd’hui », pointe Anthony Caillé, de la CGT police. Le syndicaliste s’interroge sur l’absence d’instruction donnée par la hiérarchie pour calmer ses troupes déployées à Paris. « Pourquoi les lycéens qui se tenaient tranquilles à Nation, après la manif du 9 mars, se sont fait charger ? Et à l’inverse, on laisse le champ libre à d’autres pour casser des trucs ? », souligne Anthony Caillé. Selon lui, « tout semble fait pour casser le mouvement ».

Medhi Fikri, avec Cyprien Boganda, L’Humanité


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