Loi "travail" : la mobilisation s’enracine (article du JDD)

lundi 16 mai 2016.
 

Manifestation contre la loi Travail : "Ce n’est pas la fin de la bataille"

Des milliers de personnes ont manifesté jeudi contre la loi El Khomri, à l’appel de plusieurs syndicats. Plus de deux mois après la présentation du projet de loi visant à réformer le Code du travail, la contestation demeure.

Alors que l’Assemblée débattait sur la motion de censure, opposants à la loi travail se sont mobilisés dans les rues de Paris. Le recours à l’article 49 alinéa 3 mardi, engageant ainsi la responsabilité du gouvernement, n’a ni dissuadé les manifestants, ni calmé les protestations. Bien au contraire.

De Denfert Rochereau aux Invalides, le cortège ne désemplit pas. Le ciel gris et les vendeurs de sandwichs accompagnent militants, étudiants, élus de la République ou simples sympathisants. Quelques enfants déambulent également au milieu des gilets fluorescents des syndicats. Les syndiqués sont d’ailleurs en grand nombre : CGT, CFDT, FO Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC), Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC), pour ne citer qu’eux. Tous n’ont qu’une phrase dans la bouche : "Retrait de la loi travail" et sont bien décidés à faire reculer le gouvernement.

"Nous demandons le retrait de la loi El Khomri" : l’objectif est clair pour Manuel, chargé de mission de 36 ans pour la métropole du Grand Paris. Ce syndiqué CGT énumère les différentes étapes qui attendent le projet de loi (passage au Sénat, vote, promulgation et décrets d’application). Pour lui, l’espoir demeure. "Tant que la procédure parlementaire n’est pas finie, on continuera, localement et nationalement à organiser des rassemblements." Il prend pour exemple l’appel à la grève des syndicats de chauffeurs routiers et espère que d’autres corporations rejoindront le mouvement.

Même si "le gouvernement est sourd à ce à quoi aspire la population", faire la sourde oreille ne pourra durer longtemps. Il se souvient encore des manifestations contre le contrat première embauche (CPE) qui avaient secoué la France en 2006. Souvenir qui l’amène à conclure : "ce n’est pas la fin de la bataille."

Monique aussi se remémore les manifestations contre le CPE. A 66 ans, cette retraitée du secteur bancaire n’a pas la langue dans sa poche : "Au gouvernement, ils sont tous pourris, qu’ils aillent se faire foutre !" Elle conseille au gouvernement, complètement déconnecté de la réalité selon elle, "d’aller chercher l’argent là où il se trouve : aux Bahamas, au Panama, et pas dans les salaires et les retraites." Monique n’est pas non plus prête à rendre les armes : "Tant qu’il y a des appels à manifester, j’y serais ! On a l’expérience du CPE, ensuite ce sera aux jeunes de prendre la relève."

"On manifeste pour avoir un futur meilleur"

Justement, cette jeunesse qu’elle appelle de ses bons voeux à se mobiliser est aussi présente jeudi. Sébastien, Julie et Charles, 17 ans, sont trois lycéens de Vitry-sur-Seine. A la question "quelles sont vos revendications ?", un temps de réflexion s’impose. C’est finalement Sébastien qui se dévoue : "on manifeste pour avoir un futur meilleur". "Il faut continuer, sinon ça veut dire que ça n’aura servi à rien. Même si la loi est passée, il faut faire entendre notre avis. De toute façon, s’ils utilisent le 49.3 c’est qu’ils ont peur", poursuit-il, tenant à la main une pancarte en carton, encore vierge. Il a prévu d’y inscrire "Hollande motion très bien". Sébastien et ses acolytes se dirigent vers la sortie du métro Denfert-Rochereau après avoir retrouvé leurs amis arrêtés par les policiers. Ces derniers sont placés en groupe avant la sortie du métro et interceptent certains manifestants pour examiner leurs sacs.

"Nous avons un gouvernement de gauche avec une politique de droite"

Boulevard du Montparnasse, Agnès se tient en retrait du cortège. Derrière elle, les policiers, boucliers à la main et casques vissés sur la tête, veillent à ce que le cortège suive le chemin officiel. Et sont prêts à intervenir en cas de débordement. Agnès reproche que le gouvernement laisse les CRS taper les manifestants alors que les témoignages dénonçant de violences policières se multiplient ces derniers jours.

Même si cette praticienne hospitalière de 40 ans gagne bien sa vie, cela ne l’empêche pas de participer aux manifestations car elle est "lassée que le gouvernement impose des règles aux gens qui gagnent moins d’argent." Elle regrette que cela émane d’un"gouvernement de gauche avec une politique de droite." La conséquence est simple pour cette mère d’une petite fille : "Je vais voter encore plus à gauche."

Magic System contre la loi El Khomri

Au milieu du brouhaha ambiant, certains slogans sortent du lot, comme ces deux militants de la CGT qui s’époumonent sur : "On n’en veut pas. 49.3 ou pas cette loi c’est celle du patronat !" Plus surprenant, le morceau "Bouger, bouger"du groupe ivoirien Magic System qui retentit d’un camion de la CGT : "On a tout fait, on a parlé oh yéé. On a tout fait, on a crié oh yéé. Mais vraiment rien n’a changé oh yéé. En tous cas rien n’a changé oh yéé. On va bouger, bouger..."

Des paroles qui se prêtent étonnement bien au contexte. Les manifestants bougent quant à eux jusqu’aux Invalides. C’est là que le cortège prend fin. Mais pas la protestation. Un grand rassemblement était prévu face à l’Assemblée nationale où la motion de censure était débattue, avant d’être rejettée en fin de journée. Alors que le cortège arrivait au terme de son parcours, des jeunes casseurs s’en sont pris brièvement aux manifestants et aux journalistes présents.


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