Entraygues au Moyen Age

lundi 30 janvier 2023.
 

Introduction : l’importance de la connaissance historique pour un bourg comme Entraygues

Voici une trentaine d’années a débuté l’engouement touristique et religieux pour le Chemin de Saint Jacques de Compostelle. S’est posée la question des traces de ce pèlerinage sur Entraygues pour ne pas être oubliés. Cela nous confrontait à un choix :

- soit on continuait à écrire d’énormes sornettes comme le château terminé en 1290 par le comte de Rodez puis quelques maisons qui se sont construites autour. Auquel cas Entraygues n’avait pas été concerné de façon significative par ce pèlerinage médiéval dont l’apogée se situe avant 1290.

- soit on prenait le temps d’une recherche historique, au moins d’une concertation entre un élu et des personnes compétentes sur le sujet. Auquel cas, on se serait vite mis d’accord sur l’importance d’Entraygues depuis plusieurs siècles avant 1290, sur son importance religieuse (à mon avis Entraygues est alors un archidiaconé, c’est à dire le chef-lieu du sous-diocèse comprenant Laguiole, Espalion, Estaing et Conques), sur son importance décisive pour le passage du Lot. De fait, Entraygues a choisi de continuer à raconter des sornettes et les retombées économiques du Chemin de Saint Jacques nous sont passées sous le nez.

- D’autres opportunités se présenteront. Mieux vaut ne pas les manquer.

- Avant de commencer, j’insiste sur un point : je peux me tromper sur certains points. Celui qui le prouvera fera avancer la connaissance historique sur le pays d’Entraygues. C’est tout ce que je souhaite.

J’ai divisé cette petite conférence en 2 parties : les particularités locales et quelques pages d’histoire.

Première partie : Dix particularités locales

1) La ville est plus ancienne et plus puissante que le château

Le plateau de Condat, Albouis, Brivadès, Marmaton abritait la ville antique. Au début du 6ème siècle, tout ce secteur a été rasé.

Durant une grosse partie du Moyen Age, Entraygues ne comprenait que deux quartiers d’habitation, assez rapidement entourés de remparts :

- le quartier haut appelé à l’époque la farga et la fasenda vièlha avec un donjon qui la domine : lo domnon au Portalh d’amont.

- le quartier de l’église appelé à l’époque la sacristanha.

A partir du 11ème, 12ème siècles la ville s’agrandit vers le confluent avec une nouvelle église appelée Nostra Dona d’en Dol et les 3 bâtiments du château actuel.

Au 13ème siècle, l’ancien secteur du Bardier (quartier bas) accueille de nouvelles maisons et devient la fasenda nova appelée aussi lo bardier. Le village du Pont de Truyère date de la même époque. Le secteur entre Pont de Truyère et quartier haut continue à abriter une sorte de zone artisanale et industrielle. Sur la fin du 13ème, le comte de Rodez construit lo castèl novèl, le nouveau château qui sera rasé au début du 17ème siècle.

2) Durant 8 à 10 siècles, Entraygues apparaît comme une sorte de cité antique attardée héritée de l’empire romain

- bataille permanente des habitants d’Entraygues et de ses environs pour le maintien de leurs "droits antiques", par exemple aucun emprisonnement ne peut être prononcé pour un délit inférieur à la mutilation d’un membre d’une personne, par exemple aussi le droit d’établissement (liberté de créer une activité économique y compris une taverne), le droit de créer une famille, le droit de posséder une maison et d’y faire du feu, tous droits hérités du droit romain.

- le nom de plusieurs constructions rappelle l’Antiquité romaine : l’aula (université, probablement la maison en haut de la rue droite comprenant actuellement des logements sociaux), le domnou du latin dominus (donjon au portalh d’amont), la rue Asgnum de la rue droite à l’école publique longeant la sacristie, la chaussée antique (actuelle chaussée du moulin de Truyère), le quai antique etc

J’ajoute un autre point. La circonscription administrative dont Entraygues est le chef-lieu se nomme lo mandament d’Antraygas du latin mandamentum (circonscription administrative) et non seigneurie.

3) Au Moyen Age, Entraygues défend de façon opiniâtre ses droits antiques. Qui organise et dirige ce combat ? le syndicat

Ce mot vient de deux racines grecques antiques : syn (en commun) que l’on trouve également en français dans symphonie, sympathiser et la racine dike (le droit, la justice, la loi protectrice). Le mot grec porte le fait de défendre quelqu’un en justice ou d’appartenir en commun. Le syndic, dans l’antiquité grecque correspond à un défenseur à l’occasion d’une action en justice. Durant l’Antiquité, le terme syndicat désigne la fonction jouée par le syndic, mais aussi le groupe représenté. Le mot latin syndicus décrit l’avocat et représentant d’une ville. A l’époque médiévale, ce mot est assez fréquemment utilisé dans le Midi de la France avec des sens variables.

Au Moyen Age, Entraygues est longtemps signalé comme "ville de syndicat". Ce concept doit être très rare pour que le web ne le connaisse absolument pas. Lorsque j’étais étudiant en histoire, un professeur d’histoire médiévale connaissait trois "paroisses de syndicat" dans le Midi. Autour de l’an mil lorsque des seigneurs s’étaient décrétés propriétaires de tout, des paysans s’étaient réunis en syndicat pour affirmer que toute personne extérieure à la paroisse voulant modifier un tant soit peu leurs institutions devait entrer en contact avec le syndicat qui les représentait. En gros, cela correspond effectivement au rôle du syndicat sur Entraygues.

Le livre Al Canton sur Entraygues stipule que consuls et syndics, consulat et syndicat sont synonymes localement. C’est une erreur énorme. A Entraygues, les consuls sont élus chaque année en Assemblée générale du peuple jusqu’en 1292 puis cooptés. Les syndics, eux, sont à la tête du syndicat qui défend les intérêts collectifs des citoyennes et citoyens d’Entraygues face à la féodalité, face à son droit arbitraire, face à sa fiscalité arbitraire etc Les syndics mènent les actions en justice et représentent Entraygues lors des conflits fréquents face au comte de Rodez puis au comte d’Armagnac de la fin du 13ème siècle à la fin du 15ème siècle.

4) Autre héritage de l’Antiquité : le consulat

Comme vous le savez, l’ensemble des citoyens romains élisaient deux consuls chaque année en comices centuriates comme chefs politiques et militaires de la République. A Entraygues, jusqu’en 1292, la 1ère Assemblée générale ordinaire de l’année (en novembre) élisait deux consuls choisis dans la ville, appelés "premiers consuls", deux vice-consuls pour le milieu rural puis quatre co-consuls de diverses provenances géographiques.

Ces huit consuls sont responsables des finances, des foires et marchés, de l’entretien des grandes voies de communication, des rues, des ponts et des chemins. Ils jugent sur les questions commerciales... Après 1292, ils gardent ces fonctions mais sont choisis selon des modalités variables en fonction des rapports de force.

5) Quelle est l’institution politique la plus importante d’Entraygues durant le Moyen Age ? C’est la Communauté d’habitants, la comunaltat

Premièrement, chaque petit bourg du Moyen Age était géré par une communauté d’habitants. En Rouergue, par exemple, toutes les écoles sans exception appartiennent et sont gérées par ces communautés d’habitants ; de même toutes les questions d’urbanisme sont gérées par ces communautés.

Deuxièmement, les historiens réévaluent de plus en plus le rôle de ces communautés d’habitants aux côtés de l’Eglise et des seigneurs.

Troisièmement, la "communauté des habitants d’Entraygues" présente plusieurs particularités, en particulier l’importance des biens communs dont elle est propriétaire et qu’elle gère en co-propriété : la chaussée et les installations du port, les moulins, les ponts, les rues, les grands chemins, l’école, les églises, les fortifications et même le sol, j’y reviendrai. Ceci dit, assez fréquemment, ces biens communs étaient en régie indirecte par appel d’offres pour une période précise. Enfin, si l’on prend le cas du port, la communauté était propriétaire des installations ; les bateaux relevaient de la propriété privée ; des emplacements étaient loués par exemple pour la nef du frère de Louis 9.

6) Le rôle central des Assemblées générales du peuple

Ce rôle n’est pas surprenant puisque tous les peuples de la protohistoire puis de l’Antiquité les ont connues, par exemple les Gaulois, les cités romaines, les Germains.

L’Assemblée générale du peuple, à laquelle les femmes participent à Entraygues, porte le nom de comices comme dans la Rome républicaine. L’article de Wikipedia sur Entraygues signale à juste titre le nom en latin de l’Hôpital local : l’hospicium comitiale (hôpital de l’Assemblée du peuple).

Sur Entraygues, on convoquait annuellement à ma connaissance huit Assemblées générales ordinaires, une chaque deux semaines à partir de la fin novembre pour élire les consuls et quelques autres responsabilités, tirer le bilan annuel des questions de santé et élire le directeur ou la directrice de l’hôpital, tirer le bilan annuel des questions d’éducation et élire le directeur ou la directrice de l’école, régler les problèmes militaires et de sécurité publique, aborder les questions commerciales (zones attribuées aux coustoubis), le port et la navigation, l’urbanisme, les questions sociales en particulier la répartition des terres du commun des pauvres et les secteurs de vaine pâture.

Il y avait aussi de nombreuses Assemblées générales extraordinaires, ce qui est inévitable pour une co-propriété. Par exemple, vers 1370, une énorme crue emporte une partie de la chaussée antique de Truyère. Une assemblée extraordinaire se réunit et décide des dispositions pour que les co-propriétaires eux-mêmes fassent les travaux.

Ces assemblées ne concernent pas que la ville ; rencontraient aussi des vesias, assemblées des voisins d’un hameau comme Méjaneserre, Cassomouls, Fougassiez. Ces vesias disposent toujours d’un point de surveillance, d’un lieu de refuge en cas de danger, de communs, de chemins de vesia, de limites géographiques très précises.

7) Quel type de féodalité ?

La féodalité du pays d’Entraygues présente les caractéristiques de la féodalité méditerranéenne marquée par les traditions urbaines romaines comme Nîmes par exemple. Jacques Bousquet, longtemps directeur des Archives départementales de l’Aveyron puis professeur d’histoire médiévale à la faculté de Montpellier, a écrit un livre sur le Premier Moyen Age dans laquelle il caractérise Entraygues comme cas type de ces sociétés méditerranéennes avec une sorte de grosse couche sociale privilégiée de chevaliers comme dans l’empire romain et non une pyramide féodo-vassalique.

8) Quelle économie pour faire vivre les habitants ?

La féodalité traditionnelle est fondée sur la propriété seigneuriale des terres et une faible circulation monétaire. Or, durant le Moyen Age, les testaments montrent que de nombreux paysans du secteur d’Entraygues sont plus riches que des seigneurs des montagnes environnantes. De plus, très peu de terres autour d’Entraygues ont été seigneuriales ; il n’y a jamais eu de serfs ici. Surtout, le port, les industries du cuir, de la métallurgie et du textile, le commerce local et l’activité des marchands ambulants dans les montagnes nommés ici Coustoubis ont toujours permis une circulation monétaire importante et une grande instabilité de la hiérarchie sociale.

Il faut que je dise ici un mot sur la propriété d’une grande partie du sol par la co-propriété de la Communauté d’habitants. Sur le seul secteur limité des communes actuelles d’Entraygues, Golinhac, Florentin, Banhars, je suis certain qu’au moins un millier de familles vivaient chacune sur un affar. Supposons qu’une famille miséreuse de l’Aubrac arrive sur Entraygues ; elle n’a pas besoin d’acheter une terre pour s’installer ; après accord de la communauté et de la v

9) La place d’Entraygues dans la pyramide féodo-vassalique

Dans la pyramide féodo-vassalique classique, les terres travaillées par les manants appartiennent à de petits seigneurs locaux. Les petits seigneurs prêtent hommage à un seigneur supérieur, par exemple le baron de Calmont ou l’abbaye de Conques dont ils se reconnaissent vassaux. Ce baron prête lui-même hommage à un comte ou duc, par exemple le comte de Rodez dont il se reconnaît vassal. Enfin, celui-ci prête hommage au roi de France dont il se reconnaît vassal.

La ville d’Entraygues et ses environs pour l’essentiel ne s’intègrent pas dans ce schéma.

La seigneurie d’Entraygues n’est pas domaniale, c’est à dire qu’elle n’implique pas propriété sur les terres, donc pas de droits féodaux classiques. Elle est donc essentiellement symbolique.

La seigneurie d’Entraygues est non divisible et indivise en plusieurs parts ce qui la rend faible face à la communauté d’habitants et au syndicat.

De plus, l’histoire d’Entraygues est tellement complexe que même les gens de l’époque sont souvent perdus pour savoir qui est seigneur d’Entraygues.

Lorsque c’est clair, Entraygues relève de pouvoirs féodaux lointains comme le comté de Toulouse, la royauté d’Aragon, le comté d’Armagnac.

Ces seigneurs ne peuvent s’appuyer sur de petits vassaux. Le comte de Rodez signe la Charte de 1292 avec Entraygues. Qui signe pour Entraygues ? C’est une signature collective Les Meteys, c’est à dire Les mêmes, Les Egaux avec ensuite plusieurs centaines de noms.

Enfin, le rapport de la ville d’Entraygues au royaume de France évolue en fait fonction des intérêts des habitants. Charles 7, 1565 futur Louis 11, François 1er 1528.

La féodalité du secteur doit donc être définie comme une féodalité urbaine avec pour institution principale, non le seigneur mais la Communauté d’habitants, la comunaltat. L’histoire d’Entraygues a été étudiée par deux historiens sérieux Ginisty et Jany. Cependant, Ginisty me paraît se tromper lorsqu’il voit au 12ème, 13ème siècles plusieurs seigneuries concurrentes localement, par exemple Ambasaïgues, Méjanesserre, Montcausson, Roussy, Saures. C’est la Communauté d’habitants d’Entraygues qui constitue le pouvoir principal et les propriétaires terriens sont souvent des chevaliers.

10) Qui assure un rôle militaire et policier dans la ville et les villages alentour ? La milice d’Entraygues

La garde des remparts est assurée par tous les habitants, hommes et femmes, à tour de rôle.

La milice assure un rôle de police au service des consuls et des assemblées. Elle prend également en charge la protection des marchands et pèlerins qui sortent d’Entraygues.

Elle comprend en particulier des chevaliers bénéficiant d’une renommée importante.

Les D’Entraygues assurent souvent un rôle de chef militaires.

1) Le château et le rempart de la ville

Lorsque l’on parle du Moyen Age, la première image qui vient en tête, c’est le château. Voici ce qu’en dit l’Institut National de Recherches Archéologiques sur son site :

" Les châteaux médiévaux que nous avons aujourd’hui sous les yeux remontent le plus souvent au XVe, voire au XIIIe siècle. Construits en bois à la fin du Xe siècle, ils sont, par la suite, édifiés en pierre. Le château et son donjon sont l’expression du pouvoir du seigneur."

Je n’aime pas cette définition, défendue par exemple par les Bâtiments de France en Aveyron. Elle me paraît non opératoire pour Entraygues.

L’intérieur de la partie centrale du château actuel date probablement de la fin du 11ème siècle et c’était la mairie. Les deux tours accolées ne sont pas non plus "l’expression du pouvoir du seigneur". Même la tour

- 1) Des années 500 à 760

1a) Des années 500 à 760 : Une période de régression économique, démographique et politique en Europe occidentale.

Pourquoi cette régression en Europe occidentale ?

- en raison d’un refroidissement général du climat. Les historiens spécialisés considèrent même qu’il s’agit là de la principale raison de la chute du puissant empire romain.

- en raison d’un contexte général d’invasions avec, par exemple, la prise de Rome le 24 août 410 par Alaric, roi des Wisigoths, le sac de 455 de Rome par les Vandales de Genséric en 455 etc

- en raison de l’effondrement des pouvoirs publics qui entraînent par exemple des difficultés de plus en plus importantes pour l’adduction d’eau vers les grandes villes

- en raison du mauvais état de plus en plus important du réseau des routes et chemins, des ponts et autres infrastructures, ce qui entraîne une forte baisse des activités commerciales

- Récoltes moins généreuses en raison du refroidissement, arrêt de l’approvisionnement en eau et effondrement des activités commerciales provoquent le départ vers les campagnes de beaucoup d’urbains, par exemple sur Rodez.

- Dans le même temps, les institutions publiques au niveau par exemple du Rouergue de l’époque s’affaiblissent au profit d’une privatisation familiale (expliquer) et religieuse des pouvoirs.

1b) Des années 500 à 760 : Une période, semble-t-il, assez faste pour le pays d’Entraygues.

- Le refroidissement a évidemment plus touché les terroirs d’altitude comme l’Aubrac, le plateau cantalien, les Causses, Palanges et Ségala aveyronnais que les vallées chaudes de basse altitude.

- Le mauvais état de plus en plus important des ponts et autres infrastructures entraînant un effondrement des activités commerciales a évidemment pesé sur Entraygues dont le grand pont de Brivadès est emporté par une crue puis remplacé par un pont ancré sur le rocher de Roquepailhol, lui-même emporté ensuite mais remplacé par des bateaux sur l’emplacement actuel du Pont de Truyère.

- de façon générale en Europe occidentale, le commerce sur les voies fluviales et les villes portuaires au long de ces voies fluviales reste florissant ; c’est le cas par exemple le long de la vallée du Pô, du Rhin, de la Seine, de la Garonne, de l’Ebre.

- les invasions, guerres et catastrophes diverses ne paraissent pas avoir déstabilisé profondément l’héritage de l’Antiquité gallo-romaine à Entraygues. Durant un millier d’années la ville va se battre pour le maintien de ses droits antiques (citoyenneté individuelle, élections, municipalité de consuls, droit écrit, liberté d’établissement économique etc).

1c) Contexte politique général et histoire d’Entraygues face aux Francs de Clovis

En 500, le peuple des Wisigoths (Goths instruits, Goths avisés) est installé depuis près d’un siècle dans le Sud-Ouest de la Gaule. Venus de Scandinavie et de la Baltique, ils ont été intégrés comme alliés dans l’empire romain. Ils s’intègrent de façon importante parmi les populations autochtones. Entraygues marque leur frontière Nord à plusieurs périodes, par exemple en 475. Des contingents wisigoths sont présents en particulier autour du Mont appelé depuis Puech des Alaris, c’est à dire Mont des Wisigoths. En cette année 475, l’Auvergne passe aussi sous leur hégémonie souple. Elle constitue alors un dernier vivier de traditions antiques gallo-romaines au plan sociétal comme politique, religieux catholique et judiciaire. Cependant, en 510, une grosse armée franque envahit l’Auvergne. Le pape de l’époque a bien résumé la situation "Les Francs vinrent, volèrent, violèrent, tuèrent, ne laissant que le sol qu’ils ne purent emporter". Ils ne furent arrêtés temporairement que sur la ligne fortifiée d’Entraygues et du Lot.

Quand j’étais enfant, plusieurs traditions orales restaient maigres mais décelables parmi des familles locales anciennes sur cette période, particulièrement dans le secteur de Golinhac, Les Albusquiès, Liabastres. Mon grand père maternel, élu de la commune de Golinhac en était partiellement porteur. Ma grand mère paternelle dont la mère, une Castanié, était native de Liabastres encore plus.

Ces traces de traditions orales m’intéressaient d’autant plus qu’elles entraient en résonnance pour la même époque avec les disparates traditions orales d’Entraygues sur les batailles du confluent face à Clovis qui auraient généré l’ancien nom occitan local de ce lieu symbolique : las batalhas. Des traditions du même type pouvaient également être repérées au Fel sur une grande défaite des Auvergnats face à Clovis autour du promontoire de Roussy et même sur Saint Hippolyte concernant l’ancienne bourgade importante sur le lieu actuellement appelé La Capelle entre Sayrolles et Vaurs.

Par la suite, deux personnes passionnées d’histoire locale m’ont apporté des éléments plus précis : Monsieur Catusse de Saint Rames et surtout Monsieur Rolland de la Borie haute, maire de Golinhac de 1940 à 1945. Dans le cadre d’une valorisation des traditions rurales, le baron de Chefdebien, principal dirigeant de l’Aveyron à cette époque, avait aidé un groupe local à avoir des informations de la part des archives nationales sur les difficultés rencontrées par Clovis en 510 et années suivantes face à Entraygues et à la ligne fortifiée du Lot.

Par mes parents qui mangeaient chaque année avec leur "cousine d’Albi", familialement proche d’Honoré de Balzac, j’ai su que celui-ci avait payé des généalogistes de la noblesse (à une époque où il avait de l’argent) pour savoir l’origine de son nom de famille De Balzac D’Entraygues. La réponse comblait en partie ma soif d’éclaircissements sur cette page d’histoire ayant vu la résistance des vallées d’Entraygues face aux Francs. Honoré de Balzac résume cette information dans sa première préface du Lys dans la vallée. Au début du 6ème siècle, l’Auvergne constituait un dernier vivier indépendant de traditions antiques gallo-romaines au plan sociétal comme politique, religieux et judiciaire. Lorsque Clovis décida de le rayer de la carte, des Auvergnats essayèrent de défendre leurs terres, leurs familles et leurs proches, dont l’ancêtre de Balzac, natif et propriétaire terrien de Balssa en Auvergne ; s’étant replié sur Entraygues et la ligne du Lot qui réussissaient à résister, il avait pris la tête d’une coalition d’où la deuxième partie du nom de sa famille à savoir D’Entraygues.

1d) Les Wisigoths , le royaume d’Aquitaine et la résistance aux Francs de Clovis ailleurs dans le Midi

Au 4ème siècle, les Wisigoths , venus de Scandinavie et du Nord de la Pologne sont installés comme alliés de l’empire romain dans le Sud-Ouest de la Gaule. En 408, 30000 soldats wisigoths de l’armée romaine sont massacrés. le roi wisigoth Alaric 1er marche alors sur Rome qu’il prend en 410. En 416, l’empire romain préfère signer la paix avec ce peuple qui est installé en Aquitaine avec Toulouse comme capitale et se sédentarise. En 451, ils constituent la force militaire principale permettant la victoire face aux Huns d’Attila lors de la bataille des Champs catalauniques. En 475, le royaume wisigoth s’étend sur tout le Sud-Ouest de la Gaule et en 476, sur tout le Midi jusqu’à l’actuelle frontière italienne. Durant plusieurs périodes ce royaume Wisigoth s’appuie sur Entraygues comme bastion Nord face aux Francs. En 506, l’église chrétienne arienne des Wisigoths tient un synode et leur roi Alaric II tente un rapprochement tardif avec les catholiques. Alaric II promulgue un code de lois pour ses sujets gallo-romains, le Bréviaire d’Alaric, inspiré du Code de Théodose.

En 507, les Wisigoths sont battus à Vouillé par Clovis.

Suite à l’effondrement de l’empire romain, ils

En 507, Clovis bat les Wisigoths à Vouillé. Cependant, l’aristocratie wisigothique mêlée aux populations d’origine autochtone conserve son influence régionale. Le royaume mérovingien des héritiers de Clovis n’étant qu’une "nébuleuse de mouvances des plus instables" (Renée Mussot-Goulard) les Wisigoths conservent aussi de fait leur autonomie, d’autant plus qu’ils ont des liens avec le royaume wisigothique d’Espagne.

Cette résistance est portée en particulier par le duché d’Aquitaine, dont Eudes de 681 à 735, reconnu roi, domnus princeps, par les mérovingiens en 717. Ce Eudes, roi ou vice-roi d’Aquitaine, dont relève lointainement Entraygues doit affronter au Nord les Francs, au Sud les Arabes remontant d’Espagne.

- 2) Pages d’histoire. Des batailles du confluent à la bataille du Pont de Truyère


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message