Après Nice et Saint Etienne du Rouvray : réactions et analyses

jeudi 4 août 2016.
 

A) L’horreur à Saint-Etienne-du-Rouvray (PG)

Moins de quinze jours après l’attentat de Nice, notre pays est une fois de plus endeuillé par des actes barbares commis au nom d’une idéologie mortifère, après la prise d’otages et le meurtre dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray.

Nos premières pensées vont vers les victimes de cet acte inique et leurs proches auxquels nous témoignons notre solidarité et notre peine.

Ce crime odieux, revendiqué par Daesh, montre sa volonté de diviser, et d’opposer les citoyens entre eux.

Ils cherchent par là à nous amener à une vision du monde marquée par le choc des civilisations où chacun est ramené à son origine ethnique et sa religion, alors même que Daesh frappe par ses attaques sanglantes des pays du monde très divers. Le djihadisme veut nous amener vers la haine et la division.

Nous nous opposons et continuerons à nous opposer de toutes nos forces à la propagation de cette haine. Notre premier devoir est de ne pas céder à cette escalade et de ne pas les aider dans ce dessein, comme le fait l’extrême-droite sans retenue. Opposons à cette horreur l’unité du peuple, la raison et la fermeté sur nos principes républicains.

B) Saint Etienne du Rouvray : le MRAP horrifié

Une nouvelle fois notre pays est endeuillé par un attentat odieux : l’assassinat dans son église du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray, Jacques Hamel.

Le MRAP présente ses condoléances aux familles des victimes et les assure de son soutien.

Il adresse particulièrement aux catholiques de France l’assurance de sa solidarité.

Il réaffirme avec force l’idéal laïque de liberté de conscience qui est celui de la République française. Nul ne saurait être inquiété ou maltraité en raison de sa religion réelle ou supposée.

L’objectif des criminels est notamment de propager la peur, la haine, le rejet de l’autre, il est donc essentiel et urgent de rendre effectives les valeurs de solidarité, de paix et de fraternité.

Le MRAP réaffirme que ce ni dans une fuite en avant dans de nouvelles mesures sécuritaires, ni dans des surenchères démagogiques que nous parviendrons à endiguer ce fléau qu’est le terrorisme. Lutter contre cette idéologie de mort, c’est d’abord respecter les valeurs que les auteurs de tels actes veulent abattre : la démocratie, la liberté, la fraternité.

Force doit rester à la vie contre la haine, la violence, la barbarie et le terrorisme.

C) Attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray et au-delà : l’EI cherche à détruire toute coexistence religieuse (Le Monde)

mardi 26 juillet 2016, par ZERROUKY Madjid

L’essentiel sur l’attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray

• Le prêtre auxiliaire de la paroisse Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), Jacques Hamel, est mort égorgé, mardi 26 juillet, lors d’une prise d’otages dans son église.

• Les deux auteurs de ce meurtre ont été tués par les hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Rouen.

• L’organisation Etat islamique a revendiqué l’attaque par son organe de communication Aamaq.

• La section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie d’une enquête en flagrance confiée à la sous-direction antiterroriste (SDAT) et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

L’assassinat d’un prêtre, mardi 26 juillet, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), lors d’une prise d’otages réalisée par deux hommes, a été revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI). Celle-ci ne fait ainsi qu’assouvir, après plusieurs échecs, le désir de s’en prendre à des églises en France, pays qu’elle qualifie de « royaume de la croix » : deux attentats avaient été déjoués en 2015 contre deux églises de Villejuif (Val-de-Marne) et la basilique du Sacré-Cœur (Paris), cibles de Sid-Ahmed Ghlam, arrêté le 19 avril 2015.

« Essaie de trouver une église avec du monde », lui avait alors écrit un commanditaire pour l’instant inconnu. Ce meurtre s’inscrit dans la stratégie et la propagande du groupe, qui fait du choc et de la guerre contre les « croisés » l’un des marqueurs de son identité. Non content d’avoir éradiqué la présence chrétienne dans les territoires qu’il contrôle – à commencer par la plaine de Ninive, en Irak, un berceau du christianisme –, l’EI a toujours symboliquement présenté son combat contre l’Occident comme une guerre religieuse, en plus de celle qu’il mène contre l’islam chiite.

L’intervention de la coalition internationale en Irak et en Syrie est ainsi qualifiée de « croisade », et les actions du groupe djihadiste sont présentées comme une contre-croisade susceptible de mener les troupes du califat jusqu’à Rome. Il s’agit là d’un élément de langage millénariste récurrent dans le discours d’Abou Bakr Al-Baghdadi, l’autoproclamé calife de l’EI, qui a annoncé que l’un des buts ultimes de l’organisation était de marcher sur le Vatican pour y « briser les croix ».

Conflit chrétienté-islam

En octobre 2014, le magazine de l’EI en langue anglaise, Dabiq, présentait en couverture un drapeau djihadiste planté au sommet de l’obélisque égyptien qui fait face à la basilique Saint-Pierre, à Rome. Le mouvement djihadiste voulait, de cette façon, rejouer symboliquement le conflit chrétienté-islam qui a structuré les relations entre Orient et Occident des siècles durant.

En plus d’être l’« ennemi historique » de l’islam, les églises sont présentées comme l’un des vecteurs de la décadence supposée de la civilisation occidentale contemporaine, une décadence qui serait, pour l’EI, matérialisée par l’homosexualité : « Ils utilisent leurs églises et le clergé pour bénir ces péchés. (…) Ils nomment des prêtres sodomites. Leur pape refuse de condamner la sodomie en disant : “Qui suis-je pour juger ?” », proclame ainsi Dabiq, en référence à une phrase du pape François sur l’homosexualité.

Dans son magazine en langue française en date de juillet 2015, Dar al-Islam, le groupe djihadiste avait à nouveau désigné les églises, entre autres cibles, comme objectifs pour les terroristes : « Toujours viser les endroits fréquentés, tels que les lieux touristiques, les grandes surfaces, les synagogues, les églises, les loges maçonniques, les permanences des partis politiques, les lieux de prêche des apostats, le but étant d’installer la peur dans leur cœur. »

Fragiliser les sociétés occidentales

Mais derrière l’idée de « terroriser » les populations ennemies et de déstabiliser leurs Etats apparaît aussi, pour ce qui est des attentats en France, ou encore de ceux commis en Allemagne, la volonté de frapper des pays abritant une forte proportion de musulmans dans le but de fragiliser ces sociétés et d’y détruire toute coexistence religieuse.

Cet objectif a été théorisé. Dans un éditorial de douze pages, publié dans Dabiq, début 2015, l’organisation appelait à l’« extinction de la zone grise » : ce terme sert à décrire une zone crépusculaire où vivraient la majorité des musulmans, entre lumière et obscurité, entre le califat et le monde des infidèles.

Parmi les plus représentatifs des « habitants » de la zone grise, dans l’esprit de l’Etat islamique, figurent les citoyens ou habitants européens d’origine musulmane, qu’il s’agit de détacher de ces pays en retournant l’opinion majoritaire contre eux.

Un monde « divisé en deux parties »

L’attaque terroriste, en provoquant un raidissement sécuritaire des Etats ou « islamophobe » des sociétés, convaincrait les musulmans que les autres les haïssent. La coexistence Occident-islam étant au cœur de cette « zone » grise à détruire.

« Les musulmans des pays occidentaux vont maintenant rapidement se retrouver face à un choix, soit ils s’apostasient et adoptent la religion mécréante propagée par Bush, Obama, Blair, Cameron, Sarkozy et Hollande pour vivre au milieu des mécréants, […] soit ils font leur hijra [émigration] jusqu’à l’Etat islamique et ainsi échappent à la persécution des gouvernements et citoyens croisés », écrit Dabiq.

« Les opérations bénies du 11 septembre [2001] ont montré que le monde se divise en deux parties, le camp de l’islam – à l’époque, le califat n’existait pas pour le représenter – et le camp de la mécréance – la coalition des croisés. Comme Oussama Ben Laden l’a dit, le monde aujourd’hui se divise en deux camps. Bush a dit vrai quand il a dit “Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes”. Cela veut dire, soit vous êtes pour la croisade, soit vous êtes pour l’islam. »

Un discours mis à mal cette année par l’exode de centaines de milliers de Syriens et d’Irakiens fuyant la guerre dans ces deux pays, et qui, loin de rejoindre les terres du « califat » comme espéré par les djihadistes, ont pris les routes de l’exil vers l’Europe.

Dissuader les partants vers Europe

« L’accueil généreux de réfugiés syriens représenterait une réponse efficace à cette stratégie [de l’EI] ; à l’inverse, le rejet général des réfugiés est une réponse perdante. Nous aurions intérêt à célébrer la diversité et la tolérance dans la “zone grise” », notait ainsi l’anthropologue franco-américain et spécialiste du terrorisme Scott Atran, dans un article publié par la revue américaine en ligne Aeon, en février.

L’organisation djihadiste a d’ailleurs très vite pris conscience du danger en multipliant, en début d’année, des vidéos de propagande pour dissuader les réfugiés de rejoindre les « terres des croisés ».

Le fait que deux des dernières attaques qui ont frappé l’Allemagne soient l’œuvre de « réfugiés » – un Afghan et un Syrien – apparaît dès lors comme une bénédiction pour le groupe djihadiste. Lequel s’est empressé de communiquer sur le sujet en appelant, à travers les vidéos « testaments » des assaillants, à multiplier les attentats dans ce pays et les djihadistes à le faire savoir.

Après les attaques de Würzburg et d’Ansbach, en Allemagne, tout comme pour le double meurtre de Magnanville (Yvelines), les attaquants ont pris soin de faire parvenir une vidéo ou un « testament » de revendications, conformément aux directives de l’EI : « Faire serment d’allégeance au calife est une obligation pour ne pas mourir d’une mort de la jahiliyah [« l’ignorance », époque désignée dans le Coran comme la période antéislamique]. Il est possible de filmer cette allégeance afin de l’envoyer à quelqu’un en terre d’islam qui lui-même la fera parvenir à un responsable médiatique de l’Etat Islamique », écrivait par exemple le mouvement djihadiste dans son magazine en langue française.

Madjid Zerrouky Journaliste au Monde

D) LA DÉMOCRATIE, L’ETAT DE DROIT ET LA FRATERNITÉ DOIVENT ÊTRE NOS RÉPONSES (Communiqué LDH)

Une fois de plus, des actes de terrorisme viennent d’endeuiller notre pays. C’est la communauté catholique qui vient d’être frappée et, au-delà de l’indignation suscitée, nous pensons d’abord aux victimes, à leurs proches, et à tous ceux qui les côtoyaient. Rien ne peut justifier une telle barbarie.

Quelques jours après le vote d’une nouvelles prorogation de l’état de d’urgence et de nouvelles dispositions qui modifient le Code pénal, la LDH réaffirme que ce n’est pas par une fuite en avant dans de nouvelles mesures sécuritaires que nous parviendrons à endiguer ce fléau. Nous n’avons pas besoin de surenchères démagogiques qui déshonorent ceux et celles qui s’y adonnent. Lutter contre cette idéologie de mort, c’est d’abord respecter les valeurs que les auteurs de tels actes veulent abattre : démocratie, Etat de droit, refus de toute stigmatisation. Voici quelles doivent être nos valeurs et nos réponses.

Paris, le 26 juillet 2016

E) L’horreur à Saint-Etienne-du-Rouvray (NPA)

L’horreur à Saint-Etienne-du-Rouvray En tuant un prêtre lors d’un office religieux catholique, quelques jours après le massacre de Nice, les tueurs, au nom de Daesh, veulent instaurer un engrenage de terreur et de haine, précipiter des catégories de population les unes contre les autres.

Un calcul immonde, auquel il est vain de chercher à s’opposer par l’état d’urgence et la surenchère sécuritaire et guerrière comme le font aujourd’hui la droite, l’extrême droite et le gouvernement. Les mesures proposées par lui ou par les uns et les autres, ont un relent de nationalisme et de xénophobie. Elles renforcent le racisme et entretiennent un climat anti-immigré et islamophobe. Elles sont sources de haine. Elles distillent la méfiance et la peur de tous contre tous. Mais elles n’évitent pas de poser le problème : comment cette société capitaliste en pleine crise produit-elle des jeunes disponibles pour des idéologies mortifères et capables de passer à l’acte ?

Les réponses efficaces pour combattre l’horreur sont autrement plus ardues à mettre en place : la fin des discriminations, l’égalité des droits, la suppression de la pauvreté, du chômage et de la précarité, la fin de la vente d’armes aux dictateurs, la fin des relations économiques avec ceux qui « nourrissent »Daesh, l’arrêt des interventions militaires, la solidarité internationale avec les populations et le soutien matériel aux combattantes et combattants anti-Daesh et anti-Assad.

Montreuil, le 27/07/2016.

F) Après les attentats (Communiqué de Solidaires)

Un nouvel attentat à St Etienne du Rouvray vient de créer l’effroi, l’horreur et la stupéfaction. Pour nous qui pensons que seuls des changements profonds dans les politiques intérieures et extérieures pourront changer la situation dans un délai dont nous ne connaissons malheureusement pas le terme, il n’est pas possible d’enchaîner de nouveaux communiqués.

Nous continuons à penser ce que nous avons exprimé après la tuerie de Nice (voir le document joint) ou quand nous disions que l’état d’urgence ne doit pas cacher les tas d’urgence...

La réponse a une telle situation doit être une politique de fond, sociale, économique, de solidarité et de paix qui puisse durablement éloigner les menaces et décourager les engagements individuels destructeurs et suicidaires.

La prolongation de l’état d’urgence, la relance de la demande par Manuel Valls de pouvoir réaliser des perquisitions administratives, c’est à dire en passant par dessus l’existence de la justice… tout cela montre montre depuis plus d’un an maintenant les limites de tels moyens pour lutter réellement contre le terrorisme. Mais souvenons nous aussi comment ils sont utilisés contre des militants et militantes, simples manifestant-es contre la loi travail ou pour la justice climatique, ou contre des personnes dont le seul tort est de pratiquer l’Islam.

La démagogie ne peut servir de politique, elle ne peut que renforcer ceux et celles qui veulent se saisir de cette occasion pour imposer des politiques discriminatoires, racistes, d’exclusion

Article publié le 27 juillet 2016

G) Après l’horreur : un autre monde est plus que jamais nécessaire (Ensemble ! 06)

C’est tout d’abord compassion et solidarité qu’ ENSEMBLE ! 06 tient à exprimer aux familles et aux proches des victimes de l’attentat de Nice du 14 juillet.

Mais, alors que l’heure est toujours à la douleur, au deuil et au recueillement après l’horreur de jeudi soir, tout continue comme avant : récupérations politiciennes indécentes, déclarations guerrières irresponsables, propos ultra-sécuritaires inquiétants...

Ainsi F. Hollande, qui le soir même de l’attentat, et sans prendre la peine d’attendre les avancées de l’enquête, annonce, dans une fuite en avant belliciste et impérialiste, l’intensification des frappes en Syrie et en Irak. Il annonce dans la foulée la prolongation d’un état d’urgence non seulement inefficace, mais aussi contre-productif car anxiogène pour la société et mortifère pour les libertés démocratiques.

Ainsi C. Estrosi qui, non-content d’avoir fanfaronné sur sa politique de vidéosurveillance généralisée à Nice, se lance dans des polémiques politiciennes.

Ainsi E. Ciotti qui appelle à un « état d’urgence véritable et permanent » au mépris des conventions internationales protégeant les droits de l’homme. Et qui en profite pour stigmatiser honteusement les réfugié-e-s.

Ainsi M. Le Pen qui, comme à son habitude, joue la surenchère guerrière, sécuritaire, islamophobe, anti-réfugié-e-s et anti-immigré-e-s.

Assez de ces politicien-ne-s vautours et cyniques ! On ne combat pas la terreur en entretenant un climat de guerre civile et par la guerre impérialiste !

Heureusement, il existe dans la population, que ce soit à Nice ou dans le reste de la France, une aspiration profonde au vivre ensemble, à la fraternité et à la solidarité contre la haine et le rejet de l’autre, les amalgames islamophobes et la stigmatisation des migrant-e-s et des réfugié-e-s.

C’est cette aspiration qui nous permettra de résister à la terreur et de construire un autre monde, plus juste et plus solidaire, basé sur l’égalité des droits, débarrassé de la guerre aveugle qui se nourrit des inégalités secrétées par le capitalisme financiarisé et mondialisé.

L’urgence est à la mobilisation durable et citoyenne de la société pour contrôler sa propre protection et pour construire localement des alternatives solidaires dans nos quartiers et nos territoires.

Ensemble ! 06


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message