Le prélèvement à la source n’a de simple que le nom

samedi 6 août 2016.
 

Le ministre des Finances, Michel Sapin, et le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, ont précisé les contours du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Une réforme qui s’avère être une véritable usine à gaz pour le contribuable.

Une réforme de l’impôt sur le revenu pour simplifier la vie des Français, tel était l’argument du gouvernement. Six mois plus tard, le prélèvement à la source se révèle être une véritable usine à gaz, extrêmement complexe à tel point que Bercy a été incapable de mettre au point, dans les délais, un projet tenant la route avant la mi-juillet, comme le gouvernement s’y était engagé. Même si le ministre des Finances et le secrétaire d’État au Budget ont avancé quelques mesures dans la presse, les parlementaires devront attendre la fin du mois d’août, voire début septembre pour en connaître les détails.

En attendant, les Français peuvent déjà être certains d’être déçus. D’abord ceux qui pensaient pouvoir dire adieu à l’angoisse que chaque contribuable vit lorsqu’il doit faire sa déclaration d’imposition. Car il faudra toujours remplir chaque année, au printemps, une déclaration de revenus, avant de recevoir pendant l’été son avis d’imposition. « À partir des déclarations de revenus faites au printemps 2017, l’administration fiscale calculera le taux d’imposition effectif du foyer », a expliqué ce week-end Michel Sapin, le ministre des Finances dans le Journal du dimanche. « Le contribuable en aura connaissance à l’été. Le fisc transmettra ce taux à l’employeur, la caisse de retraite, Pôle emploi… », a-t-il détaillé. Le détenteur tiers à partir de ce pourcentage prélèvera tous les mois à partir de janvier 2018 sur le salaire ou la pension l’impôt avant de verser la somme au fisc.

«  L’État ne fera plus crédit  »

À cela s’ajoute le risque d’atteinte à la vie privée. Puisque les impôts ne dépendent pas seulement du salaire de chacun, mais également de la situation familiale, ou encore du patrimoine. Début juillet, le Conseil d’État, reprenant les craintes levées par les syndicats, a pointé ce danger. Grâce au taux d’imposition transmis par le fisc, les employeurs connaîtront désormais le niveau de vie de leurs collaborateurs. Des indications qui pourraient avoir de fortes répercussions pour le salarié qui risquerait d’être pénalisé dans ses demandes d’augmentation salariale si, par exemple, son conjoint a de son côté une rémunération beaucoup plus élevée. Tout comme le salarié qui dispose de son côté d’un patrimoine important.

Cherchant à contourner le problème pour faire passer la réforme, ­Michel Sapin a avancé ses propositions. Il serait ainsi possible pour les contribuables de réclamer un taux d’imposition « standard », qui ne correspond pas à leur situation réelle, mais « correspondra peu ou prou à celui qui vaut pour un célibataire sans enfant », précise M. Sapin. Quant aux couples dont les conjoints ont des écarts de revenus très importants, ils « pourront choisir un taux chacun au lieu du taux global de leur foyer », a-t-il assuré. À eux ensuite de payer le solde de leur impôt sur le revenu et de régulariser leur situation à la fin de l’année. Reste que ce taux « standard » ne règle en rien le manque de confidentialité des données. « En effet, le salarié qui demandera l’application de ce taux standard sera de facto considéré comme disposant d’autres revenus que ceux qu’il tire de son activité salariée dans l’entreprise collectrice », alerte Solidaires finances dans son communiqué.

En cas de changement de situation conduisant à une variation de l’impôt significative, le contribuable devra être sur les starting-blocks. Car ce sera à lui de faire une demande de mise à jour de son taux de prélèvement à la source auprès de l’administration. Il lui faudra attendre trois mois avant que la modification soit effectuée. Enfin, si « les moyens humains et techniques » pour « répondre aux multiples sollicitations » sont suffisants, relève Solidaires finances publiques. « Si les premiers chiffres concernant le projet de loi de finances 2017 se confirment, la DGFiP devrait à nouveau perdre 1 200 emplois, ce qui porterait le niveau des disparitions d’emplois depuis quinze ans à 36 000 », note le syndicat. Ce qui met un sérieux bémol à l’ajustement des prélèvements en temps réel. « L’État ne fera plus crédit. Il encaissera à l’avance puis procédera aux remboursements l’année suivante », résume la CGT finances publiques.

L’entêtement pour le prélèvement à la source de l’exécutif témoigne au final d’une unique volonté, celle de préparer la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu, l’une des propositions du candidat François Hollande lors de la dernière présidentielle.

Clotilde Mathieu, L’Humanité


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