Ça ne va pas mieux… et une nouvelle crise se profile

samedi 13 août 2016.
 

« Çà va mieux » martèle Hollande. Et pourtant, les faits sont têtus. Depuis 2008, nous sommes au cœur d’une dépression économique de longue durée marquée par des taux de croissance très faibles et par un recul du revenu de la majorité de la population.

En effet, selon un rapport du cabinet McKinsey [1], le revenu réel des deux tiers des ménages des pays des 26 pays de l’OCDE est plus faible en 2014 qu’en 2005, alors qu’entre 1993 et 2005, 98% des ménages avaient vu leur revenu réel progresser. Après redistribution, le revenu disponible d’un quart de la population de l’OCDE est inférieur à celui d’avant crise.

Et nous ne sommes pas à la veille d’une sortie de cette dépression : nous sommes au contraire à la veille d’une crise financière et d’une nouvelle grande récession.

Mais il n’y a pas de limite au mensonge d’État, et Hollande est prêt à tout pour faire baisser « statistiquement » le chômage. Comme l’a révélé le Canard enchaîné du 3 août, Pôle emploi a reçu pour consigne de faire monter le nombre de chômeurs en formation à 1 million d’ici décembre afin de les sortir du nombre officiel de chômeurs (la catégorie A de Pôle emploi). Faute de pouvoir sortir de la crise, Hollande est prêt à dépenser des millions en formations bidons pour modifier artificiellement une statistique. Son quinquennat se finit dans le déshonneur et le grotesque.

L’INSEE annonce une croissance nulle en France au second trimestre

De façon pathétique, le gouvernement avait crié victoire à l’annonce des chiffres du premier trimestre : +0,6% de croissance (revu depuis à 0,7%). Une augmentation sensible de l’investissement des entreprises (+2,1%) laissait augurer d’une véritable reprise. Il n’en est rien. Pourtant, le gouvernement a multiplié les cadeaux fiscaux au patronat, ce qui a permis (la baisse du prix du pétrole y a également contribué) aux capitalistes de faire monter leur taux de marge à son niveau d’avant crise. D’où l’effet positif sur l’investissement depuis quelques trimestres. Mais on atteint aujourd’hui les limites de cette politique. Les conditions d’une véritable reprise ne sont pas réunies car il n’y a pas eu de purge importante du capital excédentaire, condition sine qua non pour rétablir le taux de profit et relancer véritablement l’accumulation du capital.

Au second trimestre, la croissance est nulle (en fait –0,04%) selon l’INSEE [2] qui prévoyait une croissance de 0,3% dans sa note de conjoncture de juin [3] intitulée « La reprise s’auto-entretient dans la zone euro » (sic). La production industrielle a reculé, notamment sous l’effet de la chute de la production dans les raffineries, preuve que la grève a bien des effets réels ! L’investissement des entreprises a reculé (–0,2%) et celui des administrations publiques a chuté (–1,7%). La consommation des ménages a stagné. En outre, le nombre de chômeurs officiel a augmenté en mai et juin, apportant un démenti cinglant à la soi-disant inversion de la courbe du chômage.

Ralentissement européen et crise bancaire en Italie

La zone euro connaît aussi un net ralentissement au 2ème trimestre avec 0,3% contre 0,6% au 1er trimestre. C’est l’Italie qui est aujourd’hui le principal maillon faible de l’UE. Les banques italiennes accumulent les créances « douteuses », c’est-à-dire des prêts (aux ménages et aux entreprises) qui ont peu de chances d’être remboursés. D’où la nécessité de les renflouer pour leur éviter la faillite. Le gouvernement italien veut obtenir un feu vert de la Commission européenne pour un « bail-out », c’est-à-dire une injection de fonds publics. Mais la nouvelle réglementation européenne prévoit qu’un renflouement public ne peut venir qu’une fois que les actionnaires, créanciers des banques (détenteurs d’obligations) et gros déposants ont été mis à contribution (« bail-in »). Le gouvernement veut absolument éviter un « bail-in » car une spécificité italienne est qu’une grande partie des obligations émises par les banques sont possédées par le grand public. Un « bail-in » pourrait provoquer une panique bancaire, et le premier ministre Renzi préfère faire payer le contribuable de façon plus indirecte, via les finances publiques.

Les États-Unis en route vers la récession

Le taux de croissance des USA a fortement chuté depuis 3 trimestres : 0,2% au 4ème trimestre 2015, 0,2% et 0,3% aux deux premiers trimestres 2016. Si le taux de croissance est toujours positif, c’est grâce à la consommation des ménages. Mais l’investissement a chuté lourdement ces trois derniers trimestres. L’investissement dans le secteur du pétrole de schiste est en chute libre avec la baisse des prix du pétrole, mais la baisse est globale, si bien que l’investissement a reculé d’un peu plus de 2% au 1er et au 2ème trimestre 2016. La chute de l’investissement est causée par la baisse des profits (avec un effet retard) depuis fin 2014 [4]. Pour compléter le tableau, le solde extérieur des USA (déjà fortement déficitaire) se dégrade pour la 3ème année consécutive. Cela n’empêche pas la Bourse US de continuer à monter… d’où une bulle financière importante, déconnectée des profits de l’économie réelle, annonciatrice d’une prochaine crise financière de grande ampleur.

Ralentissement ou récession dans les pays émergents

La croissance chinoise officielle n’en finit pas de décélérer : 7,4% en 2014 ; 6,8% en 2015 et 6,3% prévue en 2016. La croissance du 1er trimestre 2016 n’a été que de 1,1% (contre 1,6% au 4ème trimestre 2015). C’est la conséquence de la baisse du taux de profit causée par la très forte dynamique de l’investissement de ces dernières années [5] et par la hausse des salaires. Cette baisse a conduit à une suraccumulation de capital très importante. La dette publique et privée explose, sans aucun rapport avec la production dans l’économie réelle.

Au Brésil, la production industrielle a reculé au 1er trimestre 2016… pour le 8ème trimestre consécutif ! Alors que le PIB a baissé de 3,9% en 2015, il devrait baisser d’autant environ en 2016. Le taux de chômage officiel explose (passant d’un peu plus de 4% fin 2014 à 11,2% en juin 2016). La population s’appauvrit rapidement alors que le nouveau gouvernement a promis un tournant ultra-libéral pour faire face à la crise.

En Russie, le PIB a reculé de 3,7% en 2015, et il devrait encore reculer cette année, moins fortement (–0,6%). En Afrique du Sud, la Banque centrale prévoit désormais une croissance nulle pour 2016, prévision sans doute encore trop optimiste puisque le PIB a déjà chuté de 1,2% au 1er trimestre. L’économie sud-africaine est pénalisée par la chute du prix des matières premières et par le ralentissement chinois (premier partenaire commercial). Le taux de chômage déjà très élevé (27%) va continuer à augmenter.

Vers une nouvelle crise financière et une récession

Si certains pays émergents s’en sortent bien (comme l’Inde qui a désormais un taux de croissance supérieur à celui de la Chine), le tableau est sombre à la fois pour les pays émergents et pour les pays « avancés ». Le taux de profit plonge aux USA depuis fin 2014 et au Japon depuis fin 2015.

Pourtant, la bourse US, abreuvée de liquidités, atteint des sommets sans commune mesure avec les profits réalisés dans l’économie réelle. Cette bulle financière US, mais plus largement mondiale, va finir par éclater et elle entraînera une deuxième grosse récession après celle de 2008-2009. Les gouvernements bourgeois vont multiplier les attaques pour redresser les taux de profit. La barbarie capitaliste va s’accentuer. Il n’y a aucune marge de manœuvre pour une politique alternative dans le cadre du système. Les réformistes ne vendent que du vent. La seule alternative est la rupture avec le système, l’expropriation des capitalistes, et le pouvoir des travailleurs sur l’économie pour satisfaire les besoins fondamentaux.

Gaston Lefranc

Article original : http://tendanceclaire.org/article.p...


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