Jean-Luc Mélenchon et les Communistes

dimanche 25 septembre 2016.
 

Entretien avec Jean-Luc Mélenchon réalisé à la Fête de l’Humanité, à la Courneuve le 10 septembre 2016 par Christian Audouin, directeur de l’Echo du Centre (quotidien communiste du Limousin) et Manuel Meïer, rédacteur en chef du Patriote de l’Ariège (hebdomadaire communiste du département).

La Fête de l’Humanité nous a donné l’occasion de mener à bien un projet que nous portions depuis plusieurs mois : donner la parole à Jean-Luc Mélenchon dans un organe de presse communiste. Le but affiché était qu’il puisse s’adresser aux électeurs communistes et du Front de gauche qui, en grand nombre, ont été froissés par la méthode choisie pour démarrer sa campagne. L’attente était grande. Cet entretien, réalisé conjointement avec l’Echo du centre, quotidien communiste du Limousin, s’est déroulé dans un espace à part de la Fête, le samedi à midi. Il a d’ores et déjà eu des répercussions bien au-delà de nos frontières politiques et départementales.

Le Patriote : La manière dont tu as démarré la campagne a heurté un certain nombre de communistes, car ce n’est pas dans notre culture de nous y prendre de cette manière-là. Est-ce que tu peux revenir sur cette première période ?

Jean-Luc Mélenchon : Oui, volontiers. D’abord je souhaiterais que l’on dépersonnalise la discussion. Parce-que je trouve que depuis sept mois, on a excessivement personnalisé la critique de ma campagne, en la concentrant sur moi comme individu. C’est très mauvais, ça crée une ambiance trop tendue et au fond qui n’a pas de solution, car comme individu je ne changerai pas.

Le fond de l’affaire est politique depuis le début : Nous avons eu un entretien, Pierre Laurent et moi, au mois de décembre de l’année 2015, et je lui ai dit : « Pierre, je pense que nous avons le besoin d’une campagne de longue durée pour ancrer, car la situation va être très volatile ». Je le pressentais. Je savais qu’il y aurait une extraordinaire agitation, à la limite de la dislocation au sein du Parti socialiste. Nous savions tous qu’il y aurait une primaire à droite. Donc on pouvait assez facilement comprendre que la scène politique serait tellement agitée qu’elle pourrait être très rapidement illisible. Pas illisible par nous, militants, nous y voyons toujours clair. Mais illisible pour la masse des Français, c’est à eux qu’il faut penser, qui sont déjà dans un état de désorientation extrême. C’est-à-dire que des gens de gauche ne reconnaissent plus la gauche dans l’étiquette du gouvernement, ça ne veut plus rien dire pour eux. Si François Hollande c’est la gauche, si la loi El Khomri c’est la gauche, bon alors, qu’est-ce que la droite ? Et des gens de droite qui disent : « Mais nous, ce n’est pas ça notre vision de la Patrie, de la République de se brouiller en permanence avec l’autre partie de la population, celle qui est musulmane, ou que sais-je encore, les pauvres qui sont des profiteurs, d’après les gens de droite ». Beaucoup de gens de droite ne se reconnaissent pas là-dedans.

Donc il y a en profondeur une désorientation du peuple français. C’est la raison pour laquelle il faut être clair dès le début, en disant d’abord « on va parler à tout le monde et pas seulement à ceux de gauche ». Bref, je vais être aussi synthétique que possible, Pierre m’a dit : « ça ne peut pas fonctionner s’il n’y a pas un rassemblement de la gauche ». Je ne crois pas du tout à cette thèse. Je le lui ai dit. Je ne crois pas que ce soit en rassemblant des étiquettes, des partis et des états-majors, qu’on va créer un enthousiasme populaire suffisant pour passer la barre. Je crois même le contraire. Si on donne l’impression qu’on est retournés dans les magouilles et les ententes en demi-teinte, on va encore aggraver la désorientation. Donc nous avons besoin de partir de loin. Nous nous sommes quittés sur un constat de désaccord de stratégie politique. Pierre a établi son calendrier pour le mouvement communiste, et j’ai établi le mien pour ce que j’allais entreprendre.

Et c’est comme ça que j’ai décidé de démarrer le 11 février. Pourquoi cette date-là, je peux le dire maintenant, parce que nous étions dans un moment où apparaissait en même temps la candidature de Marine le Pen et où Sarkozy, s’exprimant quelques jours auparavant, avait clairement fait comprendre qu’il était candidat. Donc la scène était entièrement occupée par la droite. Et nous, notre famille politique, on serait là en train, de se disputer les uns avec les autres, parce que une primaire c’est fondamentalement un exercice mortel de surenchères les uns sur les autres. J’ajoute donc à cette occasion, que le système des primaires n’est qu’apparemment démocratique. Il ne l’est pas en réalité. C’est un tamis social. Seuls les centre-ville urbains et aisés participent dans la plus grande partie des cas à des élections primaires. Et une infime partie de l’électorat. Par exemple les primaires américaines… Tout le monde a dit « ah, c’est formidable, c’est une culture… ». 9% des électeurs ont voté dans toutes les primaires, c’est-à-dire démocrates et républicaines. C’est rien du tout. Et chez nous où il n’y a pas cette tradition, c’est encore moins. Par conséquent, je ne prends que cet aspect des primaires, je ne crois pas à cette méthode. Et d’ailleurs, ceux qui ont lancé l’idée d’une primaire de toute la gauche, Cohn-Bendit et le journal Libération, ne sont pas des références pour nous, en tout cas. Et d’entrée de jeu, Cohn-Bendit a dit : « Une primaire, c’est parfait parce que c’est le seul mode de désignation où Mélenchon et Pierre Laurent n’ont aucune chance ». Comme ça c’est clair. Et à peine n’avait-on même pas commencé, que déjà Julien Bayou disait « Ah oui, mais attention, si le candidat qui l’emporte est contre l’Europe, alors ça posera un problème », parce que pour lui être critique à l’égard de l’Union européenne, c’est être contre l’Europe. Ce n’est pas sérieux.

Donc j’ai démarré le 11 février. Mais je demande aux communistes de faire appel à leur mémoire : c’est exactement la même méthode qu’en 2011, exactement la même, avec un mois de retard. Le 21 janvier 2011, j’ai proposé ma candidature. Tout seul. En tout cas en apparence. Comme cette fois-ci, je la propose tout seul et hors-cadre de partis. Pas « contre » les partis, « hors-cadre » de partis. Moi-même je suis membre d’un parti politique. Je l’ai été toute ma vie. J’ai été membre du Parti socialiste puis membre du Parti de gauche. Je n’ai pas cessé d’être membre de mon parti, je cotise. Donc je ne suis pas contre les partis, je n’ai pas cette sottise… Je suis « hors-cadre ». Pourquoi hors-cadre ? Parce qu’il faut que tout le monde puisse investir la campagne. Je ne peux pas me présenter en disant que je suis l’homme de quatre, cinq, six, sept partis. Non. Voilà pourquoi, à la fois je propose ma candidature, et je crée le mouvement d’appui à ma candidature, la France insoumise. Vient qui veut : membres de partis, pas membres de partis, des gens qui ont voté autrement, des gens qui n’ont pas voté dans les précédentes élections…

Il faut faire cette ouverture grand-angle. Et nous, qui sommes des militants, engagés politiquement toute notre vie, nous devons apprendre à traiter avec l’informel, avec l’état du pays tel qu’il est. Ce n’est pas à nous de n’accepter que le peuple qui nous convient, celui qui a l’habitude de se référer aux partis politiques. Non, il y a plein de gens qui ne sont adhérents à rien. Et alors on leur dit « non, vous ne comptez pas ». Bien sûr que non. Donc c’est exactement le même calendrier, sauf que j’ai un mois de retard. J’ai proposé ma candidature le 21 janvier 2011, tout seul, je ne l’ai pas fait au nom du Parti de gauche, je ne l’ai pas fait au nom du Parti communiste. Le Parti communiste a engagé une procédure interne, mais bien plus tôt que cette fois-ci. Et les communistes ont tranché et ils ont voté à la date du 18 juin. Le 18 juin de l’année 2011, les communistes avaient pris leur décision, et le 18 juin, le soir, j’étais sur TF1 pour annoncer que dorénavant j’étais candidat investi par, à l’époque, le Parti de gauche, le Parti communiste et la Gauche unitaire. C’est ça le cadre de l’union.

Ce n’est pas la même chose aujourd’hui : nous savons que les cartels de partis sont condamnés. Parce que nous avons fait fonctionner le Front de gauche comme un cartel de partis. C’est l’expérience concrète qui nous montre que ce n’est pas la bonne méthode. Ça ne veut pas dire qu’on renie ce qui a été fait par le Front de gauche. Mais nous devons porter plus loin l’expérience acquise. L’expérience acquise, c’est que non seulement il faut intégrer tous ceux qui ne veulent pas prendre la carte d’un parti mais qui veulent participer aux campagne, mais aussi tous ceux qui n’avaient jamais pensé faire de la politique. Voici le cran supérieur. Ensuite, les communistes ont leur calendrier. Je m’incline. Je l’accepte. M’avez-vous entendu une seule fois dire « ce n’est pas bien, je ne suis pas d’accord ». J’ai pu exprimer des regrets, dire « moi j’aimerais avoir l’aide des communistes aujourd’hui, des militants communistes », mais je vais vous dire les choses comme elles sont : il y a déjà des milliers de communistes engagés dans la France insoumise, qui créent des groupes d’appui, qui collent des affiches et qui discutent surtout, qui discutent avec leurs voisins, leurs collègues de travail, parce que c’est comme ça qu’on va gagner. Et je le dis parce que je viens de dire « coller les affiches », mais ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est le contact personnel. Chaque personne doit se faire une liste de dix autres personnes à convaincre et à accompagner jusqu’au jour du vote.

Donc nous sommes dans le même calendrier, avec la même forme, avec les mêmes mots, croyez-moi, je les ai pesés et c’était les mêmes que la fois précédente : « Je propose ma candidature ». Et puis au moment où on est arrivés à plus de cent mille appuis, il ne faut pas non plus prendre les gens pour des imbéciles, ils ont bien compris que j’étais candidat.

Et bien, je l’ai dit. Quand ? Le 5 juin. Où ? Place Stalingrad où avait commencé la campagne la fois d’avant. On a appelé le rassemblement après la fin du congrès communiste. Le congrès communiste s’achève vers 13h, 13h30, le rassemblement commence à 15h. Il n’y a jamais eu de chevauchement. Je n’ai pas compris pourquoi on me faisait ce mauvais procès. J’observe d’ailleurs qu’on ne fait pas le même aux frondeurs qui se réunissent à la Rochelle pendant que nous sommes tous ici à la Fête de l’Huma qui est l’endroit où toute la gauche a l’habitude de se retrouver. Donc, pourquoi l’ai-je mis à cette date-là ? Parce qu’il y avait le congrès communistes et que je pouvais penser que dans le congrès communiste, comme la fois d’avant, une décision serait prise qui permettrait de converger. Elle ne l’a pas été.

Mais qui peut penser que je vais mener un calendrier de campagne en expliquant aux gens « écoutez, rien n’est sûr, attendez que, je ne sais pas quand, le 5 novembre, les communistes commencent leur procédure interne… ». Car que je connais les statuts du Parti communiste. Le 5 novembre, ce n’est pas la prise de décision. Le 5 novembre, ça va être la décision qui va déclencher la procédure interne. Nous allons donc attendre le mois de décembre pour entrer en campagne, au milieu de la confusion des primaires socialistes ? Il n’en est pas question !

Par conséquent mon calendrier suit son cours. Et en cours de route bienvenu à tout le monde. Regardez la démarche du programme. Le programme, je ne pars pas de rien. Je suis stupéfait de voir que l’on puisse agir comme s’il n’y avait pas eu de programme la dernière fois. Il y a un programme : l’Humain d’abord. Il a recueilli quatre millions de voix. Il faut l’actualiser depuis 2012. C’est un mot qui dans le passé nous a amenés à quelques déboires. Qui va actualiser ? Et bien d’abord nos électeurs puisque ce sont eux qui l’ont voté la dernière fois, ceux qui veulent s’engager dans la campagne, tous ceux qui veulent s’engager. Il y a eu plus de trois milles contributions. Je ne dis pas que ce soit un chiffre extraordinaire, mais trois milles contributions. On a fait deux synthèses en cours de route, pour montrer aux gens où on en était, et rebondir. Nous avons fait des auditions de spécialistes. Et là nous sommes entrés dans un dialogue avec les groupements politiques qui décident de participer à la France insoumise.

Le groupe des socialistes dissidents, de la Nouvelle gauche socialiste, a déposé un document de 75 pages de propositions. Le Parti de gauche a amené ses 1000 fiches. Des communistes qui participent à la campagne amènent leurs contributions. On discute. Mais ce n’est pas une discussion de parti à parti, d’organisation à organisation. On essaie de voir comment tout ça, par rapport à la formule actualisée du programme l’Humain d’abord, ça colle ou pas. On ne peut pas coller bout à bout ce que tout le monde veut, ce n’est pas possible. Il faut qu’il y ait une cohérence. Moi je suis très attaché à la cohérence économique, à la cohérence écologique du programme et à la cohérence républicaine.

Donc tout ça compte beaucoup. Cette méthode va s’achever à l’occasion de la convention du mois d’octobre, qui se tient les 15 et 16 octobre. Pourquoi se tient-elle à ce moment-là ? Mais parce que j’ai des délais pour imprimer le livre pour qu’il soit prêt pour les cadeaux de Noël. Nous à Noël, on va offrir le programme de la campagne. Alors je vous dis un scoop, j’ai quand même quelques petits privilèges comme candidat, au moins celui de choisir quelques-uns des slogans… C’est moi qui ai choisi la France insoumise. Je cherchais une expression qui soit dans l’esprit de celle de 2012. Vous vous rappelez, on avait fait « la France, la belle, la rebelle », c’était pris dans la chanson de Jean Ferrat. Et on cherchait un mot qui corresponde au moment dans lequel on est. C’est l’insoumission qui brise l’ordre établi, le consentement à l’ordre, la résignation. Et la dernière période a été remplie d’insoumis, lanceurs d’alerte, ouvriers et ouvrières qui résistent dans leur entreprise. Bref, j’ai choisi « la France insoumise » parce que je trouvais que ça parlait à tout le monde à la fois : aux syndicalistes, mais aussi à l’homme ou à la femme qui se lève chaque matin pour maintenir la cohésion de la famille, pour aller au boulot ou pour amener les gosses à l’école alors qu’il n’y a plus de boulot, parce qu’il faut tenir bon. Voilà, j’aimais ça.

Le programme, on ne va pas le rappeler l’Humain d’abord, quoique c’était magnifique, mais, par respect pour ceux qui auraient voté l’Humain d’abord ou les organisations qui auraient adopté l’Humain d’abord et qui ne se retrouveraient pas dans ma campagne, je le comprends, je n’ai pas envie d’avoir des polémiques avec les uns et les autres, on va donc changer le titre. Je vais proposer que ça s’appelle « L’Avenir en commun ». « L’Avenir en commun » parce que c’est quelque chose que je partage avec les communistes et notamment les réflexions de leur dernier congrès. Nous autres, le grand courant collectiviste et progressiste, nous devons de nouveau et mieux motivé que jamais, faire partager l’idée que l’Humanité doit d’abord se préoccuper de ce qu’elle a en commun, à commencer par l’écosystème, le seul qui permette sa survie. Car l’écosystème est mis en danger par le productivisme. Et le productivisme est, lui, animé par la politique de l’offre du capitalisme financier. La planète va mourir, la civilisation humaine va mourir sous les coups du capitalisme financier et du productivisme. C’est pourquoi il s’agit d’appeler chaque personne à réfléchir, quoiqu’elle ait voté dans le passé, l’appeler à réfléchir en tant qu’être humain. Réfléchissez : notre avenir, nous l’avons en commun. Que vous soyez riche ou pauvre.

Et vous autres, les riches, vous feriez bien de vous poser des questions. Vous ne le resterez pas longtemps, riches, à ce tariflà, avec des événements climatiques extrêmes. Et à quoi bon être riches, à quoi bon ? Pourquoi avoir pour rêve d’être milliardaire, comme propose Macron ? En quoi est-ce un rêve honnête ? Vous savez bien que celui qui a un milliard, il n’a qu’un rêve : en avoir un deuxième. A quoi ça sert ? Et celui qui est millionnaire ne peut avoir qu’un rêve : avoir un deuxième million. Pour quoi faire ? Pour quoi faire ? Quel est le sens de cette accumulation ? Est-ce que vous êtes plus heureux quand vous passez d’un million à deux millions ? Est-ce que vous aimez d’avantage ? Est-ce que vous êtes aimé d’avantage ? Et puis pour quoi faire ? Pour acheter quoi ? Pour vivre comment ? Je pense que la richesse doit être interpelée aussi dans son immoralité fondamentale. Eux, ils pensent que la cupidité est un aiguillon de l’activité humaine. Reconnaissons que l’intérêt est un aiguillon, mais pas la cupidité, pas l’accumulation. Nous devons interpeler le sens moral de la richesse.

Voilà pourquoi je pense qu’il faut appeler notre programme « l’Avenir en commun » : dans chaque personne, ne voyons d’abord que l’être humain. Au fond, c’est aller au bout de la logique de l’Humain d’abord. L’Humain d’abord dit « bon, on commence par ça ». Justement commençons par ça. Nous avons l’avenir en commun. Je vais essayer d’expliquer ça, je le fais à la Fête de l’Huma. C’est à la Fête de l’Huma que je l’annonce.

Alors on me dit : « c’est toujours toi qui décides ». Il en faut bien un. Comment vous croyez que ça se passe d’habitude ? Il y a des gens qui parlent. Et à la fin les autres qu’est-ce qu’ils prennent ? Un communiquant pour décider. Pas moi. Je suis un militant politique, c’est moi qui fixe tous les mots d’ordre. En 2012, on discute, et puis à la fin on tranche.

Je ne dis pas que c’est génial. Je ne vous dis pas que tout le monde est d’accord et dit « ah c’est formidable », la France insoumise, il n’y a rien au-dessus. On aurait pu appeler ça autrement. Mais maintenant c’est parti. Il faut arrêter l’ergotage permanent, couper les cheveux en quatre tout le temps. Les gens ont besoin de comprendre. Ils ne comprennent rien si nous mêmes on est les premiers à dire « ah ce qu’on a trouvé ça ne vaut rien. Finalement il y avait mieux que ça ». Alors on me propose des titres à rallonge. Je vous donne cet exemple parce que je sais que je m’adresse à des militants. L’enjeu du militantisme, c’est l’engagement des autres, leur conscience, l’éducation collective. Si les partis ont une fonction, c’est bien celle-là, d’être la mémoire des luttes, d’être les porteurs de l’expérience et d’être des éclaireurs, pas une avant-garde. A mon avis. Il y a des camarades qui sont avant-gardistes, je le comprends. Eclairer, ça veut dire : vous mettez la lumière qui permet de se repérer à chacun individuellement. Pas le guide suprême qui dit « allez on va tous par là ». Non regardez bien, les gens, observez ce que nous vous disons, et ensuite tirez vos conclusions. Mais écoutez ce qu’on vous dit. Ne vous laissez pas bourrer le crâne par la télé et par les grands médias. Ecoutez. Vous choisirez à la fin. Mais entendez ce que nous avons à dire.

Et vous voyez bien comment l’ennemi concentre ses coups : son premier objectif c’est d’empêcher qu’on entende, c’est de vous mettre une mauvaise étiquette. Ils décident qu’ils me mettent à l’extrême gauche, mais je ne suis par d’extrême gauche. Ce n’est pas que je méprise l’extrême gauche. C’est que je ne suis pas d’extrême gauche. Il y a une extrême gauche. Ce n’est pas juste de faire croire que l’extrême gauche c’est moi. Non, l’extrême gauche c’est Nathalie Arthaud, c’est Philippe Poutou, c’est aussi le Parti communiste par certains aspects. Mais moi je ne suis pas membre du NPA, de Lutte ouvrière, et mon programme ce n’est pas ça. Donc ce n’est pas juste déjà de leur enlever le droit à l’existence, on les invisibilise si on fait comme ça. Et puis après on m’invisibilise en me classant dans une catégorie qui n’est pas la mienne, je nai rien à faire là-dedans.

Vendredi 9 septembre, je suis allé à un truc qui s’appelle Produire en France. Vous savez ce que retient le Figaro ? Que, soi-disant, on aurait dit qu’on était tous les meilleurs pour produire en France. Mais pas du tout, c’était pas ça la compétition. Et que moi j’aurais proposé surtout des nationalisations. Ils m’ont mal écouté. Ils m’ont très mal écouté. On va remettre les choses au point. Moi j’ai dit aux patrons qui étaient là : je ne viens pas pour vous dire ce qui va vous faire plaisir, je perdrais mon temps. Je viens vous dire ce qu’il va falloir que vous fassiez pour vous rendre utiles à la Patrie. Il n’y en a pas un qui a sifflé. Personne n’a dit « mais qu’est-ce que c’est que cette manière de nous parler ? ». Je dis « pour tenir les comptes de vos entreprises, vous êtes assez grands, sinon, ce n’est pas la peine de faire patron. Mais moi je vais vous dire ce dont le pays a besoin. Est-ce que vous êtes capables de prendre votre place là-dedans ? Nous avons besoin de 400 000 personnes pour faire de l’agriculture paysanne relocalisée, 300 000 pour l’économie de la mer, 900 000 pour sortir du nucléaire. Alors ? Où je les trouve ? Ils n’y sont pas aujourd’hui, il faut les former. Et vous, vous êtes prêts à être les entreprises qui vont suivre ? Moi je vous donne de la visibilité, je vous donne de la stabilité et de la sécurité. Et vous vous n’allez pas faire que pleurer, pleurnicher que vous avez trop de charges, trop de ceci, trop de cela. C’est bon, quoi. En tout cas si vous voulez faire ça, allez en voir un autre. Mais si vous voulez entendre ce qu’on vous dit, vous verrez que votre avenir y a son intérêt, parce que nous allons faire une société d’économie mixte, on ne va pas faire le socialisme en cinq ans ». Qui est-ce qui propose de le faire en cinq ans ? Qu’il vienne, qu’on m’explique quelle est la stratégie pour faire ça ! Moi j’en ai une : l’Assemblée constituante, pour faire la transition.

Bon voilà, alors merci si ce message arrive aux communistes, je serais enchanté, je sais qu’il n’est pas loin de leurs propres convictions, et pour le reste, ils vont décider. Et leur décision s’imposera à qui ? Aux communistes, pas à moi.

Le Patriote : A la manière dont, à Toulouse il y a quinze jours, tu as dit que tu avais deux cents signatures de parrainage, et qu’il t’en manquait qui auraient dû t’arriver de partenaires, j’ai compris que le Parti communiste n’avait pas encore ouvert les vannes…

Jean-Luc Mélenchon : Non. En effet, c’est une bataille. Je la mène. Je trouve qu’elle est intéressante en tant que combat, et j’appelle les militants à réfléchir à ça : sans cesse de nos faiblesses faisons une force. Je préfèrerais avoir mille signatures tranquille. Je ne les ai pas. Qu’est-ce que je fais alors ? Je me prends la tête dans les mains ? Je me mets à pleurer ? Et je gémis et me lamente ? Non, j’affronte ! C’est extrêmement pédagogique.

Ça permet aux gens de comprendre que dans ce pays pour pouvoir être candidat, il faut d’abord avoir l’autorisation de notables qui n’ont rien demandé. Donc ça aide à la construction d’une conscience politique plus affinée. Maintenant, bon, on a dépassé les deux cents. Dans ces plus de deux cents, il y a un peu plus de 33, 34 élus communistes. D’ailleurs cette nuit il y en eu d’autres. Et aujourd’hui dans la journée certains vont venir me voir…

Mais oui, il y a eu de la rétention de signatures. Et puis il y a beaucoup d’élus communistes qui disent : « Bon ben, moi j’attends la décision du Parti ». Je le comprends. Ca me coûte, parce que si je les avais, on serait plus tranquilles. Et surtout, la banque prêterait des sous. Parce que la campagne sera remboursée : je pense évidemment faire beaucoup plus de 5%. Donc à partir de là, j’ai besoin. Je ne peux pas faire une campagne qu’avec des bénévoles et des retraités, ce qui est le cas aujourd’hui. Attention, les bénévoles ne sont pas des amateurs. Mais il y a quand même quelques permanents qui doivent être dans la campagne, il y a du matériel à gérer…

Donc, qu’est-ce qu’on fait ? On lance la campagne de parrainages et on lance la campagne pour les dons. Et on va gagner comme ça. Il n’y a pas de martingale, il n’y a pas de solution raccourcie, miraculeuse. Les communistes, ils viendront et il n’y aura pas qu’eux. Je pense que d’ici au 5 novembre on sera très avancés vers les cinq cents signatures. Et alors après encore plus, à mesure qu’on va avancer dans la campagne. Puis, je vais aller voir le Président de l’Union des maires, monsieur Baroin, et je vais lui dire : « mais monsieur, vous êtes de droite, vous, sauf erreur, vous êtes le Président de l’Union des maires. Alors qu’est-ce que passez votre temps à parler de démocratie et de tout ça, et vous faites de la rétention. Je vous demande en tant que Président de l’Union des maires d’appeler les maires à une réflexion, parce qu’ils ne sont pas là pour empêcher les gens d’être candidats, mais pour empêcher qu’à l’élection des candidatures folkloriques apparaissent. C’est ça leur mission ». J’ai fait quatre millions de voix la dernière fois, je ne suis pas une candidature folklorique. Je représente un courant d’opinion dans le pays. Vous pouvez signer pour moi, que vous soyez sans étiquette, que vous soyez communistes, socialistes. Les socialistes, ils vissent à double tour, ils menacent leurs élus, leur font peur. Vous verrez, à la fin c’est nous qui aurons le dernier mot, parce que contre des militants et des gens engagés, il est rare qu’il y ait une force suffisante pour nous empêcher de passer. Ça se fera.

Je préfèrerais que ça se fasse avec les élus communistes, c’est évidemment mon souhait. Vous imaginez bien que je préfère être parrainé par une majorité de communistes que par une majorité de droite, mais je prendrai les signatures de là où elles viennent. Et ça m’ennuierait que les communistes arrivent les derniers, ça ne le ferait pas.


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