Rapport du Conseil national de l’évaluation du système scolaire : bon travail, mais peut mieux faire. Des lacunes à combler

mardi 25 mai 2021.
 

Le CNESCO (Conseil national de l’évaluation du système scolaire) vient de faire paraître son rapport sur les inégalités sociales dans l’école française

Nathalie Mons, sociologue et présidente du CNESCO a été invité à France Culture dans le cadre de l’émission "La grande table – 2ème partie" pour présenter ce rapport. On peut écouter l’interview en cliquant ici

On peut télécharger ce rapport en cliquant ici. Il est intitulé : Inégalités sociales et migratoires Rapport Scientifique septembre 2016 Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités ?

Il y a une information comparative qui n’apparaît pas dans le rapport , c’est le taux d’encadrement des élèves en France au sein des pays de l’OCDE .

Or, rappelons-nous :

"Après la Justice, c’est au tour de l’Education nationale de marquer un recul dans les classements internationaux. Selon une note du Centre d’analyse stratégique (CAS), organisme rattaché à Matignon, notre pays est celui qui possède le plus faible nombre de professeurs par élève parmi les 34 membres de l’OCDE."

Début 2011, la la presse s’était fait largement l’écho d’un rapport de l’OCDE montrant que la France était lanterne rouge en matière d’encadrement des élèves. Par exemple Le Monde du 14/02/2011 titrait : " La France dernière de l’OCDE pour l’encadrement des élèves" Voici un extrait qui fait suite au paragraphe cité précédemment :

"Avec 6,1 enseignants pour 100 élèves ou étudiants, la France est bonne dernière, loin derrière la Suède, connue pour son fort taux de fonctionnaires, mais aussi très en dessous de la Grèce ou du Portugal, où le taux d’encadrement monte à 9 professeurs pour 100 élèves ou étudiants. Plus précisément, si la France est dans la moyenne pour le collège et le lycée, avec un taux de 7,1 enseignant pour 100 élèves, elle dégringole pour le primaire et l’enseignement supérieur, où on ne compte que 5 enseignants pour 100 étudiants ou élèves."

Source Internet ici

Qu’en est-il actuellement ? Le rapport est muet sur ce point. Nous n’avons d’ailleurs pas trouvé une telle étude comparative actualisée .Cela aurait permis d’évaluer les progrès du gouvernement Hollande après le legs désastreux du gouvernement Sarkozy d’une Éducation Nationale sinistrée. Ce nombre est plus fiable que le nombre moyen d’élèves par classe ou d’étudiants par amphi ou par salle de TD. En effet, le nombre d’élèves ou d’étudiants par classe est sujet à des variations considérables .

L’aspect concret des conditions de travail des enseignants et des élèves est peu abordé. Il est vrai que les méthodes pédagogiques utilisées et la formation pédagogique des enseignants ont leur importance ( nous souscrivons tout à fait à son constat et propositions sur la formation continue) , mais la qualité et l’efficacité de l’enseignement dépend aussi du taux d’encadrement des élèves.

Impact des effectifs par classe sur la réussite scolaire

Nous savons qu’il a existé des études contradictoires sur la corrélation entre le nombre d’élèves par classe et le taux d’échec scolaire. Mais il faut sortir de son bureau de sociologue statisticien et revenir les pieds sur terre avec les pieds dans la glaise.

Quel est l’enseignant de classe maternelle qui dira qu’il enseigne aussi bien avec une classe de 15 élèves qu’avec une classe de 23 ? Tout enseignant expérimenté sait très bien que moins les élèves sont autonomes (jeunes enfants, élèves handicapés,…) plus doit être élevé le taux d’encadrement. Les effectifs dans les classes d’apprentissage de la lecture devraient être moins élevés qu’ils ne sont actuellement car l’enseignant est obligé d’intervenir individuellement pour aider chaque élève. Quel est le prof de langue qui affirme qu’il est plus commode efficace d’enseigner avec une classe de 28 plutôt que dans une classe de 20 élèves ? Ce genre d’évidence semble échapper à certains "experts" qui semble évoluer hors-sol.

On ne peut être que d’accord avec l’affirmation selon laquelle mieux vaut prévenir l’échec scolaire plutôt que d’attendre qu’il s’installe et d’essayer d’y remédier. Mais cela nécessite un investissement en moyens humains (non seulement en enseignants mais aussi en psychologues scolaires) et en matériel pédagogique coûtant plusieurs milliards d’euros et qu’aucun gouvernement n’a cru bon de prévoir dans le budget.

Un autre facteur non abordé, encore diaboliquement quantitatif, est le suivant : on se plaint d’une mauvaise maîtrise du français depuis plusieurs années. Quelle a été l’évolution depuis 40 ans du nombre d’heures d’enseignement du français par semaine en collège par exemple ? Mais là encore, plus le nombre d’heures d’enseignement hebdomadaire est important pour une matière, plus il faut de postes d’enseignement et ça coûte cher, beaucoup trop cher pour ceux qui ont une vision libéro –comptable et court–termiste. Aucune étude de cette sorte dans le rapport.

Avez-vous une idée de la diminution du nombre d’heures d’enseignement du français depuis 30 ans ? Non ? Alors cliquez ici  : vous avez l’évolution par niveau de classe entre 1972 et 2002.

Ah oui ! Votre grand-mère ou arrière-grand-mère écrivait correctement le français, avait une bonne orthographe ? Il est vrai qu’à l’époque, il n’y avait pas les sollicitations d’aujourd’hui : télévision, jeux vidéo, téléphones mobiles, etc. nous disent quelques docteurs en sciences de l’éducation géniaux…

Sauf que : "Dans le primaire l’horaire hebdomadaire de français a été divisé par deux en moins d’un siècle. Un élève sortant du CM2 aujourd’hui a bénéficié de dix heures de français par semaine de moins qu’un élève sortant de CE2 en 1926 ! "

"Un élève sortant du collège aujourd’hui a bénéficié dans sa scolarité de moins d’heures de français qu’un élève sortant de l’école primaire avant la mise en place du collège unique ( 1908 h contre 2016 h). Jamais, dans l’histoire de la République, les élèves n’ont eu si peu d’enseignement de français et on s’étonne de la faiblesse de leur niveau ! "

Source : magazine Marianne http://www.marianne.net/luttedescla...

Il y a des évidences qui semblent échapper à certains analystes de l’Éducation : on obtient pas les mêmes résultats en pratiquant une heure de piano ou de guitare par jour qu’en pratiquant ces instruments une heure par semaine. Il en est évidemment de même de toutes les disciplines intellectuelles et corporelles.

Encore un exemple atrocement quantitatif. Considérons l’enseignement de l’anglais. Supposons qu’un enseignant de cette discipline consacre la moitié de son temps à l’expression orale de ses élèves. Supposons un enseignement de quatre heures par semaine . Cela fait donc deux heures d’expression orale par semaine pour une classe de 25 élèves par exemple. En supposant que chaque élève s’exprime en un temps égal, cela fait : 120 mn/25 soit 4,8 minutes chacun par semaine et pour une année scolaire de 36 semaines : 172,8 mn soit 2,88 heures que nous arrondissons généreusement à 3heures.

Après quatre ans d’enseignement d’anglais de collège, notre élève aura donc parlé 12 heures en anglais. Pour un cursus collège – lycée de 7ans cela fait donc environ 20 heures de pratique orale de l’anglais dans le cadre de la classe. Faut-il s’étonner alors que de nombreux élèves soient si mauvais dans la compréhension et expression orale de l’anglais à telle enseigne que cette discipline est devenue un moyen de sélection pour les apprentis journalistes et ingénieurs par exemple ?

Heureusement, le tableau a tout de même changé depuis l’utilisation des" laboratoires de langues" dans les établissements scolaires permettant ainsi à l’ensemble de la classe de pouvoir utiliser chacun en moyenne leurs deux heures d’anglais en expression orale, selon notre exemple. Mais cela nécessite du matériel en quantité suffisante et des logiciels de qualité . Cela nécessite aussi la maintenance du matériel informatique par du personnel qualifié. Là encore, le problème garde son caractère satanique par sa nature maléfiquement quantitative.

Serions-nous quantitativiste ? Cette opposition entre quantité/qualité est un faux problème.

Rappelons que lorsque Jack Lang était ministre de l’éducation nationale, il avait lancé une excellente initiative en commandant un rapport sur la recherche en éducation (sciences de l’éducation, en psychologie de l’apprentissage et en didactique des disciplines), en proposant de coordonner et développer les recherches au niveau national . Voici un extrait de son discours de l’époque :

"…Nous avons donc décidé de créer un programme incitatif de recherches sur l’éducation et la formation (PIREF) qui associe les deux ministères. Ce programme stratégique et incitatif, qui concerne l’ensemble des partenaires : universités, grands établissements (notamment les ENS, CNAM, EHESS, ¿), CNRS et EPST, IUFM, INRP, mais aussi des instances extérieures , sera rattaché à la Mission scientifique universitaire (MSU), mission qui est placée sous la double tutelle des ministères de l’éducation nationale et de la recherche…" Texte intégral du discours ici http://discours.vie-publique.fr/not...

Antoine Prost, en juillet 2001 a remis à Jack Lang son rapport intitulé : "pour un programme stratégique de recherche en éducation" brossant un panorama exhaustif de la recherche en éducation France accompagnée de plusieurs propositions pour la recherche en éducation. Nous avons exhumé ce rapport tombé dans les oubliettes que l’on peut télécharger en cliquant sur le lien suivant

http://media.education.gouv.fr/file...

Quelles sont les suites concrète qui ont été données à ce rapport ? Quel bilan 15 ans plus tard ? Q

Hervé Debonrivage

Annexe

Notre article : Les pieds dans la glaise et la tête dans les étoiles, les enseignants éduquent les cerveaux d’aujourd’hui et de la France de demain. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Complément : Pour le CNESCO "C’est l’école qui fabrique les inégalités"

Le Centre national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) a mobilisé une vingtaine de chercheurs pour comprendre les inégalités sociales et scolaires.

Mis bout à bout, les constats des vingt-deux équipes de chercheurs français et étrangers convoquées par le Centre national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) dressent un tableau plutôt sombre. Que révèlent-ils  ? D’abord une confirmation  : les inégalités entre les élèves des milieux populaires et les autres s’aggravent depuis quinze ans. Deuxième point. Ces inégalités s’amplifient. « Les enfants des milieux socioprofessionnels les plus modestes sont pris dans une chaîne d’injustices. Pour eux, elles s’accumulent », explique Nathalie Mons, présidente du Cnesco.

Concrètement, l’école, bien qu’elle y soit obligée, n’offre pas les mêmes conditions d’étude à tous les élèves, ceux de l’éducation prioritaire étant les plus mal dotés, contrairement aux idées reçues considérant que « l’on donne plus à ceux qui ont le moins ». Ces inégalités de traitement s’ajoutent aux inégalités de résultats, puisque tous ne bénéficient pas d’une aide privée pour gagner les quelques points souvent déterminants dans le parcours scolaire. Mais ce n’est pas tout. À notes égales, tous les jeunes ne sont pas orientés de la même façon selon leur origine sociale, territoriale ou ethnique. Cette inégalité d’orientation s’additionne à la dépréciation de la valeur des diplômes selon qu’ils ont été obtenus dans le centre de Paris ou en banlieue parisienne… D’où, au final, une insertion professionnelle plus difficile, dernière inégalité de cette longue liste à laquelle les jeunes des milieux populaires sont confrontés.

« L’école française donne moins à ceux qui ont le moins »

La situation des élèves issus de familles immigrées, nés en France, est la plus compliquée. « La promotion sociale de leurs parents a un impact moindre sur leur réussite comme si leurs statuts migratoires prévalaient », explique le sociologue Georges Felouzis, spécialiste de l’immigration au sein de l’école. Il évoque « un soupçon de discrimination ».

À qui la faute  ? N’en déplaisent aux lieux communs, pour la quarantaine de chercheurs impliqués dans l’étude, les parents n’y sont pas pour grand-chose. Ni, d’ailleurs, le contexte économique et social dégradé. Reste donc l’école elle-même. Et, pour le Cnesco, une certitude  : « L’école française fabrique les inégalités. » Une partie de la démonstration s’opère à partir du constat d’échec de l’éducation prioritaire dont la vocation, depuis quarante ans, vise pourtant à lutter contre le poids des déterminismes sociaux sur les parcours scolaires. Un paradoxe. « L’école française donne moins à ceux qui ont le moins », affirme le rapport du Cnesco. Il cite les effectifs par classe, plus réduits mais pas assez pour produire un impact positif sur la pédagogie. Mais également, l’enseignement de moins bonne qualité, lié au temps d’apprentissage plus court, ainsi que des équipes enseignantes plus jeunes et souvent moins expérimentées que dans d’autres établissements. Et ce, malgré leur engagement très fort.

Le sociologue Yves Rochex a fait les comptes. « Tandis que la proportion d’élèves en difficulté de lecture à l’issue de l’école élémentaire croissait en moyenne de 14,9 % à 19 % entre 1997 et 2007, elle augmentait en éducation prioritaire de 20,9 % à 31,6 %. » Mais le chercheur remarque que l’éducation prioritaire « n’est qu’un segment du système éducatif », confirmant indirectement l’une des préconisations du rapport  : la relance de la maternelle précoce, dès 2 ans au lieu de 3. Les enfants qui ont bénéficié de ce dispositif ont de meilleurs résultats en calcul et en lecture/écriture durant leur scolarité. Autres points qui devraient recevoir l’assentiment des enseignants, très revendicatifs sur le sujet  : rendre la formation continue obligatoire mais en finir avec les réformes à répétition.

Sylvie Ducatteau Journaliste L’Humanité


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