Pas de prison pour les Goodyear ! ! !

mardi 25 octobre 2016.
 

- D) Procès des ex-Goodyear : l’accusation requiert 2 ans avec sursis en appel
- C) Programme des 19 et 20 octobre 2016
- B) Amiens, capitale de la résistance à la répression antisyndicale
- A) Les 8 de Goodyear : en prison pour lutte des classes ? (Ensemble)

Mercredi 19 et jeudi 20 octobre, le tribunal d’Amiens jugera en appel les huit salariés de Goodyear menacés de prison : deux ans de prison dont 9 ferme. Du jamais vu depuis des dizaines d’années en matière de répression contre des syndicalistes ou des travailleurs en lutte.

D) Procès des ex-Goodyear : l’accusation requiert 2 ans avec sursis en appel

L’accusation a demandé mercredi devant la cour d’appel d’Amiens, deux ans de prison avec sursis à l’encontre des huit ex-salariés de l’usine Goodyear d’Amiens jugés pour avoir séquestré deux cadres de l’entreprise en 2014, des réquisitions un peu plus douces qu’en première instance.

Le délibéré sera rendu le 11 janvier prochain, soit presque un an jour pour jour après la condamnation en première instance "des huit", poursuivis pour "séquestration et violences en réunion", à 24 mois de prison dont 9 ferme, le procureur ayant requis deux ans dont un an "ferme aménageable". La sanction avait suscité une vague de protestations.

Dans cette affaire, "la dignité humaine a été touchée et nous ne pouvons pas tolérer ce genre de comportement quel que soit le contexte", a estimé l’avocat général, Dominique Tailhardat.

Pour l’accusation, les faits reprochés aux salariés sont de la "délinquance pure et simple". Ils ont essayé "de détruire psychologiquement" ces deux cadres, "les insultes ont fusé tout comme les actes d’humiliation", a soutenu Dominique Tailhardat.

"Evidemment que je vous demande la relaxe. Si vous prononcez la relaxe, vous jugez en droit, en justice et en responsabilité", a pour sa part lancé l’avocat des prévenus Me Fiodor Rilov au président de la cour d’appel René Grouman, estimant que son jugement "emblématique" sera "scruté".

A l’audience, les prévenus, dont cinq militants CGT, soutenus à l’extérieur par des milliers de manifestants, se sont dits dans leur bon droit lors de leur action les 6 et 7 janvier 2014, lorsque le directeur des ressources humaines et celui de la production avaient été retenus pendant une trentaine d’heures dans l’usine occupée par quelques dizaines d’ouvriers en colère, après l’annonce de la fermeture de ce site de 1.143 salariés.

A leur sortie d’audience, une cinquantaine de personnes les ont félicité, avant que Mickaël Wamen, l’un "des huit", leader CGT et figure emblématique du "combat" des Goodyear, ne leur demande de "poursuivre la lutte" jusqu’à la décision.

Dans ce procès sans plaignant (Goodyear a retiré sa plainte, comme les deux cadres concernés), les prévenus ont surtout tenté de convaincre les juges de leur absence de culpabilité et de la légitimité de leur action.

"Séquestration ? Je n’aime pas le mot. A aucun moment, je n’ai entravé leur liberté de se lever et de partir", a assuré à la barre l’un d’eux, Reynald Jurek. Mais les salariés "étaient en train de perdre leur emploi, c’était tendu, c’est sûr, on n’était pas en train d’applaudir la direction !", a-t-il résumé.

- ’Beaucoup de souffrance’ -

La colère et l’incompréhension comme mobile, donc, une version défendue aussi par Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT venu en personne soutenir les prévenus : "Je récuse l’idée de séquestration. C’étaient des centaines d’emplois menacés. Quand on est dans une réunion et qu’on pose des questions, on attend des réponses. Tant qu’il n’y a pas les réponses, on reste dans la salle !"

Et à en croire une autre responsable CGT de l’entreprise, citée comme témoin à la barre, Eveline Becker, c’est la direction qui "a voulu que ça se passe de cette manière pour discréditer les élus du personnel et que tout pète". "Il y avait beaucoup de souffrance chez les salariés", qui étaient "en sous-occupation" depuis plusieurs années, a aussi souligné l’inspectrice du travail Martine Devillers...

Extrait de l’article : http://www.leparisien.fr/flash-actu...

C) Programme des 19 et 20 octobre 2016

B) Amiens, capitale de la résistance à la répression antisyndicale

« La relaxe ou rien », c’est derrière ce mot d’ordre que plusieurs milliers de personnes sont attendues aujourd’hui à Amiens (Somme). Venus des quatre coins de France à l’initiative de syndicats et de 80 comités locaux de soutien aux Goodyear, mais aussi de Belgique et de Suisse, quelque 150 bus vont amener les manifestants aux abords du palais de justice où se tient le procès symbole de cette année 2016.

Les huit ex-salariés, dont cinq cégétistes, de la multinationale Goodyear, condamnés le 12 janvier dernier à vingt-quatre mois de prison dont neuf ferme, pour la « séquestration » de deux cadres de leur usine d’Amiens-Nord, ont contesté ce jugement et voient leur affaire réexaminée en appel. Le procès devrait s’étaler sur deux jours.

Le 12 janvier, l’annonce de la condamnation à une peine de prison ferme avait fait l’effet d’une bombe par son caractère inédit et disproportionné au regard de faits plutôt classiques dans l’histoire du mouvement social. Les 6 et 7 janvier 2014, alors que l’usine de pneus d’Amiens-Nord employant 1 143 salariés était sur le point de fermer après sept ans de résistance menée par la CGT, plusieurs centaines d’ouvriers avaient retenu pendant trente heures, sans violence, les deux cadres venus leur annoncer le refus de Goodyear de rouvrir des négociations sur les indemnités de licenciement.

La société et les deux cadres de Goodyear avaient déposé une plainte, puis l’avaient retirée conformément à l’accord de fin de conflit signé deux semaines plus tard avec la CGT. Mais le parquet d’Amiens a maintenu les poursuites, qui allaient aboutir à deux gardes à vue, à une audience en novembre 2015, puis à la condamnation de huit salariés dont les noms avaient été donnés par les deux cadres.

« Ce jugement, c’est un tremblement de terre dans le monde du militantisme »

« Ce jugement, c’est un tremblement de terre dans le monde du militantisme, il a créé de l’émoi, de la surprise, de la colère, car il signifie qu’aujourd’hui militer peut conduire en taule », dénonce Mickaël Wamen, le bouillonnant animateur du syndicat CGT, qui fait partie des huit condamnés. Selon lui, le gouvernement « a tapé fort pour faire passer un message alors qu’il préparait sa loi travail ». « On n’est pas les seuls, depuis il y a eu beaucoup d’autres condamnations de manifestants, mais on est un symbole avec ces neuf mois de prison ferme, estime le cégétiste. Même les politiciens avaient reconnu que c’était une sanction hors catégorie. Neuf mois de prison alors qu’on est des chômeurs, que notre usine a fermé sans aucune justification économique et qu’on est dans une région sinistrée, c’est vraiment qu’on veut nous anéantir. »

De source judiciaire citée par l’AFP, le ministère public est aujourd’hui « dans une démarche d’apaisement », et dit vouloir prendre « évidemment en compte » le profil des prévenus, qui n’ont pas de casier judiciaire, ce qui peut annoncer un amoindrissement des peines en appel, avec par exemple du sursis. Dans l’affaire de la chemise arrachée à Air France, jugée les 27 et 28 septembre dernier et dont on attend le délibéré le 30 novembre, le procureur a ainsi requis « seulement » deux à quatre mois de prison avec sursis à l’encontre des cinq syndicalistes CGT poursuivis pour « violences en réunion ». « Si c’est le cas, s’il y a volonté d’apaisement, j’en suis ravi, mais je ne crois que ce que je vois », assène Mickaël Wamen, pour qui le soutien massif qui va s’exprimer à l’extérieur du tribunal, ainsi que des éléments juridiques « en béton », ne pourront conduire qu’à la relaxe pure et simple.

Comme en première instance, l’avocat des huit, Fiodor Rilov, devrait inviter les juges à revisiter le déroulement de ces trente heures de « séquestration ». Pour Mickaël Wamen, les événements de 2015 relèvent de « nouvelles stratégies d’entreprises » consistant à tendre des « pièges » aux salariés  : « Ce jour-là, les délégués CGT avaient rendez-vous avec deux cadres de l’usine pour savoir si Goodyear rouvrait les négociations sur les indemnités, rappelle-t-il. Quand on est arrivé, on a appris que les dirigeants étaient descendus dans la salle pour annoncer directement la nouvelle aux salariés. On s’est dit que la réponse devait être positive. Mais, en fait, ils ont annoncé que c’était non, donc la pression est montée et c’est parti dans tous les sens. En vérité, on a joué les “bodyguards” (gardes du corps – NDLR) pour ces deux cadres. Ils ont admis que heureusement que la CGT était là pour les protéger ». Un scénario qui rappelle les interrogations autour de l’affaire de la chemise arrachée, qui a vu les deux dirigeants d’Air France venir se frotter à une foule électrique de salariés au lieu de se faire évacuer par des portes dérobées comme c’était habituellement le cas. « Dans les deux cas, on a affaire à des sociétés qui veulent criminaliser l’action syndicale pour faire oublier qu’elles suppriment des emplois alors qu’elles sont en bonne santé financière », appuie Mickaël Wamen.

Si les condamnations sont politiques, l’objectif des syndicalistes est de faire du procès en appel un événement politique aussi. « L’année 2016 a mal commencé pour nous avec cette condamnation, elle va mal finir pour le gouvernement avec l’affaire Goodyear », espère Romain Altmann, secrétaire général du syndicat CGT Info’Com, cheville ouvrière de l’organisation du rassemblement d’Amiens. « Évidemment, il s’agit de soutenir les huit de Goodyear, mais aussi d’offrir une tribune à tous les discriminés et les réprimés, y compris au-delà du mouvement syndical, et de continuer le mouvement contre la loi travail, qui ne peut pas s’arrêter là. » Les organisateurs attendent entre 5 000 et 20 000 personnes.

De nombreux syndicalistes prendront la parole pour témoigner

Sur la tribune installée au parc Saint-Pierre, les prises de parole, ponctuées de concerts et de spectacles, commenceront dès ce matin avec Mickaël Wamen et Fiodor Rilov avant le début de l’audience à 9 heures, pour se terminer tard ce soir et reprendre demain matin jusqu’à 13 heures. Les dirigeants syndicaux Philippe Martinez (CGT), Bernadette Groison (FSU) et Éric Beynel (Solidaires) sont attendus, ainsi que Jean-Luc Mélenchon pour la France insoumise, Isabelle de Almeida pour le PCF, Olivier Besancenot pour le NPA et Alice Bernard du Parti du travail de Belgique (PTB). De nombreux syndicalistes CGT et SUD prendront la parole pour témoigner de la répression qu’ils subissent (les cinq de Roanne, les dockers du Havre, Loïc de la compagnie Jolie môme, la CGT Air France, les postiers SUD PTT dans les Hauts-de-Seine, Cédric Liechti de la CGT énergie…). Au-delà du mouvement syndical, Amal Bentounsi du collectif Urgence notre police assassine, Joël Domenjoud, assigné à résidence pendant la COP21, ainsi que Guillaume Vadot, universitaire victime d’un contrôle policier musclé, viendront également s’exprimer.

Fanny Doumayrou L’Humanité

A) Les 8 de Goodyear : en prison pour lutte des classes ? (Ensemble)

https://www.ensemble-fdg.org/conten...

Avec les condamnations des salariés d’Air France à plusieurs mois de prison avec sursis, le licenciement d’un délégué CGT cet été approuvé par la Ministre du travail, et le licenciement déjà prononcé de 4 autres salariés, et beaucoup d’autres cas emblématiques (dont l’inspectrice du travail d’Annecy contrôlant le groupe Tefal), nous assistons sans aucun doute à une attaque extrêmement violente contre le syndicalisme, contre l’idée même de la lutte sociale, en vue de la corseter dans des limites imposées par l’Etat et le patronat. Au moins 750 personnes depuis le début de l’année (beaucoup plus ont été interpellées) sont poursuivies suite au mouvement contre la loi Travail.

Les Goodyear, qui ont construit un réseau de solidarité dans tout le pays, annoncent une forte mobilisation à Amiens le 19, avec une centaine de cars affrétés, certains venant de Belgique ou de Suisse. Toute la journée, et le lendemain matin (l’hébergement sur place est organisé) se succéderont au parc Saint Pierre d’Amiens des prises de parole et des animations musicales ou théâtrales. Outre Mickaël Wamen, de la CGT Goodyear, il y aura Xavier Mathieu de Continental, Philippe Martinez et Bernadette Groison sont annoncés, mais aussi François Ruffin réalisateur du film Merci patron, la compagnie Jolie Môme, le chanteur San Severino, des porte-paroles politiques, et bien d’autres. Dans une récente réunion du Comité de soutien parisien, Mickael Wamen donnait aussi à cette journée le sens d’une relance du combat contre la loi Travail. Certaines fédérations syndicales CGT ont déposé des préavis de grève (comme la fédération des services publics CGT) pour permettre de se rendre sur place.

9 années de lutte acharnée

La lutte des Goodyear pour empêcher la fermeture du site de fabrication de pneus date en réalité de très longtemps, avec au départ des victoires judiciaires successives. A l’automne 2007, les salariés refusent par référendum le passage aux horaires 4X8 qu’on veut leur imposer au nom de la « productivité ». A quelques 80 kilomètres de là, les 1230 salariés de Continental avaient accepté un accord du même genre qui n’avait nullement empêché le groupe de fermer le site plus tard. On connait la lutte des « Conti » qui s’en est suivie. Et plusieurs années plus tard, le tribunal des prudhommes condamnait le plan de licenciement Continental pour « défaut de motif économique » et non-respect de l’obligation de reclassement. Autrement dit, ce sont les salariés en lutte (avec déjà des scènes de révolte qui ont valu des condamnations et des amendes) qui avaient raison…mais trop tard.

Aussi les Goodyear ne voulaient pas s’en laisser compter par une multinationale US qui veut fermer l’usine après avoir promis qu’une partie des activités seraient conservées (pneus agricoles) si un repreneur l’acceptait moyennant des départs volontaires. Une bagarre s’ensuit alors contre le prétendu repreneur Titan, dont le PDG Maurice Taylor s’est illustré par des discours d’insultes des syndicalistes accusés d’être des « barjots » et des travailleurs accusés de « ne rien foutre ». En 2013, la direction refuse un projet de SCOP mis au point par les salariés. Titan refait une nouvelle « offre » : licencier tout le monde et réembaucher ensuite 333 personnes, ce qui est totalement hors des cadres du Code du travail en France. Le dossier s’enlise jusqu’en 2014 où 1143 salariés étaient menacés.

C’est le 6 janvier 2014, en pleine situation d’incertitude (on était à la veille de la fermeture) et d’arrogance de Maurice Taylor, qu’une assemblée générale est convoquée en passant de fait par-dessus la CGT par la direction de l’usine. Et ce sont les salariés qui se sont mis en colère contre deux cadres en les retenant sans violence pendant 30 heures. Mourad Laffitte, qui a réalisé un film sur les neuf ans de lutte des Goodyear (intitulé « Liquidation », sorti au printemps 2016), raconte : « C’est clair, quand on lit les PV d’audition, les deux directeurs disent que s’il n’y avait pas eu la CGT, ils se faisaient tuer. Mickaël Wamen s’est fait piéger sur ce coup-là. Quand il apprend qu’il y a un plan social, il demande un rendez-vous avec le directeur, qui lui dit : « L’usine est fermée pendant quatre jours. On se voit lundi matin ». Le lundi, Mickaël a rendez-vous à 10h, il arrive à 9h30 devant le bureau du directeur, et la secrétaire lui dit que le directeur n’est pas là, qu’il est avec les ouvriers. Donc il a convoqué tous les ouvriers avec les DRH sans passer par les syndicalistes, et c’est là que les mecs ont pêté un boulon. Les chaises ont volé, la scène est dans le film. Moi je n’appelle pas cela une séquestration…[…]. J’étais là et Mickaël disait : « ne tombez pas dans le piège, ils n’attendent qu’une chose, c’est la violence ».

Quant à la colère et des gestes de violence, il faut restituer le contexte : Goodyear gagnait peut-être un peu moins sur cette usine, mais le groupe restait bénéficiaire largement. Il cherchait surtout à délocaliser la production de pneus vers d’autres pays, « parce qu’ils utilisaient des produits chimiques qui empoisonnaient les ouvriers » explique Mourad Laffitte, et que les produits de substitution sont bien plus chers.

Et il faut le redire : les deux cadres ont ensuite retiré leur plainte en partie civile, ainsi que l’entreprise, bien avant la condamnation des 8 de Goodyear. C’est donc le parquet qui a poursuivi, probablement sur instruction venue d’en haut. Aujourd’hui encore, seule une très petite proportion des Goodyear a retrouvé un emploi.

Mais en haut lieu, ils veulent punir la lutte des classes.

Jean-Claude Mamet


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