Le PCF et la présidentielle de 2017

lundi 7 novembre 2016.
 

par Jérôme Métellus, PCF, groupe Révolution (ex La Riposte)

L’élection présidentielle de 2017 est au cœur d’une nouvelle et profonde crise du PCF. Son secrétaire national, Pierre Laurent, réclame depuis plusieurs mois une « candidature commune » des « forces vives de la gauche », dont il dit regretter la « division ». Au nom de cette démarche, la direction du PCF refuse d’engager le parti et ses militants dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon, qui fut pourtant le candidat du Front de Gauche à la présidentielle de 2012.

Quelles sont, au juste, les « forces vives de la gauche » qu’il s’agirait de rassembler ? Pierre Laurent y inclut – entre autres – Cécile Duflot (Verts), Benoît Hamon (PS) et Arnaud Montebourg (PS), c’est-à-dire trois anciens ministres du gouvernement de François Hollande. Ces « forces vives » sont donc, d’emblée, marquées d’un sceau mortifère. En effet, dans le contexte actuel, quiconque est associé, d’une façon ou d’une autre, aux politiques d’austérité menées par François Hollande depuis 2012, s’en trouve immédiatement discrédité auprès des couches les plus radicalisées de la jeunesse et du salariat.

En outre, aucun des trois ex-ministres en question n’a l’intention de se plier au type de rassemblement que réclame Pierre Laurent. A la limite, chacun veut bien que les autres se rassemblent derrière lui – mais pas davantage. Hamon et Montebourg, pour leur part, se sont engagés à se « rassembler » derrière le vainqueur de la primaire du PS, même s’il s’agit de François Hollande ou de tout autre représentant de la droite du PS. La direction du PCF peut bien déplorer cette situation, lancer des appels et une pétition, cela n’y changera rien. Les faits sont têtus. Et le fait est que la candidature de Jean-Luc Mélenchon est désormais la seule alternative de gauche au PS susceptible de cristalliser une opposition massive aux contre-réformes et aux politiques d’austérité.

Le rapport au PS

Pierre Laurent n’ignore pas les faits ; il les voit comme nous. Mais le secrétaire national du PCF a un problème : Jean-Luc Mélenchon défend une politique de rupture nette avec le PS. Or au fil des décennies, l’appareil du PCF – et notamment une partie de ses élus – est tombé dans une dépendance organique à l’égard de l’appareil du PS. On l’a vu de nouveau lors des élections municipales de 2014, lorsque le PCF a fait liste commune avec le PS dès le premier tour, dans de nombreuses villes. Dans les sections du parti, la même rengaine résonne à chaque fois qu’il s’agit de conclure de telles alliances : « il nous faut sauver un maximum d’élus !  » La stratégie de « rassemblement » de Pierre Laurent, pour 2017, n’est rien d’autre qu’une manœuvre visant à botter en touche, à gagner du temps – et, ainsi, à maintenir ouverte la perspective d’alliances avec le PS, à l’avenir. Elle est un prétexte pour ne pas soutenir Mélenchon qui, lui, veut supplanter le PS. Tout le reste n’est que littérature.

Par le passé, les alliances systématiques avec le PS ont nettement contribué à l’affaiblissement du PCF, d’autant qu’elles s’accompagnaient d’une modération croissante de son programme. Mais aujourd’hui que le PS sombre dans des abîmes d’impopularité, ces alliances ne sont plus seulement contre-productives : elles sont suicidaires. La ligne actuelle de la direction du PCF est d’autant plus dangereuse, pour le parti lui-même, que Jean-Luc Mélenchon occupe désormais l’espace politique se situant sur la gauche du PS, aux yeux des masses. En refusant de mener campagne pour Mélenchon, le PCF court le risque de passer à côté d’un puissant courant de radicalisation politique – et donc de disparaître de l’horizon, d’être marginalisé.

Dans ce contexte, un nombre sans cesse croissant de militants communistes soutiennent la candidature de Mélenchon et s’engagent dans sa campagne. Au niveau national comme dans les fédérations, l’appareil du parti est fracturé. De plus en plus de cadres dirigeants appellent à soutenir Mélenchon. Ils comprennent que, même du point de vue étroit des intérêts de l’appareil du parti, la stratégie actuelle de Pierre Laurent est très périlleuse. Certains ralliements à la candidature de Mélenchon ont d’ailleurs le caractère d’un « sauve-qui-peut » sans principes. Ils n’en illustrent pas moins la profondeur de la crise qui secoue le PCF.

L’argument phare de Pierre Laurent

Il est possible que Pierre Laurent finisse par se résoudre à soutenir du bout des lèvres la candidature de Mélenchon, faute d’alternative. Mais à peu de temps de la Conférence nationale du PCF (5 novembre), qui est censée discuter de la stratégie du parti pour 2017, Pierre Laurent maintient la ligne du « rassemblement ». Nous avons dit quels sont les ressorts fondamentaux de cette ligne : la préservation des liens d’appareil avec le PS. Jamais le secrétaire national du PCF ne les évoque, bien sûr. Il avance d’autres arguments – et surtout un argument : « Il serait fou de laisser la droite et l’extrême-droite prendre les rênes » du pouvoir en 2017. Or à ce jour, souligne-t-il, les sondages donnent la droite et l’extrême droite qualifiées au deuxième tour de la présidentielle. Donc il faut une candidature de gauche qui change la donne. Donc il faut éviter la division de la gauche et travailler à un « rassemblement des forces vives », etc.

Quelle est la signification des sondages invoqués par Pierre Laurent ? Ils confirment le rejet massif du Parti Socialiste. Pourquoi le PS est-il rejeté ? Parce que le gouvernement « socialiste » a trahi ses engagements de campagne et mené une politique réactionnaire calquée sur les intérêts du grand patronat, y compris lorsque Hamon, Duflot et Montebourg étaient ministres. C’est même le rôle classique des dirigeants socio-démocrates : trahir les aspirations des masses et, ce faisant, préparer le retour de la droite au pouvoir.

Dans ce contexte, la priorité est de faire émerger une alternative de gauche aux dirigeants du PS. Dans la perspective de 2017, la candidature de Jean-Luc Mélenchon est la seule à même d’incarner cet objectif. Elle ne tombe pas du ciel (et ne sort pas fraichement d’un ministère). Mélenchon était le candidat du Front de Gauche en 2012. Il a recueilli, à l’époque, 4 millions de suffrages (11 %). Aujourd’hui, les sondages le placent aux alentours de 14 % (contre 6 % en octobre 2011). Ce n’est pas surprenant. Du fait de la crise du capitalisme et du discrédit qui frappe les partis se succédant au pouvoir depuis des décennies, il y a une polarisation vers la droite et vers la gauche. La candidature de Mélenchon pourrait donc faire beaucoup mieux qu’en 2012. Au passage, elle apparaît à ce jour comme la meilleure chance – sinon la seule – de battre la droite et l’extrême droite en mai 2017. Mais même si Mélenchon n’est pas qualifié au deuxième tour de la présidentielle, sa campagne est l’occasion de développer un mouvement politique de masse contre les politiques d’austérité et les contre-réformes. Or sans un tel mouvement, rien ne sera possible.

Si elle mobilisait toutes les forces du parti dans la campagne de Mélenchon, la direction du PCF favoriserait l’émergence d’une alternative de gauche au PS. Les dizaines de milliers de militants communistes seraient un atout majeur dans la campagne de la « France insoumise ». Au lieu de cela, Pierre Laurent temporise, lance des appels et une pétition – et, au passage, menace l’avenir du PCF. Les militants communistes ne doivent pas l’accepter.

« Mais nous avons des divergences avec Mélenchon », répondront certains militants communistes. Révolution en a aussi. En particulier, nous pensons que le programme de la France insoumise serait inapplicable sans une rupture avec le système capitaliste lui-même. Cependant, le fait est que Mélenchon se situe désormais sur la gauche non seulement de Montebourg et compagnie, mais aussi de la direction nationale du PCF, qui s’avère incapable de rompre avec le PS et a graduellement vidé le programme du parti de toute substance communiste. C’est le fond du problème auquel sont confrontés les militants du PCF qui aspirent toujours à la transformation révolutionnaire de la société. Compte tenu des idées politiques de la direction du PCF, une candidature issue de ses rangs ne résoudrait pas ce problème. Mieux vaut défendre les véritables idées du communisme dans le cadre de la campagne de Mélenchon. C’est la démarche qui servira le mieux à la fois ces idées et l’avenir du PCF.


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