Jacqueline Fraysse : Fillon fait «  un pas de plus vers la privatisation  » de la sécurité Sociale

lundi 19 décembre 2016.
 

Dans une tribune publiée hier, le candidat de la droite à la présidentielle n’évoque plus le déremboursement des «  petits risques  ». Mais son discours flou met toujours en avant le rôle des complémentaires et la responsabilisation des usagers.

François Fillon va-t-il reculer sur la Sécurité sociale  ? Le candidat de la droite à la présidentielle a publié, hier, dans le Figaro, une tribune dans laquelle il affirme « qu’il n’est pas question de toucher à l’assurance maladie et encore moins de la privatiser ». Mais il ne s’agit pas vraiment d’un recul, dénonce Jacqueline Fraysse, députée Front de gauche des Hauts-de-Seine, cardiologue de formation et membre de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale.

François Fillon martèle que le modèle français « craque de toutes parts » , et que la dette de la Sécu « se monte à 160 millions d’euros ». Qu’en pensez-vous  ?

Jacqueline Fraysse C’est faux, le modèle ne craque pas. On nous l’envie, d’ailleurs, dans le monde entier. Le modèle est viable, mais il y a eu une baisse constante des moyens alloués au financement de la Sécurité sociale. François Fillon ne cesse de dépeindre un système en grande difficulté, pour se présenter en sauveur. Mais il oublie de dire pourquoi il y a ces difficultés de financements. Cela s’explique par le chômage massif qui entraîne une insuffisance de cotisations, par les exonérations sociales offertes aux entreprises qui atteignent plus de 30 milliards par an. Le dernier budget les a encore accentuées. Il faut aussi ajouter la fraude aux cotisations sociales, qui est elle aussi évaluée entre 20 et 25 milliards. Sur les chantiers, on ne compte plus le travail non déclaré... Mais François Fillon se garde bien d’avancer des propositions à ce sujet. Nous, nous avions proposé de taxer de 0,3 % les dividendes des entreprises, au même niveau que la contribution prélevée sur toutes les retraites. Cela rapporterait 600 millions d’euros. C’est un exemple.

François Fillon n’évoque plus les petits risques qui pourraient ne plus être remboursés. Mais il met toujours en avant l’importance d’une « protection complémentaire appropriée » . Qu’en pensez-vous  ?

Jacqueline Fraysse Il change son discours face à l’émotion suscitée par ses prises de position. Les médecins ont parfaitement compris qu’ils ont besoin de ce système, en particulier avec la fracture sociale qui s’aggrave. Quant à la population, elle constate chaque jour que les prix des médicaments, des consultations et les dépassements d’honoraires pèsent de plus en plus dans leur budget. Mais si François Fillon insiste autant sur les complémentaires, c’est bien qu’il envisage de réduire d’une autre manière les remboursements par le régime général de l’assurance maladie. Il veut continuer ce que la droite a mis en place, et qu’une partie de la gauche a poursuivi, c’est-à-dire d’accentuer le poids des assurances privées, complémentaires et des mutuelles. C’est un pas de plus vers la privatisation.

Il plaide aussi pour une « responsabilisation » des usagers...

Jacqueline Fraysse C’est inadmissible. On n’est jamais malade pour le plaisir. Quand on consomme des médicaments, c’est parce qu’on nous les a prescrits. Si certains doivent être responsabilisés, c’est ceux qui produisent des traitements inefficaces. Ce sont aussi les labos pharmaceutiques qui vendent parfois des médicaments remboursés mais sont inefficaces. Une pétition de professionnels de santé vient d’être publiée pour défendre la Sécu et dénoncer les prix exorbitants et injustifiables de certains traitements. Ce texte dénonce aussi le coût de gestion des mutuelles et des compagnies d’assurances, qui est égal à 20 % de leur chiffre d’affaires, contre 6 % seulement pour la Sécurité sociale. Il faut responsabiliser ceux qui échappent aux cotisations sociales. On reproche aux gens de se soigner, alors qu’il y a de l’argent dans ce pays.

Pierre Dusquene, L’Humanité


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