Lame de fond sociale dans tous les pays d’Europe

mercredi 26 avril 2006.
 

Tour d’horizon des mobilisations européennes des derniers mois Depuis plusieurs mois les mouvements ouvriers de nos voisins ont été exceptionnels, en Allemagne avec la métallurgie, en Grande Bretagne avec une grève pas vue depuis 1926, l’Irlande qui nous montre un visage internationaliste. Voici un tour d’horizon de l’Europe en mouvement.

Grèce : Manifestation : blocage des ports de Pirée et de Patras Depuis le 16 février, 25 000 marins grecs paralysent tout le trafic maritime. Ils réclament le droit aux allocations de chômage, les retraites et l’ouverture des négociations pour les conventions collectives de 2006. Le ministre de la marine marchande, Manolis Kefalogiannis, s’est attaqué aux grévistes. Le 22, dès 6 heures du matin, les marins ont été réquisitionnés à leurs domiciles par la police et sommés de rejoindre leurs bateaux. Le PNO, syndicat des marins, a appelé à poursuivre la grève, car la réquisition est illégale. 43 fédérations de travailleurs ainsi que des organisations d’étudiants ont également proclamé une grève de solidarité. Pour le front syndical Pame, « l’agression contre les marins, est une attaque contre toute la classe ouvrière ! » Aleka Papariga, secrétaire générale du Parti communiste de Grèce (KKE) a appelé tous les travailleurs à « se sentir réquisitionnés pour défendre les marins ». De véritables chaînes humaines de travailleurs se sont constituées dans les grands ports. Ainsi, aucun bateau n’a pu quitter ni accoster aux ports du Pirée et de Patras pendant 9 jours (du 16 au 24 février) le conflit s’étant soldé par une réquisition des ports par le gouvernement avec assurance aux participants de la grève qu’ils ne seront pas licenciés.

Pays-Bas : Côté réformes : jusqu’ici, la réglementation autorisait de travailler un maximum de 45 heures par semaine sur une période de treize semaines (trois mois). Désormais, on passe à 55 heures par semaine sur une période de quatre semaines, ou 48 heures sur une période de seize semaines.

Côté gauche : aux éléctions communales du 8 mars 2006, un virage à gauche a eu lieu, 3 367 sièges contre 3 144 pour la droite. Détail : le PVDA (équivalent du parti socialiste) devient le premier parti avec 23,4 % des voix, le SP (à gauche de la gauche) grimpe de 2,7% à 5,7%. Les prochaines législatives sont pour 2007.

Belgique : Le vendredi 6 octobre 2005 à le veille de négociation cruciale sur de la Sécu et des prépensions une grève générale était lancée à l’appel des syndicats FGTB, CSC et de la CGSLB.

Ce jours là l’ensemble du pays était paralysé.

L’aéroport de Charleroi était totalement à l’arrêt, Un nombre limité de rames de métro et de bus circulait à Bruxelles. La situation était plus difficile en Wallonie, où très peu de bus sont sortis des dépôts. Des perturbations importantes étaient aussi relevées dans les transports en commun en Flandre. La circulation ferroviaire était également à l’arrêt, y compris sur les réseaux Thalys et Eurostar. La circulation au port d’Anvers, le deuxième d’Europe, était aussi à l’arrêt. Des piquets de grève ont bloqué l’entrée de plusieurs zonings industriels. Ford à Genk, Volkswagen à Bruxelles ainsi que différents sites d’Arcelor ont été paralysés. Si la plupart des bureaux de poste ont fonctionné, des centres de tris ont été bloqués, la plupart des journaux n’ont pas été distribués et la RTBF a diffusé un programme minimum, excepté la diffusion de journaux parlés en accord avec la CGSP (une première). Dans le secteur privé, l’impact de l’appel à la grève est par définition plus difficile à évaluer. Banques et entreprises d’assurances n’étaient pas toutes touchées, même si les sièges de grands établissements bancaires ont été bloqués dans plusieurs villes du sud du pays. La plupart des grands magasins ont baissé leurs volets, de nombreuses petites et moyennes surfaces ont été « invitées » à en faire autant.

Bilan : 400 millions d’euro reversé dans les caisses de la sécu, revalorisation des petites allocations de pension dès 2008. Pour la prépension (retraites) elle n’est augmentée que de 2 ans (de 58 à 60 ans avec dérogation pour les métiers pénibles ou de nuit. coordination syndicale ICTU (Congrès irlandais des syndicats qui réunit 57 centrales syndicales en Irlande), « ces immigrés sont les bienvenus, mais ils ne peuvent travailler que selon les règles et salaires légalement convenus en Irlande. »

Allemagne : Mobilisation Syndicale : Branches d’activités : métallurgie, services publics Sujets des négociations : salaires ; temps de travail

Depuis début mars 30 000 travailleurs du Bade-Württemberg sont en grève à tour de rôle ; mardi 29 mars au matin : 1 000 travailleurs de chez BMW à Leipzig ont arrêté le travail pendant une heure. A minuit, dans la nuit du mardi 29 mars au mercredi 30 mars ,plusieurs dizaines de milliers de travailleurs ont débrayé : 33 000 métallos de 182 entreprises différentes rien qu’en Rhénanie du Nord - Westphalie, 10 000 manifestants à Cologne. Toutes les grandes entreprises du secteur métallurgique ont été touchées : Bosch, Mercedes, Porsche, Daimler Chrysler, Siemens, Rolls-Royce, etc. Et ce partout dans le pays : à Munich, à Stuttgart, à Hambourg, à Hanovre... Suite donnée au mouvement : le patronat, qui voulait passer de 38,5 heures par semaine à 40 h sans compensation salariale, a passé un accord avec les syndicats instaurant 39 h hebdomadaires.

Du côté des réformes gouvernementales : Les périodes d’essai en Allemagne étaient au maximum de 6 mois, le contrat de coalition passé à la suite des élections de septembre dernier portant au pouvoir une coalition CDU-SPD prévoyait d’allonger cette période d’essai à 2 ans et ce, pour tous nouveaux contrats (remarque : mais quels Think-tanks sont derrière cette période de deux ans ?) Propagation du mouvement anti-CPE français : aujourd’hui le débat est revenu au point mort, l’ancien chef de fil du SPD et vice-chancelier Franz Müntefering parle de nouvelles négociations et que les réformes sont « stoppées », tandis que du côté chrétien-démocrates, on demande la poursuite de la feuille de route issue du contrat de coalition.

Note : Les réformes en cours en Allemagne avaient déjà été envisagées l’année dernière avant les élections. Menacé de grève le gouvernement avait alors reculé, les voilà de retour.

Grande-Bretagne : Manifestation : mardi 28 mars Depuis 1926 la Grande-Bretagne n’avait pas vu ça : dans tout le pays plus d’un million de grévistes (dont 700 000 femmes). Transports publics à l’arrêt, écoles fermées, meetings dans la plupart des villes. Le sujet est simple : baisse des pensions des agents d’états, augmentation du temps de travail et inquiétudes sur les retraites.

Irlande : Manifestation : 9 décembre 2005 150 000 travailleurs irlandais descendent dans la rue pour demander l’égalité des droits et des salaires pour leurs collègues lettons et polonais. Le principe est simple et déjà vu dans nos contrées : licenciement des travailleurs locaux, remplacés par des travailleurs étrangers selon les principes de la directive Bolkenstein. Le mot d’ordre de Macdara Doyle, porte-parole de la coordination syndicale ICTU (Congrès irlandais des syndicats qui réunit 57 centrales syndicales en Irlande), « ces immigrés sont les bienvenus, mais ils ne peuvent travailler que selon les règles et salaires légalement convenus en Irlande. »

Italie : Mobilisation syndicale : le 25 novembre 2005De Venise à Palerme, des millions de salariés et pensionnés italiens se sont mis en grève pour dénoncer les coupes budgétaires prévues en 2006 par le gouvernement de Silvio Berlusconi. Les arrêts de travail, appelés par toutes les centrales syndicales, ont touché les transports, les administrations, les hôpitaux, les banques et les postes. Les travailleurs italiens refusent de payer le déficit public alors que le gouvernement fait des cadeaux au patronat. Il s’agit de la cinquième grève générale organisée en Italie depuis la formation du gouvernement en juin 2001.

Les coupes budgétaires touchant également la culture, les grands orchestres ont marqué leur mécontentement par l’exécution simultanée d’une messe de Requiem. Ceux des opéras de Naples, Turin et Vérone ont choisi celui de Mozart. Ceux de Florence, Palerme, Rome, Trieste et Venise, celui de Verdi. Plus original : le théâtre municipal de Bologne a opté pour le « Requiem allemand » de Johannes Brahms.

Conclusion : C’est mon avis personnel mais je reste persuadé qu’il existe une lame de fond qui monte en surface sur notre vieux continent. Le débat et la prise de conscience amorcés l’année dernière grâce à la constitution européenne sont aujourd’hui le moteur d’une réflexion profonde sur le fonctionnement de l’Europe, les liens avec la stratégie de Lisbonne, les accords de Marrakech (AGCS, création de l’OMC...) et le libéralisme en général. L’offensive générale des gouvernements de droite et de coalition pour imposer leur modèle font se lever un peu partout en Europe les voix de la protestation. La résistance des peuples européens augure de belles heures, un nouveau siècle est en construction. Les cerises seront bien rouges cette année.

Article de Raskolnikov pour le site prs93


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