Tuerie du nouvel an à Istanbul : un attentat des plus prévisibles

samedi 7 janvier 2017.
 

Rarement une tuerie n’aura été plus prévisible. Le massacre de près de quarante personnes dans la boîte de nuit « Reina » à Istanbul la nuit du nouvel an n’a pu surprendre aucun observateur un minimum attentif de l’actualité de ce pays. Le seul élément ignoré était le lieu d’un tel acte.

L’attentat a été revendiqué par Daech, cette revendication signale la détérioration des relations avec le régime turc en lien avec le rapprochement d’Erdogan avec Poutine. Cela se manifeste également avec la cible visée avec une majorité de victimes qui sont étrangères ce qui met le gouvernement dans l’embarras pour qui il est plus facile de mettre des côté des morts de citoyens Turquie. Cependant, cette détérioration est ambiguë. Les groupes ultra-réactionnaires se sont non seulement enkystées sur le territoire et au sein de l’appareil d’Etat turc avec la complaisance du régime mais ils bénéficient également de la propagande réactionnaire et confessionnelle du régime turc.

En effet, cette tuerie apparaît comme la conséquence d’une séquence de plusieurs semaines durant lesquelles le gouvernement et ses soutiens en ont préparé le terrain moral. Ainsi, le président de la Direction des affaires religieuses, institution publique sous contrôle du régime, a communiqué à toutes les mosquées du pays un sermon sur le caractère « illégitime » de fêter le nouvel an. Des circulaires en ce sens ont également été communiquées aux écoles publiques. Au-delà institutions, des groupes ultra-réactionnaires qui font partie des soutiens du régime ont multiplié des mises en scènes publics macabres d’exécutions de Père Noël (ici, un exemple parmi de nombreux autres, l’Association de la Jeunesse Anatolienne simule la circoncision du Père Noël avant de le poignarder). Le terrain politique était préparé, un groupe pro-Daesh peut alors tout à fait en bénéficier.

Dans le même temps, sous prétexte de « lutte contre le terrorisme », l’opposition démocratique subit les coups du régime. Si Asli Erdogan a pu quitter les geôles turques, mais son procès se poursuit, l’un des plus importants journalistes d’investigation de Turquie, Ahmet Şık, a été lui mis en garde à vue pour « soutien au terrorisme » (sic) en raison de tweets. Des dizaines de milliers de vies de démocrates, révolutionnaires, militants kurdes, simples citoyens sont brisées en raison de leur incarcération, leur pertes d’emploi par exclusion de la fonction publique au nom de la « lutte antiterroriste » simple outil de répression anti-démocratique.

Dans ce contexte, Erdogan construit son trône sur les cadavres et les larmes en préparant le plébiscite instituant un régime hyper-présidentialiste en Turquie, un trône dont émane des effluves de pourriture intoxicant le reste de la société turque.

Emre Öngün


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