Les régions, laboratoires de la droite pour 2017

vendredi 20 janvier 2017.
 

Un an après la victoire de la droite, austérité, abandon de la politique écologique et montée de courants réactionnaires semblent partagés par tous ces nouveaux barons, en cohérence avec le programme de Fillon.

« Parler vrai  » et «  agir vite  ». Ce slogan, choisi par Bruno Retailleau lors de la campagne des régionales, l’an passé, a manifestement plu à François Fillon, qui prône, lui, le «  courage de la vérité  » et le «  blitzkrieg  » social. Le sénateur vendéen ne se contente pas d’inspirer le programme ultralibéral et réactionnaire du candidat de la droite à la présidentielle. Il l’expérimente, et le met en œuvre dans sa région depuis le 13 décembre 2015, date de son élection à la tête du conseil régional des Pays de la Loire. «  La première version du budget 2017, soumis au vote cette semaine, prévoit une baisse de 7 % des dépenses de fonctionnement, et une réduction de 10 % des budgets destinés aux associations et aux partenaires sociaux. Cela signifie une destruction de nombreux emplois dans les mois qui viennent  », alerte Francine Desnos, secrétaire du comité régional CGT Pays de la Loire. L’aide versée aux lycéens pour acheter un ordinateur ou le passe santé qui permettait aux étudiants de se payer une mutuelle sont aussi jetés aux oubliettes. Et ce n’est qu’un début. À l’instar de François Fillon, qui promet une réduction de la dépense publique de 100 milliards d’euros au niveau national, Bruno Retailleau a déjà annoncé une baisse de 100 millions d’euros des dépenses de fonctionnement de la région. Il espère des économies d’un montant similaire sur les investissements.

Christian Estrosi, le bon élève de l’austérité

Il n’y a pas que sur les terres de François Fillon que l’on s’est converti à l’extrême rigueur. En Paca aussi, Christian Estrosi est le «  bon élève de l’austérité  », dénonce Jean-Marc Coppola, ancien vice-président pcf de la région jusqu’en 2015. «  Depuis un an, poursuit-il, c’est restriction sur tous les budgets concernant les lycées, la formation professionnelle, l’économie sociale et solidaire et le fonctionnement des TER.  » Au total, ce sont 2,06 millions d’euros de crédits qui ont été supprimés.

Valérie Pécresse, qui vient de se rabibocher avec François Fillon, a quant à elle sabré 75 millions d’euros du budget destiné aux associations. «  Peu d’entre elles se sont mobilisées publiquement, car elles espéraient jusqu’au dernier moment percevoir des aides. C’est maintenant qu’elles vont en ressentir les effets  », rapporte Céline Malaisé, présidente du groupe Front de gauche au conseil régional d’Île-de-France.

Les nouveaux barons de la droite rejettent la faute sur l’État, qui a, il est vrai, baissé la dotation globale de fonctionnement destinée aux régions de 450 millions d’euros en 2016. «  Mais à aucun moment Valérie Pécresse n’a voulu mener la bataille sur ce point  », rappelle Céline Malaisé. Bien au contraire. La présidente de la région Île-de-France mène tambour battant une réorganisation des services. Cela va entraîner des suppressions de postes, soutiennent les syndicats des agents régionaux, qui ont organisé une grève en octobre dernier. Même management brutal du côté de la région Paca, où les agents sont clairement mis sous pression. Près de 150 départs en retraite ne seront pas remplacés. À Nantes, les suppressions d’emplois publics sont clairement assumées par Bruno Retailleau, qui a clamé haut et fort son intention de «  dégraisser le mammouth régional  ».

Des millions d’euros pour des entreprises choyées

«  Mais ce n’est pas l’austérité pour tout le monde  », prévient Yvic Kergroac’h, représentant CGT au Ceser des Pays de la Loire : «  Les aides aux entreprises et à l’enseignement privé vont être augmentées, tout comme les subventions destinées au transport routier, préféré au ferroviaire.  » Si Christian Estrosi n’a aucun mal à supprimer les passes santé et culture, permettant d’ouvrir des droits aux plus jeunes, il n’a pas hésité à donner 30 millions d’euros au privé pour faire revenir un grand prix de formule 1 dans le Sud-Est. Valérie Pécresse donne des millions à de grandes entreprises mais raye d’un trait de plume l’Atelier, centre de ressource de l’économie sociale et solidaire. Ce secteur, avec les services publics et les réseaux associatifs, est le grand oublié du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). «  Parmi les plus touchées, on retrouve les associations luttant pour l’égalité femme-homme  », rapporte Cécile Cukierman, élue communiste d’opposition en région Auvergne-Rhône-Alpes. Là-bas, Laurent Wauquiez compte baisser de 30 % le financement du passe contraception, géré par le planning familial. Ce dispositif, qui permet à des jeunes d’accéder gratuitement à des moyens de contraception, a été supprimé du jour au lendemain en Île-de-France. «  On a vu débarquer, bien avant l’élection de François Fillon, de nombreux élus qui avaient participé aux manifs contre le mariage pour tous et appartenant au courant Sens commun. Très mobilisés, ils sont en bonne place dans l’exécutif régional pour mener leur combat idéologique  », atteste Céline Malaisé.

Ultralibérales en économie et conservatrices sur les questions sociétales, ces nouvelles majorités partagent un autre point commun : attaquer les mécanismes destinés à réduire les inégalités territoriales. Le surplus de financements alloués aux zones populaires en région parisienne a été purement effacé. L’une des premières mesures prises par Christian Estrosi fut d’alléger les pénalités mises en place à l’encontre des communes qui ne respectaient pas la loi SRU.

L’environnement au napalm

«  Partout, ils veulent en finir avec l’ingénierie de projet, avec des techniciens chargés d’animer une politique territoriale, pour passer à une logique de guichet, versant directement des fonds aux associations ou aux acteurs locaux. Avec un grand risque de politique clientéliste  », alerte Cécile Cukierman.

Enfin, ils sont tous d’accord pour passer au napalm toutes les politiques environnementales. «  Notre association a perdu 100 % de subventions en Île-de-France et en Auvergne Rhône-Alpes  », raconte Lucie Sourice, de Terres de liens, qui se bat pour sauvegarder des terres agricoles et promouvoir l’agriculture paysanne. Idem pour les Amap et les réseaux promouvant le bio, qui voient leur financement reversé aux chambres d’agriculture, tenues par les FNSEA.

Au-delà des différences de personnalités entre ces nouveaux seigneurs locaux, «  leurs décisions, mises bout à bout, dégagent une vraie cohérence nationale  », résume Céline Malaisé. Depuis leurs puissantes régions, renforcées par la réforme territoriale, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Christian Estrosi ou Bruno Retailleau peuvent même lancer des ballons d’essai. Y compris lorsque cela ne relève pas de leur compétence. Laurent Wauquiez tente d’imposer une contrepartie au RSA, en obligeant les bénéficiaires à suivre une formation. Valérie Pécresse réfléchit à créer une «  charte de la laïcité  » pour conditionner les aides à ce qu’elle appelle le respect d’une laïcité «  intransigeante  » et l’égalité homme-femme… Des procédés discriminatoires qu’il sera difficile de mettre en œuvre. Quant à Bruno Retailleau et Christian Estrosi, ils réfléchissent à déléguer la gestion des TER à des sociétés privées… François Fillon, certainement, suit tout cela de près.

Pierre DUQUESNE


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message