6e République : Le droit de vote à 16 ans

mercredi 1er mars 2017.
 

Le programme L’Avenir en Commun prévoit l’ouverture du droit de vote à partir de 16 ans, et non plus à 18 ans, comme c’est le cas aujourd’hui. Loin d’être anodine, une telle proposition s’inscrit dans la cohérence d’ensemble de ce programme : rendre le pouvoir au peuple par le renforcement de la citoyenneté politique en général.

L’implication citoyenne des jeunes est une nécessité démocratique. Le droit de vote à 16 ans a pour objectif de modifier le poids de la jeunesse dans la société. Car la jeunesse est aujourd’hui exclue de la prise de décision politique.

D’un point de vue démographique, le nombre de personnes âgées augmente de façon continue au sein de la population française, donc dans le corps électoral. Ainsi, plus d’un électeur inscrit sur trois avait plus de 60 ans en 2012, contre seulement un sur six en 1960 ! Au demeurant les études postélectorales montrent que les personnes âgées participent plus que les autres aux élections. Ce double phénomène, démographique et politique, expulse la jeunesse des enjeux de l’élection. L’abaissement du droit de vote à 16 ans vise donc à corriger une telle anomalie. Il ne s’agit pas seulement de susciter un débat. L’objectif est bien de rajeunir le corps électoral et de donner une importance politique à la jeunesse. Abaisser le droit de vote à 16 ans, c’est ajouter environ 1,5 million d’électeurs supplémentaires potentiels. Couplé au vote obligatoire, mesure également proposée dans le programme L’Avenir en Commun, le vote à 16 ans vise à faire entrer des millions de bulletins de vote de jeunes dans le corps électoral !

Un droit qui existe ailleurs

Le droit de vote à 16 ans n’est pas une idée si originale qu’il peut y paraître. Il est déjà à l’œuvre dans plusieurs pays, comme au Brésil, en Équateur ou en Argentine.

Et, même en Europe, si le droit de vote est le plus souvent fixé à 18 ans, le droit de vote à 16 ans est toutefois de plus en plus commun. Ainsi, l’Autriche a généralisé le droit de vote à 16 ans pour toutes les élections. En Allemagne, le droit de vote à 16 ans a été introduit dans les Länder du Brandebourg, de Brême, de Hambourg et du Schleswig-Holstein pour les élections régionales et locales, ainsi que dans ceux du Bade-Wurtemberg, de Basse-Saxe, de Berlin, du Mecklembourg-Poméranie occidentale, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Saxe-Anhalt pour le seul niveau local. Au Royaume-Uni, les îles de Jersey, Guernesey et l’île de Man appliquent le droit de vote à 16 ans, d’ailleurs également utilisé pour le référendum sur l’indépendance de l’Écosse de septembre 2014. En Suisse, le droit de vote à 16 ans a été introduit dans le canton de Glaris.

Un âge de responsabilité en droit français

On peut concevoir qu’une telle mesure suscite des réticences. Cela avait d’ailleurs déjà été le cas en 1974, lorsque l’âge de la majorité civile (donc avec le droit de vote) avait été abaissé de 21 ans à 18 ans. Mais, contrairement aux prévisions catastrophistes d’alors, cette réforme a démontré sa pertinence depuis, et plus personne n’en conteste le bien-fondé aujourd’hui.

De toute manière, le droit de vote à 16 ans ne crée pas un nouveau seuil d’âge soudain et inconnu dans notre droit. Car à 16 ans, on a déjà beaucoup de droits et de devoirs. A 16 ans, on peut ainsi être émancipé de la tutelle de ses parents. On peut d’ailleurs exercer soi-même l’autorité parentale si on a un enfant. En d’autres termes, au plan légal, on est jugé assez âgé et apte à décider ce qui est bon pour soi et, le cas échéant, pour un enfant. Dans ces conditions, c’est qu’on doit aussi être assez âgé et apte à décider de ce qui est bon pour la collectivité…

Au demeurant, à 16 ans, on peut déjà travailler. C’est le cas de nombreux jeunes, notamment parmi les milieux populaires. Pourquoi ceux qui payent des cotisations et des impôts n’auraient-ils pas le droit de participer à la décision sur l’usage qui est fait de cet argent ? D’autant que, lorsque l’on travaille, on peut aussi voter pour les élections professionnelles dans son entreprise, même à 16 ans. Notons au passage l’arrogance et la mauvaise foi de ceux qui, à l’instar du MEDEF, du FN et de plusieurs candidats de droite, veulent envoyer des jeunes en apprentissage dès l’âge de 14 ans… tout en refusant de leur reconnaître les droits citoyens !

De ce point de vue, il convient d’écarter certaines craintes infondées. L’âge du droit de vote n’entraîne pas nécessairement de modification de l’âge d’autres droits et devoirs. Abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans ne signifie pas accepter qu’un mineur de 15 ans soit jugé comme une personne de 18 ans. D’ailleurs, ceux qui prônent d’exclure les jeunes de 16 à 18 ans de l’application de la justice des mineurs (il y a eu des dispositions législatives en ce sens sous le quinquennat Sarkozy) ne proposent jamais d’accorder le droit de vote à 16 ans ; autrement dit, ils considèrent les jeunes de 16 à 18 ans comme des majeurs quand il s’agit de les punir, et comme des mineurs quand il s’agit de leur reconnaître des droits ! C’est précisément le contraire de ce qui est proposé : accorder le droit de vote à 16 ans tout en rétablissant le droit d’être jugé différemment jusqu’à 18 ans. Après tout, personne n’est jugé sans prise en considération du contexte et de l’état mental en général et au moment des faits incriminés. Dans le même ordre d’idée, en matière éducative, abaisser le droit de vote à 16 ans ne signifie pas renoncer à élargir la scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans, mesure qui figure aussi dans le programme L’Avenir en Commun.

De telles différences sont tout à fait possibles dans notre ordre juridique. D’ailleurs, le droit électoral actuel admet même une différence en matière de citoyenneté. Par exemple, on peut voter pour toutes les élections à partir de 18 ans, mais on ne peut être candidat aux élections sénatoriales qu’à partir de 24 ans. On peut donc parfaitement envisager une distinction selon l’âge pour instaurer un accès progressif à la pleine majorité civile et pénale commençant par le droit de vote à 16 ans et se poursuivant ensuite jusqu’à 18 ans.

Au cœur de la refondation républicaine

Le droit de vote à 16 ans n’est pas une réforme isolée. Il s’inscrit dans une cohérence d’ensemble : la refondation républicaine de la société et des institutions politiques françaises par la convocation d’une Assemblée constituante et l’établissement de la 6e République.

Compte tenu de la Constitution de la Ve République, qui réserve le vote aux « nationaux français majeurs » (article 3), il n’est pas possible d’accorder dans ce cadre le droit de vote à 16 ans, sauf à abaisser la majorité civile et pénale à 16 ans, ce qui n’est évidemment pas souhaitable, pour les raisons évoquées précédemment. C’est donc bien dans le cadre d’une Assemblée constituante, convoquée pour refonder la République en rendant le pouvoir au peuple, que la lutte pour l’obtention de ce droit nouveau devra être menée.

Mathieu DUPAS


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