Présidentielle 2017 : cinq candidatures très, très, très à droite Fillon, Le Pen, Dupont-Aignan, Asselineau, Cheminade

mardi 14 septembre 2021.
 

La multiplication des candidats positionnés entre droite extrême et extrême droite témoigne de la dérive et de la radicalisation du spectre politique français. Passage en revue de cet inquiétant casting : Marine Le Pen, François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau, Jacques Cheminade.

En 2017, la gauche sera représentée par trois candidatures : Nathalie Artaud, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Trois – peut-être quatre si Philippe Poutou obtient ses parrainages –, c’est peu, c’est même du jamais vu depuis 1965 et la première élection au suffrage universel. Loin de l’avalanche des candidatures, c’est bien un paysage minimaliste qui s’annonce pour ce côté de l’échiquier politique. Au passage, cela relativise beaucoup l’idée que trois, ce serait encore trop, mais en dit long sur l’état de la gauche après ce quinquennat désastreux.

Par bonté d’âme, on placera Emmanuel Macron au centre-droit même si l’enthousiasme affiché d’Alain Minc ou d’Alain Madelin devrait faire réfléchir plus d’un électeur socialiste. Pour le reste, c’est à droite toute et ils seront sans doute cinq à occuper ce créneau.

Marine Le Pen et François Fillon en mode Pétain

Ces deux-là sont bien connus des services et il n’est nul besoin de s’appesantir. La candidate du Front national est aujourd’hui en position de force. Assurée d’être au second tour de la présidentielle, elle engrange aujourd’hui les dividendes des renoncements de toute sorte, à gauche comme à droite, de ces trente dernières années. Si la question identitaire s’était un peu estompée ces derniers mois avec la perspective d’un second tour contre François Fillon, elle revient en force devant l’affrontement programmé avec Emmanuel Macron. Pour preuve, au fil des semaines, "La France apaisée" a laissé place au beaucoup plus agressif "On est chez nous", comme lors du meeting au Zénith de Lyon.

Le cas Fillon est sans doute un cas d’école. Donné moribond et isolé, le candidat LR vient de réussir un spectaculaire rétablissement. Son obstination et l’absence d’un plan B faisant consensus ont bien sûr été décisives. Mais la relative réussite de son meeting du Trocadero du 5 mars a aussi beaucoup joué. Largement organisé par Sens commun, héritier de la Manif pour tous, ce rassemblement témoigne tout à la fois d’une radicalisation de la droite française et des capacités militantes nées de la mobilisation contre le mariage pour tous. Ecouter les multiples micro-trottoirs lors de la manifestation du Trocadéro, revient à se brancher sans filtre sur les égouts pétainistes, nausée assurée. Le ralliement d’Henry de Lesquen, président de Radio Courtoisie, antisémite et suprémaciste blanc (voir ici un florilège de ses dérapages) est en soi tout un programme.

Rappelons-nous aussi que, lors des primaires, le sobriquet "Ali Juppé" a servi une campagne visant à faire passer l’ancien premier ministre pour un quasi cheval de Troie de l’islamisme radical en France. Qu’une opération aussi délirante ait pu rencontrer un quelconque écho est en soi terriblement inquiétant. Aussi, lorsqu’Alain Juppé dénonce la radicalisation d’une partie de la droite, il maîtrise son sujet.

Les mauvaises fréquentations de Nicolas Dupont-Aignan

Le président de Debout la France se veut gaulliste, paraît-il. Il ne faut pourtant pas gratter bien longtemps pour saisir l’ampleur de ses accointances avec l’extrême droite. Au mois de janvier, dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, il a repris à son compte la théorie du "grand remplacement" liée à un supposé déferlement d’immigrés. Il s’est même fendu d’un tweet limpide le 17 janvier : « En 2016, les socialistes compensent la baisse de natalité par l’invasion migratoire. Le changement de population c’est maintenant ! »

Loin de constituer un dérapage, cette prise de position s’inscrit dans une orientation de longue date. Lors des élections européennes, par exemple, il s’était affiché avec UKIP (le parti britannique xénophobe) et Slavi Binev, ultra-nationaliste bulgare, ou encore avec le responsable du parti des Vrais Finlandais (tout un programme).

En France aussi, Nicolas Dupont-Aignan n’est pas très regardant. Il reçoit ainsi la contribution parlementaire du député maire d’Orange, Jacques Bompard (ancien d’Occident et fondateur du FN), à la tête de la Ligue du Sud un parti, sur le fond, très proche des identitaires. Lors des départementales de 2015, des candidatures communes aux deux partis ont été présentées dans le sud-est. Il est vrai que, déjà au printemps 2012, le candidat de Debout la France avait indiqué qu’il pourrait nommer Marine Le Pen premier ministre s’il remportait l’élection présidentielle.

François Asselineau, rejeton de l’extrême droite ultranationaliste

Moins connu que les précédents, François Asselineau, le président de l’Union populaire républicaine (UPR), n’est pas exactement un poussin de la dernière couvée. Énarque, évoluant dans les cabinets ministériels du gouvernement Juppé (1995-1996), il rejoint ensuite le RPF de Charles Pasqua et Philippe de Villiers. Nommé par le président Nicolas Sarkozy en 2004 à la tête de la Direction générale à l’intelligence économique à Bercy, l’homme n’est pas exactement un rebelle. Il fonde en 2007 l’UPR, dont le programme peut se résumer en trois points : sortie de l’Euro, sortie de l’Otan et sortie de l’Union européenne pour « rétablir l’indépendance de la France » et c’est à peu près tout. La charte fondatrice indique ainsi : « Il en découle que l’UPR est le parti qui a décidé de ne pas se laisser entraîner dans des débats accessoires lorsque l’essentiel est en jeu. Les adhérents de l’UPR restent ainsi libres, s’ils le souhaitent, de se déclarer – en dehors des instances du mouvement – en faveur de telle ou telle option économique, fiscale ou sociale, ou de telle ou telle philosophie sur les sujets de société ». On le voit, la palette de ce qui est laissé de côté est assez large, doux euphémisme.

Les liens avec l’extrême droite sont pourtant bien transparents, à commencer par l’ex numéro 2 de l’UPR, Éric Mary. Outre les photos des quenelles de ce dernier obtenues en quelques clics, sa passion pour la Légion étrangère, les guerres coloniales, pour Serge Ayoub (leader du mouvement troisième voie) ou encore la diffusion de chansons d’extrême droite en font incontestablement un rejeton de l’extrême droite ultranationaliste.

Mais on ne saurait évoquer Asselineau sans aborder un autre sujet : l’homme est adepte des thèses complotistes. Cette pépite relève plus de l’hôpital psychiatrique que du débat politique – attention, c’est du lourd : « Le Front national a été créé par François Mitterrand et Jacques Attali et financé par la CIA via le demi-frère de Nicolas Sarkozy qui travaille au Fonds Carlyle, le bras financier de la secte Moon contrôlé par la famille Bush qui soutient aussi l’hebdomadaire frontiste Marianne chargé de la promotion de Marine Le Pen afin de pourrir le discours de l’UPR et ce dans le but de faire élire à coup sûr Dominique Strauss-Kahn à la présidentielle de 2012 et ainsi maintenir la mainmise euro-atlantiste sur la France ».

Le martien Cheminade]]

Déjà candidat en 1995 et 2012, Jacques Cheminade devrait être en mesure de se présenter en 2017, même si une petite incertitude demeure. Ses fantaisies spatiales ont déjà été largement analysées. L’homme, tout à sa colonisation de l’espace, est notamment l’auteur de ce genre de propos : « À une identité terrienne se substituera ainsi une identité héliosystémique et galactique ». C’est dire qu’avec lui, on n’est pas porté mais téléporté.

Mais les liens de Cheminade avec l’extrême droite conspirationniste sont aussi avérés qu’anciens. Ancien énarque, lui aussi, il est devenu dans les années 1970 le disciple de l’Américain Lyndon LaRouche, classé à l’extrême droite après des diatribes négationnistes (quelques explications ici). Cheminade est lui aussi un amateur de théories du complot. Il a par exemple assuré qu’une partie de la fortune de la reine d’Angleterre venait du trafic de drogue avant d’évoquer « la tradition des Rothschild (…) qui ont fait toutes sortes de trafics ».

Avec cinq candidats oscillants entre droite extrême et extrême droite, rarement une présidentielle ne s’était révélée aussi pestilentielle. Avec l’ouverture de la campagne officielle dans quelques jours, l’omniprésence des thématiques les plus réactionnaires devraient vite devenir proprement insupportable. Souhaitons au moins que cette situation produise un électrochoc et permette un regain de mobilisation de tous ceux et toutes celles qui aspirent à transformer radicalement une société française décidément bien malade.

Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.


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