Le programme économique du FN analysé par la presse économique.

dimanche 9 avril 2017.
 

Les mesures contenues dans le programme du FN ne peuvent être crédible et opérationnelles que si elles s’appuient sur une politique économique cohérente et non contradictoire avec les intérêts qu’elle prétend défendre.

Les mesures contenues dans le programme du FN ne peuvent être crédible et opérationnelles que si elles s’appuient sur une politique économique cohérente et non contradictoire avec les intérêts qu’elle prétend défendre.

Le FN ne remet pas en cause l’économie de marché et le mode de production capitaliste même s’il en dénoncent certains aspects.

L’éclairage d’une presse économique plutôt libérale est donc intéressante dans la mesure où elle peut mettre en lumière des impossibilités d’application de son programme dans ce cadre.

Et même en sortant du cadre, européen, le financement de l’ensemble des mesures apparaît très problématiques.

Les articles qui suivent se recoupent mais peuvent avoir des approches différentes.

Comme le montre l’étude des économistes atterrés, ce programme ne s’attaque pas fondamentalement à la répartition des richesses produites par les travailleurs et ne s’attaque pas aux inégalités énormes des revenus et patrimoines des ménages.

Premier article : Alternatives Économiques

Programme Front national : la politique du repli sur soi

par Claire Alet

Source : Alternatives économiques. Le 16/03/2017

http://www.alternatives-economiques...

Sous les auspices de son nouveau logo, une rose teintée en bleu, Marine Le Pen a présenté le 5 février dernier, à Lyon, son programme pour l’élection présidentielle. Ses 144 engagements, s’ils varient quelque peu par rapport à ceux de 2012, reprennent pour l’essentiel le logiciel classique du Front national (FN) : face à ceux qu’elle nomme « les mondialistes », la présidente du FN se présente comme « une patriote » qui incarnerait « le peuple » contre les « partis de l’argent ». Mais son programme est surtout irréaliste et menace de diviser encore plus la société française.

Le FN n’est pas avare de promesses de dépenses nouvelles : augmentation du budget de la défense à hauteur de 2 % du produit intérieur brut (PIB) et de 3 % à la fin du quinquennat, contre 1,8 % en 2015 (proposition no 121), recrutements dans la fonction publique hospitalière (no 68), 15 000 postes dans la police et la gendarmerie (no 13) et 6 000 dans les douanes (no 24), ainsi qu’une revalorisation du point d’indice des fonctionnaires (no 86), retour de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans (no 52), renationalisation des sociétés d’autoroutes (no 144), création de 40 000 places de prisons supplémentaires (no 20), etc.

Des promesses à la pelle

Marine Le Pen propose aussi la création d’une prime de pouvoir d’achat d’un montant de 80 euros en moyenne par mois pour les personnes touchant un revenu ou une retraite inférieurs à 1 500 euros mensuels (no 59). Et encore d’instaurer un cinquième risque dans la protection sociale pour couvrir la dépendance (no 69)...

Elle voudrait également le retour au versement des allocations familiales sans conditions de ressources, mais uniquement pour les familles françaises (no 55) ainsi que la revalorisation du minimum vieillesse, mais conditionné là aussi à la nationalité française ou à vingt ans de résidence en France (no 58). De même, l’attribution des logements sociaux devrait être réservée en priorité aux Français (no 142). « C’est dans le domaine de la protection sociale que la volonté de discrimination à l’égard des étrangers s’exprime le plus fortement », explique Rémi Bazillier économiste membre du collectif Ecolinks1.

La "priorité nationale" est aussi la pierre angulaire de sa politique de l’emploi. Ainsi Marine Le Pen veut imposer une taxe additionnelle sur toute nouvelle embauche d’employé étranger (no 38). La recette devrait être affectée à l’indemnisation des chômeurs. « Cette mesure, qui n’apparaissait pas dans le programme de 2012, correspond à une vieille rhétorique du Front national, analyse Rémi Bazillier. Cela risque d’augmenter significativement le coût du travail, et donc les prix, dans certains secteurs de l’économie, alors que la plupart des études montrent qu’en France, il y a peu d’effet de substitution des emplois entre Français et étrangers. »2

Marine Le Pen veut aussi retirer la loi El Khomri (no 53), mais concernant les 35 heures, son programme est ambigu : elle souhaite certes conserver la référence légale aux 35 heures, mais entend autoriser les branches professionnelles à dépasser ce seuil (no 63). Tout en rétablissant la défiscalisation des heures supplémentaires, chère à Nicolas Sarkozy (no 64).

La candidate du FN entend également limiter le solde migratoire à 10 000 personnes par an (no 26), contre 47 000 en 2015, selon l’Insee, soit 0,07 % de la population française, ce qui est déjà l’un des soldes les plus faibles de tous les pays de l’OCDE. Elle prévoit pour cela de limiter le droit au regroupement familial (no 26), de refuser toute régularisation de personnes en situation illégale (no 25) et de supprimer le droit du sol comme source du droit de la nationalité (no 27). Toute la logique du programme économique et social du FN repose sur ce rejet de l’extérieur.

Ambiguïté et contradictions

Enfin, en matière d’environnement, l’ambiguïté - voire la contradiction - prévaut. Marine Le Pen annonce certes vouloir « développer massivement les filières françaises des énergies renouvelables » (no 133), mais prévoit dans le même mouvement de « décréter un moratoire immédiat sur l’éolien". Tout en voulant aussi « maintenir, moderniser et sécuriser la filière nucléaire française » (no 134).

Toutes ses promesses de dépenses supplémentaires n’empêchent pas la présidente frontiste de prévoir en parallèle une série d’exonérations fiscales nouvelles : pour l’installation des jeunes agriculteurs (no 128), pour la première embauche d’un jeune de moins de 21 ans (no 82), pour les plus-values de cession sur les parts des PME (no 47). Et des réductions d’impôts avec une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu pour les trois premières tranches (no 75). Elle veut aussi rehausser le plafond du quotient familial et rétablir la demi-part des veufs et des veuves (no 54).

Zoom Un projet de société très rétrograde

Concernant les questions de société, le Front national (FN) assume un positionnement très conservateur. Marine Le Pen veut tout d’abord supprimer le mariage pour tous inscrit dans la loi Taubira (mais sans effet rétroactif) et le remplacer par un "Pacs amélioré" (proposition n° 87). Sur la place des femmes dans la société, le FN rappelle bien sûr que sa présidente est une femme et prévoit dans son programme un plan national pour l’égalité salariale (n° 9). Mais "plusieurs propositions suggèrent en creux que la place des femmes est d’abord au foyer", explique Mathilde Guergoat-Larivière, économiste membre du collectif Ecolinks [1].

Si le "salaire maternel" précédemment évoqué par Marine Le Pen n’est plus mentionné dans son programme, celui-ci entend notamment revenir sur la réforme du congé parental instaurée en 2016, qui réserve les six derniers mois de congé au second parent (n° 55). Or, avant cette réforme, les congés parentaux étaient pris à 97 % par les seules mères. De plus, il n’est fait nulle part mention de la nécessité de développer les modes d’accueil de la petite enfance.

Enfin, en matière d’éducation, Marine Le Pen veut "rétablir l’autorité et le respect du maître", ainsi que le port de l’uniforme à l’école (n° 104), tout en défendant le système des grandes écoles (n° 106). Elle prévoit aussi de supprimer le collège unique et de rétablir l’apprentissage à 14 ans (n° 81). Comme c’était le cas dans les années 1960...

Marine Le Pen prévoit certes de maintenir l’impôt sur la fortune (no 74), mais sa proposition de 2012 de créer une tranche supplémentaire d’impôt sur les plus hauts revenus a disparu. Elle entend au contraire détaxer les héritages les plus importants en permettant aux parents de transmettre 100 000 euros à chaque enfant tous les cinq ans (au lieu de quinze ans actuellement) et 50 000 euros aux petits-enfants tous les cinq ans (no 56). « Le programme de Marine Le Pen est fondamentalement inégalitaire, souligne Rémi Bazillier, entre Français et étrangers bien sûr, mais aussi entre Français. Et plus en 2017 qu’en 2012. »

Un programme non chiffré

Le cru 2017 des propositions de la candidate frontiste n’est pas du tout chiffré, alors qu’en 2012 quelques tentatives avaient été faites en ce sens. « C’est un choix délibéré de la part du Front national, explique Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques. Ce que le FN cherche, c’est à polariser l’opinion en imposant ses thèmes dans la campagne, sans se laisser engluer dans des débats techniques. » Si volonté de « dédiabolisation » il y a de la part du FN, elle ne se traduit donc pas par une recherche accrue de crédibilité sur le terrain économique et budgétaire 3.

La sortie de l’euro se traduirait par une perte de pouvoir d’achat que les plus faibles ressentiraient le plus fortement

Pour compenser ces dépenses supplémentaires et ces pertes de recettes, Marine Le Pen veut mettre fin à ce qu’elle nomme les « mauvaises dépenses », sans plus de précisions, qui seraient liées selon elle à l’immigration et à l’Union européenne (no 43). Elle entend également instituer une contribution sociale de 3 % sur les importations 4 pour financer la prime de pouvoir d’achat (no 59), ce qui ne serait cependant possible qu’après la sortie de la France de l’Union, et aurait pour conséquence immédiate de renchérir d’autant le coût des produits importés.

Elle prévoit surtout de faire fonctionner la planche à billets : une fois l’Hexagone en dehors de la zone euro, la Banque de France financerait directement le déficit budgétaire (no 43). Une « solution miracle » qui aurait comme conséquence de doper une inflation, devenue déjà nettement plus élevée qu’aujourd’hui du fait de la sortie de la France de l’euro . Ce qui ne manquerait pas de se traduire par une perte de pouvoir d’achat que les plus faibles ressentiraient le plus fortement.

La rose bleue de la campagne 2017 de Marine Le Pen est censée incarner le message selon lequel « l’impossible devient possible ». Mais ce qu’elle propose risque surtout de rendre impossible le vivre ensemble.

Notes

1. Le collectif vient de publier Petit manuel économique anti-FN, Le Cavalier Bleu Editions, février 2017, voir p. 86 de ce numéro.

2. Perspectives des migrations internationales 2016, OCDE, septembre 2016.

3. Contacté par la rédaction d’Alternatives Economiques, le Front national n’a pas donné suite à nos questions.

4. Dans les précédents programmes, cette contribution sociale sur les importations devait couvrir le coût de la baisse de cotisations sociales qui a disparu dans le programme de 2017.

Troisième article : Les Échos

Front national : un projet économique inconséquent

par Guillaume de Calignon

Source : Les Échos le 13/02 /2017

https://www.lesechos.fr/elections/m...

Deux vidéos sont en ligne au sein du texte initial accessibleS en cliquant sur l’URL précédent

L’économie n’était jusqu’ici pas la préoccupation majeure du Front national. Mais le sujet étant incontournable pour accéder au pouvoir, le parti y a travaillé, même s’il ne dispose toujours pas de beaucoup d’économistes expérimentés. Avec un objectif : gagner en crédibilité. La revue de détail des principales propositions du FN - qui reposent sur une vision plus dirigiste et moins ouverte de l’économie - montre que le but n’est pas atteint.

La sortie de l’euro

C’est le fondement de la politique économique du FN. L’euro, selon les dirigeants du parti, surévalué, nuirait aux exportations françaises et entraînerait la désindustrialisation du pays. Marine Le Pen entend donc « retrouver notre souveraineté monétaire » en négociant avec nos partenaires européens dès le lendemain de son élection. En cas d’échec, elle organisera un référendum sur l’appartenance de la France à l’Union européenne, et donc à l’euro. Si les interrogations sur la viabilité de la zone euro à terme et les inconvénients de la monnaie unique sont légitimes, encore faut-il étudier les conséquences d’une sortie. Pour Marine Le Pen, « quand on reviendra au nouveau franc, les Français ne s’en rendront pas compte [...]. Ils ne verront aucune différence. » Difficile à croire. La France étant un pays accusant un déficit commercial important, la valeur du nouveau franc chutera fortement.

Cela entraînera une perte de pouvoir d’achat pour les consommateurs, puisque les importations en provenance d’Allemagne, de Chine ou des Etats-Unis se trouveront renchéries par la dévaluation. Les faillites augmenteront en conséquence. Du côté de la dette publique, sur le plan légal, elle peut être remboursée en francs, ainsi que le clame le FN. Mais les investisseurs refuseront alors de prêter à la France, sauf à des taux d’intérêt prohibitifs. Et les agences de notation ont déjà prévenu qu’elles déclareraient la France en défaut de paiement.

Quant à la dette libellée en euros des entreprises privées, elle sera bien plus coûteuse puisque le chiffre d’affaires de ces entreprises, sera, lui, en francs dévalorisés. Enfin, la réindustrialisation du pays pourra peut-être intervenir dans un second temps. Mais celle-ci mettra des années à se concrétiser. D’ici là, le parti ne propose pas de solution adéquate : la mise en place d’une monnaie commune sur le modèle de l’ECU des années 1990, comme le veut le FN, n’empêchera pas la dévaluation du nouveau franc qui suivra la dissolution de l’euro.

VIDEO - Le programme économique inconséquent de Marine Le Pen

Une taxe de 10 % sur l’embauche de travailleurs étrangers

La préférence nationale fait partie des thèmes de prédilection du FN. C’est pourquoi elle sera inscrite dans la Constitution, et une taxe de 10 % du salaire brut mensuel sera instaurée pour tous les travailleurs étrangers, y compris les Européens. Le problème, c’est qu’au dernier pointage la France comptait 350.000 travailleurs frontaliers en 2012 et que l’on peut s’attendre à des mesures de rétorsion de la part de nos voisins. Sans compter que des emplois occupés par des étrangers peuvent demander des compétences que les Français n’ont pas. Cela va sans dire, la directive européenne sur les travailleurs détachés sera abolie.

Une taxe de 3 % sur les importations

C’est la version made in France des taxes de Trump. Pour financer une prime de pouvoir d’achat qui profitera aux petits revenus, Marine Le Pen veut taxer toutes les importations de 3 %, ce qui rapportera, en théorie, 15 milliards d’euros. Là encore, si une réflexion sur les effets de la mondialisation sur certaines catégories de la population est nécessaire, rien ne dit que cette taxe résoudra les problèmes.

Taxer indifféremment les importations du Bangladesh, du Canada et de l’Italie semble une nouvelle fois inadapté. Car certaines importations peuvent être substituées par des productions françaises et d’autres pas. Et les compétences de la population active française sont en moyenne bien supérieures à celles de beaucoup de pays émergents...

Guillaume de Calignon

Troisième article : La Tribune

Financement du déficit : mais où va Marine Le Pen ? Par Mathias Thépot | 08/02/2017, 8:34 | 1407 mots

Source : La Tribune du 08/02/2017

http://www.latribune.fr/economie/pr...

Marine Le Pen prétend qu’elle donnera une souveraineté monétaire à la France... mais la réalité est plus complexe.

La présidente du Front National propose de « remettre de l’ordre » dans les finances publiques. Mais, en parallèle, elle mise sur des baisses d’impôts et des hausses de dépenses... qui seraient en partie financées par la Banque centrale qu’elle veut, de nouveau, indépendante.

Il fut un temps où le Front National était résolument libéral économiquement, où il dénonçait la gabegie de l’Etat, et où il reprenait volontiers certaines idées du président américain Ronald Reagan, avec qui le parti fondé par Jean-Marie Le Pen partageait un anti-communiste prononcé. Mais, ces dernières années, la ligne a changé du côté de l’extrême droite française. Assumant ce virage, la présidente du FN, Marine Le Pen, mise désormais sur un « Etat-stratège » sur fond de « priorité nationale ». Un dernier thème qui reste, en revanche, profondément ancré dans la doctrine frontiste, comme tout au long des dernières décennies.

Un Etat (très) stratège

Le week-end dernier à Lyon, Marine Le Pen a justifié une fois de plus cette nouvelle ligne politique lors de la présentation de son programme présidentiel. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, si elle est élue, l’Etat, même "stratège", sera très actif. Marine Le Pen propose en effet moult hausses de dépenses et baisses d’impôts : outre sa politique de dépenses expansionniste dans la police, l’armée ou les prisons, elle propose notamment le « grand carénage » pour « sécuriser » la filiale nucléaire française, et des plans d’investissement dans les secteurs autoroutier (avec des nationalisations), de la recherche, du bâtiment et dans l’entretien et la rénovation du patrimoine national. Par ailleurs, elle promet d’agir directement sur le pouvoir d’achat des jeunes, des personnes âgées, des familles dans le cadre d’une « grande politique nataliste », des personnes handicapées et des agriculteurs. Elle veut avancer aussi l’âge de la retraite à 60 ans, comme sous Mitterrand, baisser de 10 % les trois premières tranches de l’impôt sur le revenu, augmenter le plafond du quotient familial, réinstaurer la défiscalisation des heures supplémentaires, assouplir la fiscalité sur les donations, baisser la taxe d’habitation pour les plus modestes, réduire l’impôt sur les sociétés et certains impôts sur les plus-values de cession, et abaisser les charges sociales des PME et les droits de mutation à titre onéreux...

L’Europe, la grande perdante

Bref, les trous dans le budget de l’Etat pourraient être nombreux si le Front national l’emportait. A Bercy et à la Cour des comptes, on tremble déjà... De là à ce que les détracteurs de Marine Le Pen la qualifie de « laxiste » en matière budgétaire, il n’y a qu’un pas... Mais à l’extrême droite, le laxisme ne fait pas partie du vocabulaire. Et malgré toutes ses annonces, Marine Le Pen assure qu’elle va « remettre de l’ordre dans nos finances publiques ». Comment va -t-elle faire ? En agissant sur ce qu’elle appelle « les mauvaises dépenses publiques (notamment celles liées à l’immigration et à l’Union européenne) » et sur « la lutte contre la fraude sociale et fiscale ». Ainsi, comme l’expliquent plusieurs économistes dans un ouvrage* consacré au programme du FN, « l’Europe est évidemment la grande perdante, mais des catégories de populations se verront écartées de la protection sociale pour des motifs discriminatoires. »

Se financer grâce à l’indépendance de la Banque de France

Dans son programme, le FN ne dit quasiment rien de plus sur ses futures coupes budgétaires. Il préfère d’ores et déjà anticiper de combler les trous budgétaires par l’autorisation « du financement direct du Trésor par la Banque de France. » En effet, Marine Le Pen assure que la France retrouvera sa souveraineté économique et monétaire si elle est élu, en sortant, seulement partiellement, de la zone euro. L’indépendance monétaire de la Banque de France autoriserait selon le FN un financement public de la dette française. La création monétaire est ainsi présentée comme la solution miracle permettant le financement de diverses politiques.

Mais il est intéressant de se pencher sur l’effectivité de cette souveraineté monétaire promise par le FN. Car comme nous l’avons déjà expliqué sur le site de La Tribune, une telle souveraineté dépend du nouveau système monétaire qui sera instauré. Sur Europe 1, Marine Le Pen a concrètement annoncé qu’elle instaurerait « une monnaie pour les Français », le franc, mais qu’il sera « aussi possible d’envisager pour les entreprises, ce qui a existé par le passé : l’ECU. » « C’est une monnaie commune qui touchera uniquement les Etats et les grandes entreprises. Cela n’a certes pas été une grande réussite, mais nous pouvons tout de même envisager, dans le cadre de cette négociation, une coopération monétaire avec les autres pays d’Europe », a-t-elle ajouté.

Grand flou autour de la sortie de l’euro

Problème -de taille -, l’ECU et la monnaie commune sont deux choses bien différentes. En effet, l’ECU, pour European Currency Unit (Unité monétaire européenne) a été créé en 1979, et intégré au « Système monétaire européen » dans lequel les fluctuations étaient déterminées par rapport à un panier monétaire (une valeur pondérée de l’ensemble des monnaies du système) appelé l’ECU. Ainsi, si ce que veut désormais le Front National est un ECU à la façon de 1979-1999, il ne s’agit pas réellement d’une « monnaie commune » coexistant avec des monnaies nationales, mais d’une unité de référence permettant de mesurer les relations entre les monnaies nationales. Les propositions de Marine Le Pen sont donc floues.

Mais sur le fond, on comprend dans les déclarations de Marine Le Pen une volonté de renouer avec un système de « monnaie commune », c’est-à-dire l’existence d’une monnaie partagée par les Etats membres pour leurs transactions hors de la zone euro, ainsi que, dans chaque Etat membre, une monnaie quotidienne qui serait nationale. Ce système permettrait d’ajuster la compétitivité de chaque Etat en ajustant la monnaie nationale par rapport à la monnaie commune. Mais, à la différence du SME, les transactions internationales seraient bien facturées par les entreprises françaises en euro, et non en franc comme au temps du SME. Ce que confirme Marine Le Pen quand elle fait référence sur Europe 1 à « l’Etat » et aux « grandes entreprises ». Or, si tel était le cas, l’argument de la souveraineté monétaire serait caduc. Car dans le cas de la « monnaie commune », la souveraineté économique est nécessairement limitée puisque l’euro, tel qu’il existe aujourd’hui demeure comme monnaie de la France, même s’il n’est pas la monnaie de transaction interne « pour les Français ».

Une fausse souveraineté monétaire

Cette monnaie commune suppose le maintien d’institutions « fédérales » pour la gérer, mais aussi pour décider des parités entre les monnaies nationales. Dès lors, l’indépendance de la banque centrale sera imposée. Nul ne peut imaginer que la France dicte seule sa « bonne parité » sans que ses partenaires-concurrents ne s’en plaignent et défendent leurs propres intérêts. En conséquence, des règles budgétaires strictes pourraient être jugées nécessaires pour éviter des décalages que paieraient les autres pays à terme. Et la souveraineté budgétaire de la France serait dès lors durement affectée.

Par ailleurs, dans le cas où Marine Le Pen souhaiterait en fait revenir au SME -avec l’ECU -, la souveraineté monétaire serait tout aussi compliquée à assumer : ce système oblige les Etats à disposer de réserves de change importantes pour pouvoir préserver les parités face aux marchés. Dans un SME, un pays peut en effet être sujet à des attaques sur sa monnaie. Et il peut parfois être contraint de céder, comme en 1983, où le « tournant de la rigueur » a été le fruit du choix du gouvernement de Pierre Mauroy de demeurer dans le SME après une dernière dévaluation du franc.

Reste alors une seule solution pour garantir une réelle souveraineté monétaire et budgétaire : la sortie pure et simple de l’euro. Mais le FN ne veut pas affronter cette éventualité durant la campagne, car les conséquences économiques seraient immenses pour la France. Le FN n’a pas voulu rentrer dans ce débat. Mais qu’il n’argue pas alors qu’il rendra sa souveraineté monétaire à la France pour garantir son indépendance économique. (*) Petit manuel économique anti-FN, préface de Thomas Piketty, par le collectif Ecolinks, aux éditions Le Cavalier Bleu, 10 euros.

Mathias Thépot

Quatrième document : l’analyse du programme économique du FN par les économistes atterrés

Front national : un programme économique et social incohérent et xénophobe

Par Anne Eydoux Sabina Issehnane . Mars 2017

Source : Les économistes atterrés http://www.atterres.org/article/fro...

Texte de 26 pages complet téléchargeable avec le lien suivant http://atterres.org/sites/default/f...

Résumé : Cette note propose une analyse détaillée du programme économique et social 2017 du Front national (FN). Elle montre que, dans le fouillis des propositions, se dessine un « patriotisme économique » fondé sur le logiciel néolibéral du FN et les mythes et valeurs de l’extrême droite. Si le programme cherche à séduire les classes populaires par quelques propositions sociales comme la retraite à 60 ans, il est avant tout au service du patronat et des riches, s’en prenant très clairement aux syndicats et aux étrangers. La « France prospère » qu’il promet s’appuie sur une vision magique du souverainisme et d’un protectionnisme « patriote ». Le modèle productif qu’il entend mettre en place repose sur la réindustrialisation, y compris militaire, et s’avère très éloigné de la transition écologique annoncée. Quant aux mesures d’emploi et aux mesures sociales, elles consistent pour l’essentiel à institutionnaliser la discrimination à l’encontre des étrangers, au nom de la « priorité nationale ». Enfin, le programme cherche à donner une image de modernité en se faisant défenseur des « droits des femmes »… Mais son féminisme est de pure façade. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Sommaire

Introduction .....................................................................................3

Derrière les incohérences, le « patriotisme économique » et le logiciel néolibéral du FN ... 3

Les mythes et les valeurs de l’extrême droite 4

Un programme au service du patronat et des riches, qui s’attaque aux syndicats et aux étrangers 6

La poursuite du programme néolibéral de soutien au patronat 6

Des avantages socio-fiscaux bénéficiant surtout aux riches 7

Un programme défavorable aux salariés, qui s’attaque violemment aux syndicats 8

Un programme xénophobe, entretenant l’amalgame 9

Le modèle productif : un mix de protectionnisme et d’intervention publique, aux antipodes de l’écologie 10

Un souverainisme magique10

Un protectionnisme « patriote » 11

Réindustrialisation, notamment dans le domaine militaire 12

La vraie fausse transition écologique du FN 12

La politique d’emploi : la discrimination institutionnalisée des étrangers 13

Derrière l’incohérence, encore des mesures libérales 13

« Priorité nationale », la ligne directrice discriminatoire de la politique de l’emploi FN 15

Suppression de la directive travailleurs détachés : un progrès en trompe l’oeil 18

Politiques sociales de discrimination massive 20

L’antériorité de résidence pour exclure les étrangers pauvres du bénéfice du minimum vieillesse 20

Santé, logement : priorité aux Français 22

Un programme féministe ? 23

Conclusion : un programme indigne, au service des intérêts des puissants 25

Voici la conclusion :

Un programme indigne, au service des intérêts des puissants

Le programme du FN voudrait avoir un parfum de gauche en vue du second tour des élections présidentielles. Mais, sur le plan économique et social, c’est un programme d’extrême droite, indigne, au service de l’intérêt des puissants.

Son contenu ne permet pas de considérer comme anecdotiques les tristes mesures prises par les élus des « mairies brunes » après les municipales de 201429.

Le programme du FN cherche à séduire les classes populaires par un saupoudrage de propositions sociales (retraite à 60 ans, maintien du taux de TVA, accès des bénéficiaires de logement sociaux à la propriété) ou qui portent atteinte aux intérêts des puissants (maintien de l’ISF, sanctions contre les entreprises multinationales qui pratiquent l’évasion fiscale).

Mais son « patriotisme économique » est fondé sur le logiciel néolibéral du FN. Il est au service du patronat français et des rentiers. En cherchant à affaiblir et émietter les syndicats, il s’en prend aux salariés qui ont plus que jamais besoin de syndicats puissants.

Son « patriotisme économique » est fondé sur les mythes et les valeurs de l’extrême droite. Il veut faire croire que la France est un pays d’immigration massive qui ne peut se permettre de continuer à accueillir des étrangers. Comme si les étrangers prenaient les emplois des Français ou étaient attirés par les prestations sociales… dont ils sont souvent exclus lorsqu’ils arrivent en France, poussés par les guerres ou la misère. Comme si les immigrés ne participaient pas pleinement à l’activité économique de la France, comme s’ils ne contribuaient pas au financement de la protection sociale davantage qu’ils n’en bénéficient.

La promesse d’une « France prospère » repose sur la vision enchantée d’un souverainisme et d’un protectionnisme « patriote » mal compris, dont les effets, supposés immédiatement bénéfiques signalent que l’organisation de la transition est un impensé du programme. Comme s’il suffisait de claquer des doigts pour sortir de l’Union européenne et en retirer aussitôt des bénéfices inouïs. Comme si sortir de l’euro et retrouver le franc allait permettre à la Banque de France de financer sans limite les politiques publiques annoncées. À moins que le FN n’imagine pouvoir retirer une manne économique en excluant les étrangers de l’emploi et des prestations sociales et en mettant un coup d’arrêt à l’immigration ?

Quoi qu’il en soit, le modèle productif de cette « France prospère » repose sur la réindustrialisation, en particulier dans le domaine militaire, et se situe aux antipodes de la transition écologique annoncée : il ne s’agit en aucun cas d’imposer aux entreprises de se reconvertir ou de changer leurs manières de produire.

Les mesures d’emploi et les mesures sociale du programme du FN consistent pour l’essentiel à institutionnaliser une « priorité nationale » discriminatoire à l’encontre des étrangers : taxe sur l’embauche des travailleurs étrangers, allongement de la condition d’antériorité de résidence à 20 ans pour accéder au minimum vieillesse, système de santé et accès au logement social réservés aux Français.

Si le FN veut supprimer la directive sur les travailleurs détachés, ce n’est pas pour améliorer leurs droits mais pour protéger les entreprises françaises. Et c’est un malentendu : loin de mettre fin au travail détaché et à ses abus, la suppression de cette directive ne ferait qu’exacerber le dumping social.

Quant à la prétendue défense des droits des femmes revendiquée par Marine Le Pen, elle ne doit tromper personne. Sous le vernis moderne et féministe se cache une attaque contre une religion, l’islam – jetant le soupçon sur ceux qui la pratiquent ou sont supposés la pratiquer. Le FN n’a jamais été et n’est pas devenu féministe. Loin de défendre l’autonomie des femmes, il est conservateur, exprimant tout haut ses réserves sur le droit à l’avortement ou son rêve d’un statut des femmes au foyer. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas.

Note.

Voir Visa (2015), Lumière sur mairies brunes, Vigilance et initiatives syndicales antifascistes, Syllepse.

Annexe

Comment le FN compte financer son programme

Source : Le Figaro. 04/02/2017 . Interview de Bernard Monot http://www.lefigaro.fr/elections/pr...


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