Jean-Luc Mélenchon, tribun à la rhétorique révolutionnaire

samedi 15 avril 2017.
 

Adrien Rivierre, spécialiste de la prise de parole en public, fondateur du site Les Beaux Parleurs et vice-président de la Fédération francophone de débat, a analysé les discours du candidat de la France insoumise. Pour lui, Jean-Luc Mélenchon, orateur d’exception, s’inspire des tribuns de la Révolution.

Jean-Luc Mélenchon est un véritable tribun, un habitué des prises de parole en public à travers lesquelles il est capable de soulever les foules. Il l’a encore démontré hier soir sur BFM et CNEWS lors du débat entre les 11 prétendants à l’Elysée. Selon un sondage Elabe réalisé pour BFMTV, il été jugé le candidat à la présidentielle le plus convaincant par les téléspectateurs qui ont regardé l’émission.

Pour lui, les discours comme les débats politiques sont des armes au service de ses idées comme cela était le cas pour les orateurs de la Révolution de 178

Imaginaire révolutionnaire

Jean-Luc Mélenchon est un amoureux de la parole. Ancien professeur de français et d’histoire, il doit ses conquêtes électorales à ses nombreux discours prononcés au milieu de ses sympathisants dans les usines, dans les campagnes comme sur la place de la Bastille à Paris.

Les références à l’histoire de la part du candidat de la France insoumise sont nombreuses notamment à la période révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle (même si il a affirmé que son modèle n’était plus tant Robespierre que Marc-Aurèle). Il utilise ainsi un vocabulaire et des expressions qui rappellent cette époque où le peuple avait pris le pouvoir et défendait vaillamment ces idées, époque qu’il souhaite retrouver.

Il fustige par exemple la Constitution de la Ve République et les prérogatives données au Président qu’il juge démesurées en la nommant « monarchie présidentielle ». S’il est élu à la tête de l’Etat, il appellera à la formation d’une assemblée « Constituante » ou quand la foule scande son nom lors de son meeting Place de Stalingrad en juin 2016, il répond « Ah, ne commencez pas ces mauvaises manières, on ne crie pas mon nom ! On crie résistance ! On crie insoumis ! ».

Par ces mots, il construit un imaginaire révolutionnaire fort à travers duquel il appelle au rassemblement et au soulèvement populaire. Ainsi, il emploie plus volontiers le pronom « nous », en s’incluant ainsi dans le peuple dont il défend les intérêts, que le « je » (même si les critiques ne manquent pas pour dénoncer le culte de la personnalité qu’il peut exister à son égard).

Une parfaite maîtrise du français

Jean-Luc Mélenchon est de très loin le candidat qui dispose de la plus grande maîtrise de la langue française, dans sa complexité comme dans sa diversité. Il est en effet le seul capable d’alterner les registres de langue en passant d’un registre soutenu - voire très soutenu - à un registre familier. Ces changements de registre traduisent son dilemme de séduire à la fois un électorat éduqué et une base militante issue plus volontiers des classes ouvrières.

Ainsi, pour le registre soutenu, citons ses utilisations du passé surcomposé à l’oral comme lors de son discours à Florange en janvier dernier « quand j’ai eu fini d’être ministre… » ou encore l’emploi de nombreuses propositions subordonnées relatives qui lui permet d’exprimer une pensée nuancée et riche.

Pour le registre familier, mentionnons les très nombreuses expressions familières et argotiques comme « Ce type [Donald Trump] est en train de nous chercher des pouilles » (discours de Florange) ou les interpellations directes comme « Hein les gens ? », « vous êtes d’accord les gens ? ». Il crée aussi beaucoup de nouveaux mots qui sonnent comme de l’argo : « médiacratie », « Merkozy » ou « ordolibéralisme ».

Cette maîtrise de la langue française lui permet de briller par ses mots et notamment de faire rire comme lors du premier débat télévisé entre les cinq favoris à la présidentielle où il a employé l’expression « pudeur de gazelles » pour désigner l’attitude des journalistes et de ses opposants quand ils évoquent les affaires judiciaires de François Fillon et Marine Le Pen.

Un orateur communicatif

Comme ses illustres prédécesseurs révolutionnaires, qu’ils soient français ou russes, Jean-Luc Mélenchon sait l’importance que l’image renvoyée par celui qui mène le combat est cruciale. Alors comme eux, il adopte une communication non verbale très expansive.

Ses gestes des bras sont amples, très souvent au-dessus du thorax, ils sont fréquents et ont pour but de galvaniser la foule. C’est pour lui le meilleur moyen de donner vie à ses propos, de transmettre son énergie et de relayer son appel au soulèvement du peuple. Notons aussi que ces mimiques faciales sont très prononcées, parfois à la limite de grimaces.

Son geste fétiche est celui de l’index pointé. Ce geste est habituellement déconseillé lors de prises de parole en public car il renvoie à la stigmatisation ou à la dénonciation. Mais c’est exactement pour cela que Jean-Luc Mélenchon l’utilise autant ; il lui permet de critiquer les « puissants », de les fustiger et de les nommer explicitement.

Cet emploi récurrent montre qu’il n’a pas peur de le faire et qu’il assume totalement ses dires. D’ailleurs souvent, ce geste s’accompagne chez lui d’une voix qui s’intensifie, devenant plus forte et martelant ses mots avec plus d’impact.


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