Au lendemain du premier tour des présidentielles… déjouer le piège Macron et Le Pen (par le groupe La Sociale)

dimanche 7 mai 2017.
 

Dès les résultats connus dimanche soir, plaçant en tête Macron devant Le Pen, une kyrielle d’inquiets pour leur poste se sont succédé sur toutes les chaînes de télévision pour venir prêter allégeance au vainqueur, sans vergogne, comme une prostituée venant jouer de ses charmes pour emballer le client.

Avec une indécence, une impudeur, un cynisme sans mesure, c’est Benoit Hamon, un des organisateurs incontournables de la soirée, responsable de l’élimination de Jean Luc Mélenchon, qui a ouvert le concert des ralliements en direct. Puis Fillon lui a emboîté le pas. Puis Raffarin, puis Le Foll, puis tous les habitués PS ou LR de ce type de soirées, venus déclarer leur engagement derrière le candidat du Cac 40, des banquiers et de l’union européenne.

Jusqu’à Pierre Laurent. Un peu plus tard, c’est Macron qui parlait. Un discours d’une telle vacuité qu’il rendait violente l’unanimité ordonnée sur les plateaux de télévision. Visiblement l’oligarchie politico-médiatique l’avait emporté. Le candidat désigné vainqueur par les médias et les instituts de sondage avant l’heure était bien à la place attendue, devant la « bête immonde » dont l’existence permettait ce cri unanime venu des bas-fonds des officines politiques : « je voterai Macron ». La cause serait donc entendue. Mais ce scénario déjà vu ne résiste pas à la réalité, beaucoup plus inquiétante en réalité pour tous les partisans du système qui malgré un résultat décevant craque de toutes parts.

La crise politique, quoi qu’il arrive, nous y sommes !

C’est la crise politique qui ressort de ce premier tour.

Les partis de gouvernement, les partis traditionnels de la cinquième république, PS et LR, regroupent ensemble à peine un quart des votants. L’unanimité de façade pour tenter de sauver le régime ne pourra résister aux tentatives de construction d’une majorité, quelle que soit l’issue du deuxième tour. La crise politique qui s’exprime dans le résultat du premier tour va se développer naturellement, s’amplifier.

Le programme de Macron- attaques contre la sécurité sociale, les retraites, ubérisation de la société, accélération de la destruction du code du travail, approfondissement de la loi El Khomri, …- derrière lequel se rangent donc les Hamon, Fillon et autres exige pour avoir des chances de s’imposer une majorité forte, déterminée, reconnue. Il y a là une contradiction majeure source d’affrontements et de résistance. Les derniers ralliements en date n’y peuvent rien. « Ils sont venus, ils sont tous là » comme le dit la chanson. Hollande (dont Macron est la créature) manquait à l’appel, c’est fait ! Parisot, l’ancienne responsable du Medef, à la suite de Gattaz, l’actuel, c’est fait ! Montebourg le « frondeur » était en reste, silencieux. C’est fait ! Morin, soutien de Fillon, qui propose Baroin au poste de premier ministre, c’est fait ! Beaucoup de monde en perspective pour un nombre de voitures de fonction limités.

Côté Marine Le Pen, ce n’est pas le trop plein qui menace, mais le manque. Le Front National pour obtenir une majorité devra décrocher une partie des partis de droite traditionnels, poussant à une explosion annoncée. Comme pour Macron et son programme de régression sociale, les conditions politiques pour appliquer le programme « de préférence nationale » du FN ne pourront être réunies.

La 5ème république antidémocratique

Sans additionner ce qui ne peut l’être, il est à noter que la somme des résultats des candidats qui se sont prononcés contre l’UE est majoritaire. Et pourtant, la 5ème république permettra qu’une politique de soumission à l’UE, minoritaire dans le pays, soit au poste de commande. Cela permet de comprendre le ouf de soulagement venu de Bruxelles ou Strasbourg, les eurodéputés ou fonctionnaires de l’Union Européenne soulagés, réagissant à l’unisson de la bourse qui dès lundi matin gagnait 4%. Ainsi entendait-on dans les couloirs des institutions européennes le cri du cœur : « Le favori est pro-business et de plus pro-européen ». L’effroi semble donc n’avoir été que momentané, mais en réalité, nul n’est dupe. Ce n’est sur le fond que partie remise.

La 5ème république totalement anti-démocratique apparaît pour ce qu’elle est en toute clarté. Et dans tous les domaines. Ainsi, c’est avec 23% des voix que le candidat du Cac 40 pourra, s’il est élu au deuxième tour grâce à un bric-à-brac électoral, appliquer sa politique minoritaire dans le pays, de saccage et bousille des acquis sociaux qui sont indispensables à la vie de millions de nos concitoyens. De même pour Marine Le Pen. Si elle sort gagnante de la confrontation, sa politique d’exclusion et de régression sera le produit de la volonté de 21% des votants, s’imposant aux 79% qui n’en n’ont pas voulu.

La véritable signification de ce premier tour, le sens du vote Mélenchon

L’analyse des votes permet de nuancer la signification réelle du résultat. Lorsque Marine Le Pen maintient ses scores dans ses bastions traditionnels, elle perd beaucoup de la confrontation avec Jean Luc Mélenchon. Macron, lui, réalise ses meilleurs résultats dans le grand ouest catholique, héritage du PS, et dans les bureaux de vote où la population « bobo » est majoritaire. Paris en est une bonne illustration. Le gagnant politiquement et sociologiquement est Jean Luc Mélenchon, dont les scores indiquent des potentialités au sein des classes sociales pour constituer un véritable obstacle à la politique que pourrait mettre en œuvre Macron, comme Le Pen.

Alors que le PS avec Hamon plafonne à 6,4% des voix, la France insoumise de Jean Luc Mélenchon réalise plus de 19%, score qu’il est bon de regarder dans le détail. Dans plusieurs départements, il arrive en tête. En Ariège avec plus de 26% des voix, en Dordogne, en Seine Saint-Denis où dans plusieurs communes il dépasse les 40%, mais aussi en Martinique, à la Réunion, et fait symbolique s’il en est, en Guyane où l’élection a été couplée à des mouvements sociaux, grève et blocages sur tout le territoire. Dans trois des quatre départements bretons – Le Finistère, l’Ille et Vilaine, les Côtes d’Armor- il arrive en deuxième position.

L’habitude était prise de voir le FN l’emporter dans les couches vives de la société. C’est terminé ! Dans la jeunesse, chez les 18-24 ans, le candidat de la France Insoumise réalise 30% des voix selon l’institut Ipsos lorsque Marine Le Pen est à 21% et Emmanuel Macron à 18%. Chez les chômeurs il totalise 36% lorsque la candidate du FN qui jusque-là dominait aussi dans cette catégorie fait 21% alors que Macron atteint 14% des voix. Et dans le monde ouvrier, alors que la candidate du Front National était promise à une majorité absolue, elle est ramenée à 37%, Mélenchon amorçant une reconquête prometteuse avec 24% des voix. Chez les Français qui travaillent à leur compte, le candidat de la France Insoumise fait jeu égal avec Macron en totalisant 24% des suffrages.

Et dans une série de grandes villes, contre toute attente sondagière, Jean Luc Mélenchon bat Marine Le Pen ou est carrément en tête. A Anger, il totalise 10 points de plus que la candidate du FN. A Bordeaux avec 21% il fait trois fois plus que Le Pen. A Dijon avec 21%, il dépasse la frontiste de 7 points. A Lyon il réalise 22,8% contre 8,8%. A Nantes, 25 contre 7. Dans plusieurs villes le candidat de la France Insoumise est carrément en tête. A Grenoble avec plus de 28%, au Havre avec plus de 29% comme à Lilles, à Marseille terre officiellement promise au FN où il l’emporte avec 24,8% contre 23,6%. A Saint-Etienne il l’emporte avec 24,9% et à Toulouse avec 29%. A Montpellier enfin où avec 31,4% des voix il devance Macron et Le Pen qui respectivement réalisent 24,6 et 13,3%.

En guise de conclusion : Ne mourir ni de la peste, ni du choléra. Vivre et donc poursuivre, construire, s’élargir pour l’avenir.

La machine médiatique n’a pas fait long feu pour s’emballer contre Jean Luc Mélenchon le soir même des résultats du premier tour. L’accusation portée par les commentateurs, journalistes ou responsables politiques avait le mérite de remettre chacun à sa place. « Mélenchon ferait le jeu de Le Pen en n’appelant pas à voter Macron ». Macron candidat adoubé par le système, Le Pen l’épouvantail permettant par sa seule existence l’union nationale sur un programme de régression sociale sans limite.

Le crime dont Mélenchon est accusé, en n’appelant pas à voter Macron et en remettant tout choix dans la décision démocratique des Insoumis, n’est évidemment pas électoral. Les arrières pensées sont transparentes. L’oligarchie ne supporte pas pour l’avenir, pour les dangers que cela fait peser sur elle et ses intérêts, que l’indépendance du courant qui émerge dans ces élections soit préservée. Car derrière se profile une fantastique possibilité, la structuration d’un mouvement dont les preuves ont été faites dans la campagne électorale pour poursuivre durablement dans la bataille politique qui s’annonce. Tel est le défi qui aujourd’hui est posé à tous ceux qui n’ont voulu ni Macron, ni Le Pen et qui devront en affronter les orientations rapidement. Evidemment les élections législatives peuvent et doivent être un moment important de cette bataille.

Mais c’est ensuite, hors du cadre électoral que les questions se poseront. Permettre à des centaines de milliers de débattre, décider, centraliser leurs débats et décisions, fonctionner démocratiquement, condition d’un succès annoncé. Jean Luc Mélenchon est confronté à un nouveau défi : prendre l’initiative d’un regroupement durable, aux contours à discuter, d’une discussion à égalité, avec tous ceux qui y sont prêts.


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