France Insoumise : Blanc – Macron– Abstention, un choix problématique

lundi 8 mai 2017.
 

La force de la lumière d’un peuple conscient.

Jean-Luc Mélenchon refuse de donner une consigne de vote car il veut conserver l’unité et la dynamique de France Insoumise, seule garantie pour les années à venir. S’il disait publiquement quel sera son vote, de nombreux adhérents ayant fait campagne pour la présidentielle et ne partageant pas ce point de vue pour le deuxième tour se sentiraient trahis. Je suis d’accord.

Mettons-nous à présent dans la peau d’un Insoumis au moment de cliquer dans le cadre de la consultation de France Insoumise. Convenons cependant que chaque option présente des avantages et des inconvénients.

Examinons les différentes possibilités.

1 – Blanc ou abstention ?

L’abstention peut avoir des causes extrêmement diverses et n’a pas forcément de signification politique claire.

En revanche le vote blanc a une signification très claire : c’est le refus de choisir entre deux options ou deux candidats.

Le vote blanc est aussi le témoignage d’un attachement aux droits de vote qui est une conquête historique.

En outre, le programme de la France insoumise prévoit le vote obligatoire et le vote blanc serait comptabilisé dans les suffrages exprimés, ce qui n’est pas le cas dans le cadre des institutions actuelles.

Le choix entre vote blanc et abstention semble donc être d’un point de vue rationnel celui du vote blanc.

Mais cette manière de voir risque d’être battue en brèche lorsque l’on énumère les arguments en faveur du vote blanc ou du vote Macron. Et si le vote lui-même n’avait finalement aucun sens ?

Et si le fait même de voter nous enfermait dans un piège. ?

2 – Blanc ou Macron ?

Là le choix est nettement plus complexe. Deux remarques préalables. Il faut d’abord distinguer les participants à la France insoumise au nombre de 485 000 environ qui ont porté la candidature de Jean-Luc Mélenchon et le programme l’Avenir en commun et les électeurs de Mélenchon au nombre de 7 060 885 (19,58 % des exprimés).

Les participants à la France insoumise et probablement la très grande majorité des électeurs de Mélenchon considèrent que d’une part, Emmanuel Macron est un total représentant de l’oligarchie financière et que sa politique sera catastrophique pour les travailleurs et plus généralement pour l’économie et d’autre part que Marine Le Pen constitue un danger pour la démocratie et aussi pour l’économie de la France.

Mais les uns pensent "qu’il faut faire barrage"à tout prix à MLP alors que les autres préfèrent ne pas choisir entre "la peste et le choléra" en votant blanc (ou en s’abstenant).

Ces deux positions ont leur légitimité et ce serait une erreur politique grave de les opposer irréductiblement : le mouvement France insoumise a tout intérêt à garder son unité autour de son programme pour continuer d’aller de l’avant et accroître son influence. La contradiction fait partie du réel et fait aussi partie du débat démocratique.

Essayons maintenant de sérier les arguments défendant chaque point de vue.

2.1 Pour le vote blanc.

La politique économique de Macron a été sous le gouvernement Hollande calamiteuse : CICE énorme gaspillage financier, loi travail antisociale, etc. et un programme qui s’annonce dans cette continuité destructrice avec un gouvernement par procédant par ordonnances et utilisant la violence policière pour réprimer toute manifestation. Valels sera pour cela de bon conseil. Sa politique économique est aux antipodes du programme "L’avenir en commun" de la France insoumise.

Sa vision politique est sans envergure : aucune philosophie politique globale intégrant notamment la dimension écologique et une dimension géostratégique planétaire. Il se satisfait pleinement de l’OTAN et de l’assujettissement de la politique étrangère de la France aux États-Unis avec tous les dangers de guerre que cela comporte. Voter Macron, c’est prendre le risque du déclenchement d’une guerre en Europe contre la Russie.

Macron : il est lui-même une construction politique artificielle. Parcours préfabriqué par un réseau de relations dans les milieux d’affaires sous la propulsion.de Jacques Attali, Minc, Jouyet : Il n’a jamais été soumis au verdict du suffrage universel et n’a jamais participé à une quelconque vie locale ou parlementaire. Il est un pur produit du système sans aucune légitimité élective.

Son score électoral résulte d’un véritable coup d’état médiatique : les temps de parole dans les médias n’étant en relation avec aucun score électoral antérieur, mais bâtis sur des campagnes de pub aboutissant à des sondages favorables et abondamment publiés pour faire impression.

Comment peut-on voter consciemment pour un pur produit marketing résultant d’une manipulation médiatique ?

Voter Macron, c’est se voir reprocher ultérieurement par une partie du corps électoral d’avoir permis l’arrivée au pouvoir d’un véritable destructeur du modèle social français. Ce reproche fut d’ailleurs fait à Mélenchon pour avoir permis l’arrivée de Hollande au pouvoir par les classes populaires notamment. Et effectivement, la politique économique de François Hollande fut au moins aussi destructrice que celle de Sarkozy Doit– on recommencer éternellement les mêmes erreurs qui renforcent la progression du FN ?

Une autre raison de ne pas voter Macron est le danger de renforcer la légitimité de son élection dont le score s’explique déjà en partie par le "vote utile" contre le FN. Cela lui permettrait d’utiliser le 49. 3 et d’autres articles de la constitution de nature autoritaire avec plus de légitimité et il ne se privera alors pas de le rappeler.

Il faudrait voter sous la pression de la peur, un pistolet sur la tempe dans la crainte que le FN arrive au pouvoir : l’épouvantail déjà maintes fois utilisé. Un insoumis se soumettre à un tel chantage ? Quel piètre outil de lutte que ce vote barrage récurrent quand on ne s’attaque jamais aux causes sociales (l’état de déshérence d’un pays livré à la loi des profits donc de la jungle) qui nourrissent dégoût et désespoir et alimentent l’électorat frontiste.

Mais à ce propos, si le FN était un parti si anti républicain, si raciste qu’il est dit, pourquoi n’a-t-il pas été interdit ?

Lionel Jospin conspirait et considère que le FN n’est pas un parti fasciste. https://www.dailymotion.com/video/x...

De la même manière, Jacques Julliard considère que le FN n’est pas un parti fasciste : http://www.fdesouche.com/583337-jac...

De même, pour Cambadélis http://www.rtl.fr/actu/politique/ca...

Évidemment, tout le monde à gauche n’est pas d’accord avec ce point de vue ce qui montre que la question reste en débat.

Et puis, redisons-le, voter Macron c’est voter pour une politique qui est la cause même de la montée du FN. Voter Macron, c’est voter pour le FN pour la prochaine législature et pour l’éclatement de l’Europe avec un risque de guerre contre la Russie en prime.

Les gens qui ont voté Benoît Hamon, alors que les sondages le plaçaient loin derrière Mélenchon se sont-ils souciés de savoir si un tel "vote de conviction" n’allait pas éliminer Mélenchon du deuxième tour et permettre la qualification de Marine Le Pen d’arriver au second tour ? Non.

Observons qu’en ajoutant ne serait-ce que la moitié des voix obtenues par Benoît Hamon, à celles obtenues par Mélenchon, celui-ci aurait dû arriver au deuxième tour contre Macron, Marine Le Pen étant ainsi éliminée du deuxième tour. Et on voudrait maintenant que les électeurs de Mélenchon sacrifient leurs convictions en votant Macron pour faire barrage à Le Pen ? Les électeurs de Benoît Hamon doivent assumer les conséquences de leur vote et ce n’est pas aux autres de réparer leur erreur. En réalité, sur ce point, les médias portent une grande responsabilité en ayant promotionné Benoît Hamon au détriment de Mélenchon. Les temps de parole relevée par le CSA montrent que souvent le temps de parole de BH est le double de celui de JLM.

Les médias ont tout fait pour neutraliser par de multiples moyens le vote en faveur de Mélenchon et au contraire tout fait pour « promotionner » le cheval blanc du PS Benoît Hamon et le cheval noir du PS externalisé Emmanuel Macron. Bon, il est vrai que l’on peut échanger les couleurs, suivant l’éclairage !

Cette vaste manipulation, qui n’a rien à voir avec une quelconque "théorie du complot", a pour but de faire élire Macron mais peut aboutir, par l’élimination de Mélenchon, à l’élection de Marine Le Pen, comme cela a eu lieu aux États-Unis.

Pourquoi les électeurs de Mélenchon devrait-ils alors éponger ce risque en votant Macron devenant ainsi agents actifs de la manipulation dont est victime Mélenchon ? Ce serait un acte de soumission à cette vaste escroquerie. Là encore, les médias devront assumer les conséquences de leur aveuglement anti-Mélenchon pouvant ainsi conduire à l’élection de MLP.

On constate ainsi un lourd bilan argumentaire en faveur du vote blanc.

Passons maintenant à l’autre possibilité.

2.2 Le vote Macron.

Tous les arguments reposent sur l’idée qu’il faut éliminer toute possibilité pour le FN de prendre le pouvoir

D’abord en raison de la menace qu’il ferait régner sur les libertés publiques et notamment la liberté d’expression sur le plan culturel, syndical et politique. Possibilité d’action d’intimidation et d’expéditions punitives de groupes d’extrêmes droite à l’encontre de personnalités et d’organisation en désaccord avec la politique. Violences physiques contre des journalistes, des syndicalistes, etc.

Utilisation des articles de la constitution pouvant conduire à un régime autoritaire. Rappelons que l’article 16 permet au président de la république de s’octroyer les pleins pouvoirs si notamment les institutions ne peuvent fonctionner normalement.

Mise en œuvre d’une politique ségrégative génératrice d’inégalités et de violences réactives. Une politique discriminatoire à l’égard des travailleurs étrangers est en contradiction avec l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme de 1789.

Il faut se rappeler des mesures suivantes du programme du FN :

- Mesure 38 Mettre en place une taxe additionnelle sur l’embauche de salariés étrangers afin d’assurer effectivement la priorité nationale à l’emploi des Français.

- Mesure 27 Supprimer le droit du sol : l’acquisition de la nationalité française sera possible uniquement par la filiation ou la naturalisation dont les conditions seront par ailleurs plus exigeantes. Supprimer la double nationalité extra-européenne.

- Mesure 142 Réserver prioritairement aux Français l’attribution du logement social, sans effet rétroactif, et le mobiliser vers les publics qui en ont le plus besoin. Appliquer réellement l’obligation de jouissance paisible sous peine de déchéance du bail.

- Mesure 92 Ériger la citoyenneté française en privilège pour tous les Français par l’inscription dans la Constitution de la priorité nationale.

Lorsqu’un parti d’extrême droite prend le pouvoir on peut s’interroger sur sa volonté de le quitter en respectant les règles républicaines habituelles.

Ces craintes reposent sur le comportement de l’extrême droite au cours de l’Histoire mais aussi sur des faits plus récents.

D’abord récemment, on apprend que Jean-François Jalkh, pressenti pour devenir président par intérim du FN suscite des interrogations. "Front national : Jean-François Jalkh rattrapé par ses déclarations négationnistes L’homme, qui était pressenti pour prendre la présidence par intérim du FN, avait remis en question, en 2000, l’utilisation du gaz Zyklon B dans les camps d’extermination nazis." Source : Le Monde 27/04/2017) http://www.lemonde.fr/politique/art... C’est finalement Steeve Brioisqui remplace Jalkh à la présidence du FN

Ensuite on peut se référer à une liste de condamnations pour actes violant la loi de 1995 à 2010. https://blogs.mediapart.fr/pessoa13... Remarquons tout de même que la liste s’arrête en 2010.

Des vidéos montre la violence de certains militants FN. http://actu.orange.fr/societe/video...

https://www.youtube.com/watch?v=Y_z...

On peut s’interroger aussi sur la probité de l’entourage de MLP. Voir article du magazine Le Point "L’entourage sulfureux de Marine Le Pen, dans la lumière malgré lui" Le 17/03/2017 http://www.lepoint.fr/societe/l-ent...

Mediapart a constitue un dossier sur le FN : https://www.mediapart.fr/journal/fr...

Mais au-delà de tel ou tel comportement d’individus ou de groupes, il faut aussi s’interroger sur la nature profonde du FN. On peut alors lire à propos l’étude suivante : "Le danger fasciste en France : de quoi le FN est-il le nom ?" Ugo Palheta 14 décembre 2015 Source : Contretemps https://www.contretemps.eu/le-dange...

La politique économico –sociale du FN semble être plus plus favorable aux salariés que celle de Macron mais son financement par le partage des richesses produites par les Français n’apparaît pas.

L’argument global pour le vote Macron est alors le suivant : il faut à tout prix écarter tout risque de l’élection de LMP pour éviter une telle politique qui pourrait porte en germe une guerre civile et par voie de conséquence la possibilité d’une mise en place d’un État policier. Mieux vaut donc voter Macron qui ne remet pas en cause le principe de l’égalité des droits et le droit du sol. Il permettrait une opposition à sa politique dans une tradition libérale qui serait plus facile que sous la présidence Le Pen. En outre, cette opposition desera d’autant plus aisée qu’il ne devrait pas avoir une large majorité dans les assemblées Mieux vaut donc voter Macron pour mieux le combattre après.

Remarquons que l’option pour l’une de ces deux possibilités repose sur la perception, l’idée que l’on se fait du Front National. Si on le considère comme un parti capable des violences dans une tradition fasciste, alors le choix se fait plutôt sur Macron. En outre si l’on a dans son entourage des salariés ayant pas la nationalité française le choix Macron est le plus approprié.

Si, au contraire on considère le FN comme un parti simplement autoritaire et nationaliste, dont la violence ne tient qu’à quelques militants marginaux et que l’on considère la politique sur concernant les travailleurs étrangers ne serait pas catastrophique , l’option se porte plutôt sur le vote blanc, le FN n’étant pas considéré comme un danger majeur ni sur le plan des libertés, ni sur le plan économique.

3 – Le retour de l’abstention comme option possible.

En raison : – de la construction oligarchico médiatique artificielle de l’objet politique Macron

– de la guerre idéologique menée sans relâche contre France insoumise et Mélenchon par les médias, l’électorat de Mélenchon étant pris en otage, sommés de voter Macron

– de l’équilibre relatif entre les deux argumentaires

–du caractère aléatoire de certaines affirmations

la notion même de vote dans un tel contexte perd de son sens y compris le vote blanc. Alors que reste-t-il ? Ne pas participer au vote. L’abstention devient alors un rejet non seulement de chaque candidat mais d’un système de conditionnement des esprits empêchant de voter avec sa liberté de conscience et qui fait perdre à la notion même de vote son sens.

Reste évidemment un choix possible : écrire sur un bulletin blanc la lettre φ ou Mélenchon qui sera compté comme bulletins nul.

Voici donc présentées les arguments relatifs à chacune des options. Nous avons ici essayé d’énumérer les différents arguments en faveur des différentes options sans prendre partie considérant que chacun, à la lumière de ces éléments, pourra prendre la décision qui lui semble la meilleure. Pour l’instant, même si Macron a bénéficié du "vote utile", de l’apport de nombreuses voix socialistes et du centre, rien n’est joué et les sondages doivent être considérés avec prudence.

4 – Conclusion.

On comprendra ainsi que que les participants de France insoumise puissent avoir légitimement des points de vue différents dans ce contexte calamiteux et comprendre aussi la réserve de Jean-Luc Mélenchon.

France insoumise est un mouvement où chacun garde sa liberté d’appréciation et de jugement sans se référer à quelconque "consigne de vote". Les personnalités politiques et les journalistes vont peut-être commencer à comprendre que Mélenchon n’est pas un gourou, un super chef mais simplement un porte-parole d’un mouvement auquel il contribue à son organisation, à sa cohérence et à son unité.

L’insoumis(e) ne fait, en l’occurrence, qu’une chose : " faire briller la lumière qui est en lui", "être sa propre lumière" (philosophe indien Krishnamurti ) c’est-à-dire faire fonctionner ses propres facultés sans se référer à quelconque maître à penser ou à agir.

Annexe  :

Cette lumière en nous de Krishnamurti. https://www.youtube.com/watch?v=rWZ... (livre audio)

Hervé Debonrivage


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