Traitement des eaux usées : richesse inexploitée des pays pauvres

dimanche 4 juin 2017.
 

Traiter les eaux usées est un enjeu sanitaire. C’est aussi une richesse, dont les populations peuvent s’emparer, avance l’ONU dans un rapport mondial publié pour la journée mondiale de l’eau.

A) Ressource. Eaux sales, l’or inexploité des pays pauvres

Souvent, en matière d’eau, les regards se focalisent sur la source. L’ONU concentre à présent le sien sur les rejets. Pour la Journée mondiale dédiée à la ressource, l’ONU-eau et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a présenté à Durban, en Afrique du Sud, le premier rapport mondial entièrement consacré à la valorisation des eaux usées. Celles-ci ne sont pas qu’un déchet  : elles sont aussi une richesse, qu’il devient urgent de mieux utiliser, insistent les deux structures onusiennes.

Or, la majeure partie des eaux usées mondiales est rejetée dans la nature, parfois sans même avoir été traitée en amont. C’est le cas de 30 % des eaux usées dans les pays à hauts revenus et, plus éloquent encore, de 92 % des celles des pays à faibles revenus. Désastreux en matière de pollution – 245 000 km2 d’écosystèmes marins souffriraient d’un trop-plein de nutriments (azote, phosphores, potassium) drainés par les eaux agricoles ou industrielles. Et catastrophique d’un point de vue sanitaire. En 2012, on chiffrait à 842 000 le nombre de décès induits par une eau contaminée et des infrastructures sanitaires inadaptées. Des bailleurs de fonds réticents face aux coûts

Le non-recyclage de l’eau, enfin, a pour effet de réduire mécaniquement la disponibilité en eau douce, alors même que les pressions sur la ressource s’accentuent sous le double effet de la croissance démographique et des bouleversements climatiques.

Qu’est-ce qui freine, alors, le fait que l’on traite et réutilise davantage l’eau usée  ? Pas la technologie, pointe Richard Connor, rédacteur en chef de ce rapport inédit de près de 200 pages. «  Les techniques existent  », insiste-t-il. Mais les bailleurs de fonds se montrent souvent résistants face aux coûts qu’induisent les grandes structures de traitement des eaux. «  Nous voulons convaincre les politiques que des alternatives existent  », à coût moindre et à bénéfices immédiats, conclut-il. Se réapproprier la ressource, un enjeu pour les populations

Les systèmes centralisés ne sont plus seuls à avoir le vent en poupe. Filtrations végétales ou autres mini-stations d’épuration  : les systèmes décentralisés à usages individuel ou communautaire sont aujourd’hui «  une tendance montante dans le monde  », relève le rapport. «  Selon les estimations, les investissements de ces installations ne coûtent que 20 % à 50 % de ceux des usines conventionnelles.  » Leurs coûts d’exploitation et de maintenance sont eux aussi inférieurs (de l’ordre de 5 % à 25 % moindre). Avec pour autre intérêt qu’ils permettent une réutilisation variée des eaux ainsi traitées, ici pour l’irrigation des espaces verts ou agricoles, là pour l’industrie, ailleurs pour être valorisées directement en énergie. «  En Chine, nous développons des systèmes d’inversion thermique qui permettent de générer du froid plus économiquement qu’une climatisation classique  », témoigne Thierry Jacquet, président de Phytorestore, bureau d’étude français qui développe ce type de dispositifs alternatifs en France, mais surtout au Brésil, en Chine ou en Afrique du Nord. «  Nous travaillons également à des systèmes de méthanisation à partir des déchets organiques contenus dans les eaux sales.  »

Globalement, les coûts des traitements sont dix à vingt fois moins importants que ceux d’une usine de traitement conventionnelle, estime-t-il. Surtout, les économies générées, en eau ou électricité, permettent de rentabiliser les systèmes en quatre ou cinq années, «  et offrent une autonomie d’utilisation que les centrales ne permettent pas  ». Car l’enjeu est aussi dans la capacité des populations à se réapproprier une ressource dont la gestion est aujourd’hui entre les mains de grands groupes transnationaux, tels Suez ou Veolia Environnement. En 2016, ce dernier a «  servi 100 millions d’habitants en eau potable et 61 millions en assainissement  », indiquent ses services dans un communiqué, pour un chiffre d’affaires de 24,39 milliards d’euros.

Marie-Noëlle Bertrand, L’Humanité


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