Carnet de campagne

samedi 3 juin 2017.
 

Je mouille la chemise : en une semaine j’ai couru trois circonscriptions de Lille, quatre à Paris, une en Seine-Saint-Denis à Montreuil où a eu lieu le plus important meeting de toute cette campagne. Et bien sûr, j’ai animé trois interventions dans Marseille.

Cela fait onze prises de parole, cinq heures et demi de discours et quelques grosses centaines de kilomètres de trajet en train et automobile.

Presque partout un constat : nous sommes presque seuls à faire campagne. Et ça se voit. Les horoscopes sont meilleurs qu’il y paraît en dépit d’un certain acharnement médiatique soit à nous invisibiliser comme à Montreuil, soit à me diaboliser. On nous place à 15%, et Macron à 30%. Une finesse que les mathématiques ne peuvent connaître dans la mesure où les candidatures des amis de Macron sont présents dans moins de circonscriptions que les nôtres. Un doute que conforte le sondage réalisé pour L’Obs qui titre : « Près d’un Français sur deux souhaite une majorité absolue pour Macron » alors qu’il s’agit de 43% des sondés, c’est-à-dire « moins d’un français sur deux » pour parler clair. Une élection ouverte que gagneront les plus déterminés à voter !

Depuis que j’ai été éloigné de ce clavier, il y a eu les diverses cérémonies du sacre du nouveau monarque présidentiel et les tonnes de commentaires serviles et béats qui les ont accompagnés. Il y a eu la formation du gouvernement. Et de nouvelles tonnes de béatitudes de commande. Il y a eu aussi la reprise de ces exercices de dénigrement de ma personne qui déshonore souvent davantage ses auteurs que moi. En plus de quoi, avec ma candidature à Marseille, tous les plumitifs haineux peuvent reprendre contre moi les arpèges du slogan contre mon « parachutage », version soft et mondaine du slogan lepeniste « on est chez nous ! ». Bof !

Mais pour moi, l’évènement de cette semaine là, ce fut ce déplacement en Creuse, à La Souterraine aux côtés des salariés de GM&S en lutte pour sauver leur emploi. Je m’y suis ressourcé. Aucun doute, aucune hésitation, aucune lassitude ni fatigue ne résiste au contact avec ce qui est le sens profond de mon engagement philosophique et politique. Ma famille pour toujours, ce sont ces braves gens hautement qualifiés menant leur vie en la gagnant et en donnant ensuite tant et tant autour d’eux. Les miens en lutte pour leur survie ne font pas que m’appeler à la rescousse ! Il me disent qui je suis en tant que personne impliquée dans la vie de mes semblables. Je le dis mal, mais je crois cependant utile de le dire. Nous sommes si nombreux dans ce cas ! La détresse des miens en lutte, exprimée avec tant de pudeur, les yeux rougis par le manque de sommeil, les traits tirés par l’angoisse, le souffle court à l’heure où ils portent sur leur dos les lendemains de toutes leurs familles, tout me fait devoir. Sur place, je me suis d’abord inquiété de ça ! Leur santé, leur fatigue. L’un me dit : « ça fait dix ans que ça dure », car c’est la troisième « liquidation judiciaire » en cours. Dix ans de crise et de lutte contre les menaces de fermeture. Que c’est long. Que c’est usant.

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Pour finir, le ministre a fait ce que j’avais demandé quasi en plaisantant : prendre son téléphone et appeler PSA et Renault chez qui l’État est actionnaire pour garantir un niveau de commandes. En fait j’avais repris à la volée un argument de la conversation avec Jean-Marc, le délégué syndical CGT, à qui j’avais demandé : « c’est compliqué d’obtenir la relance de l’activité ? » Et lui : « compliqué comme un coup de téléphone, etc. ». Le 23 mai, le tribunal de commerce a donné un nouveau délai jusqu’au 30 juin pour une solution. Dix ans et encore un mois et demi de lutte pour son gagne pain. À bas ce système !

Après cette présidentielle qui nous est passée au bout de doigts à 600 000 voix près, je dois passer à la suite séance tenante, en reportant à cet été le temps des bilans intimes sans lesquels personne ne peut vivre une vie maitrisée. Sans pause, après la terrible charge psychologique et physique de la campagne présidentielle, après la frustration du résultat, il faut lancer aussitôt l’offensive suivante : celle des élections législatives. Il le faut, parce qu’une fois de plus, une possibilité formidable existe de renverser le cours des évènements.

L’élection législative qui s’annonce ne ressemble guère à celles que nous avons connues dans le passé. Qui aura la majorité des sièges, où sera le centre de gravité de la prochaine Assemblée, quel programme s’appliquera ? Ce n’est pas joué. Les sondages restent incertains. Seuls les commentateurs ont des certitudes. Ainsi quand L’Obs titre : « Près d’un Français sur deux souhaite une majorité pour Macron », comme je l’écrivais plus haut. L’article qui suit est plus réservé. En effet, je l’ai dit, il apparait que cette presque moitié est juste faite de 43% des sondés… C’est un fait bien nouveau qu’il n’y ait pas de majorité pour vouloir donner une majorité au président nouvellement élu. Et le même papier montre que 19 % des sondés demandent un gouvernement de cohabitation dirigé par « La France Insoumise ». Cela prouverait que la ligne d’action du mouvement a été entendue par ceux qui ont voté pour nous à l’élection présidentielle. C’est déjà pas mal. Mais comme il n’y aurait que 15% pour vouloir la même chose avec le FN ou LR j’en déduis que pour ces analystes, les deux seules forces en dynamique sont « En Marche » et « La France Insoumise ». Alors, ce n’est pas rien, les sondés nous identifient comme les premiers opposants au gouvernement Macron.

Fatigue et déconvenue sont donc passées au second plan car elles seraient bien mauvaises conseillères. Nous nous sommes donc redéployés. Je dis « nous » en pensant aux centaines de personnes qui ont encadrés la glorieuse campagne présidentielle. Les uns sont restés en équipe centrale pour alimenter tout le reste du dispositif national, les autres sont sur le terrain des circonscriptions. Des centaines de personnes, filles et garçons, sont en train d’y gagner leurs galons à la dure. Et dans la quasi-totalité des cas (94% !), c’est la première bataille politique publique de leur vie. Moyenne d’âge : 41 ans ; 64% sans étiquette de parti. Où que j’aille les voir sur le terrain, ils m’impressionnent. Leur âge, souvent bouleversant pour quelqu’un de ma génération, ces petites trentaines de tous côtés, me font voir que la relève est assurée pour de nombreuses années. Je sais que j’ai rempli ma mission.

Droits comme des I, perfectionnistes au travail militant, disciplinés dans l’action, formés à haut niveau, parlant tous droit et clair, je les vois à des années lumières des intrigants entortillés qui continuent à tomber des branches mortes des vieux partis. La levée en masse produite par la plateforme « La France Insoumise » a également produit ses fleurons d’énergies, d’initiatives et de volontaires pour marcher devant. Car dans notre cas, il y a surtout beaucoup de coups à prendre. Et tous ont un boulot ou en cherchent un. S’exposer n’est simple que pour les importants ou les parvenus des partis de la caste ! C’est d’ailleurs notre fierté d’avoir non seulement 99,99% de candidats qui ont une vie et un métier du commun mais aussi parmi eux des précaires et des chômeurs en première ligne de notre combat.

Il y a de l’angoisse dans nos rangs. Beaucoup mesurent le caractère dramatique de l’enjeu. Si Macron reçoit une majorité absolue, il foncera. Il aura les pleins pouvoirs. Et ça va faire très mal. Code du travail, école, et ainsi de suite, tout va y passer. Le ton du Medef osant un « on a assez discuté » et du porte-parole de l’Elysée Castaner (PS) à l’adresse des syndicats, « on n’a pas le droit de bloquer » sur cette réforme du Code du travail, font froid dans le dos.

L’alerte sur ce sujet a été bien comprise dans les prises de paroles de rue que j’ai faites à Lille et à Paris. Certes, il y avait la surprise de voir tant de monde dans la rue à des heures qui n’étaient pas le plus commodes pour le tout venant. Mais c’est une fois de plus la qualité de l’écoute, la réactivité des présents qui m’ont marqués. On voit clairement que l’élan de la présidentielle n’est pas retombé. Au demeurant, les volontaires affluent pour participer à la campagne en appui à nos candidatures.

Le point d’orgue de cette semaine du 23 mai, ce fut évidemment le rassemblement sur la place de la mairie à Montreuil. Les organisateurs ont annoncé 1500 personnes mais je peux dire que j’en ai vu davantage depuis l’estrade d’où je parlais… L’appui à mon porte-parole de campagne, Alexis Corbière, est massif. Lui-même a eu beaucoup de talent pour prendre pied : la signification politique nationale de sa candidature a été bien comprise en dépit de la campagne indigne contre son « parachutage ». Un peu partout d’ailleurs, la greffe prend de même. Cela atteste de la maturité politique de nos soutiens. Le vieux discours localo-localiste des candidats « bien de chez nous » qui « connaissent les dossiers locaux » ne prend plus. Les gens savent que l’enjeu est national, qu’il concerne la politique du pays dans son sens le plus large.

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Cela était déjà vrai dans un passé récent. Je me souviens avoir gagné mille voix en trois semaines à Hénin-Beaumont alors même que jouaient les cornemuses du PS contre mon « parachutage » et que pleuvaient les louanges pour « l’élu PS de terrain qui connait ses dossiers ». Il gagna au deuxième tour . Mais le FN a pris ensuite tous les postes à élire. Et Madame Le Pen, de nouveau présente sur place pour la législative, ne perd pas une seconde à essayer d’imiter le maire FN de la localité. Les candidats maires-adjoints exaspèrent s’ils veulent jouer leur élection sur leur « connaissance des dossiers locaux et la proximité avec les gens ». Les gens savent que c’est bidon. Ils savent que l’élection législative n’est pas la municipale, que ce dont on a besoin c’est de voix qui portent, qui fassent honneur, qui portent la parole des autres. Cet élément de psychologie collective-là fait partie de la fin du vieux monde. Il en est ainsi parce que chacun sent de façon plus ou moins claire que de grandes émotions murissent au coeur du pays.


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