Fonds de pension : Le piège des retraites par capitalisation

mardi 20 novembre 2018.
 

Nouvelle tempête en vue ? D’après un rapport de la Hoover Institution (Stanford University), qui a passé en revue les fonds de pensions publics aux États-Unis, les régimes de retraite des fonctionnaires souffriraient d’un sous-financement de… près de 4000 milliards de dollars. Des villes aussi importantes que Chicago, Philadelphie, Dallas ou la Nouvelle-Orléans, des États aussi considérables que l’Illinois ou la Californie seraient incapables d’assurer les pensions dues à leurs employés.

Cette situation calamiteuse n’est pas tant le résultat d’effets démographiques « naturels » (comme l’allongement de la durée de vie moyenne) que le produit d’un système – la retraite par capitalisation – qui est par nature incertain puisque dépendant des placements effectués, et que la dérégulation financière a rendu particulièrement instable. En effet, les responsables de ces fonds de pension ont tablé sur une rentabilité trop élevée (7,5%, quand les taux d’intérêts moyens atteignent poussivement les 2,5%) et effectués des placements hasardeux. Les obligations, valeurs sûres, ne représentent plus qu’un quart des investissements, contre 50 % dans les années 1990, et près de 100% dans les années 1950.

En 2013, déjà, la mauvaise gestion des retraites avait largement contribué à la faillite retentissante de Détroit, 9 des 18 milliards de dettes de la ville étant liés à ses fonds de pension. À la suite de cette banqueroute, certains retraités de la ville avaient vu leur pension baisser de 20%. Ailleurs, comme à Cleveland, ce sont les ayant-droits eux-mêmes qui ont dû voter l’amputation de leurs retraites (- 20 à - 60%). Bien obligés : la loi américaine, qui auparavant obligeait les fonds de pensions à tenir leurs engagements, leur permet depuis 2014 de réduire leurs prestations en cas de difficultés financières.

Ces deux exemples laissent présager de la suite. Dans d’autres villes, d’autres États américains, les retraites de dizaines de milliers d’Américains sont menacées. Pour l’économiste Joshua Rauh, auteur du rapport, il s’agit là d’une véritable « bombe à retardement » : une « crise des retraites » se profile à l’horizon, qui pourrait être comparable, par son ampleur, à la crise des subprimes.

Au moment où le président Macron promeut un système de retraite à points (où la valeur du point sera recalculée chaque année), et prépare le terrain pour les complémentaires privées (par capitalisation), le cas américain a de quoi nous faire réfléchir…

Antoine Prat


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