Réunion de lancement du Parti de Gauche sur Rodez (article d’ambiance, 6 décembre 2008)

samedi 13 août 2022.
 

Mes amis, au vu de la réunion de lancement du Parti de gauche sur Rodez, la combativité, la réflexion politique et la volonté de dire « ça suffit » ressemblent beaucoup aux deux mois avant mai 68. Cela ne signifie absolument pas que l’histoire va repasser les plats ; j’écris cela pour dire qu’il va falloir être à la hauteur des évènements à venir. En ce vendredi 5 décembre 2008, je commence une nouvelle vie militante avec le lancement local du Parti de Gauche. La réunion doit commencer à 20h30. Dans la rue, le froid saisit tout passant. A l’intérieur, la chaleur humaine réchauffe vite.

A 19h30, j’entre dans la salle pour aider à l’installer, présenter quelques tracts et brochures, accueillir les arrivants. Quatre camarades sont déjà là, chaleureux, motivés, actifs. A 20h10, toutes les chaises disposées sont occupées.

A 20h30, les journalistes arrivent pour prendre quelques photos. L’un me fait remarquer qu’il n’a jamais vu autant de monde dans cette salle. En fait, celle-ci est assez petite ; aussi, les 76 personnes présentes y sont tassées ; certaines restent debout.

Guilhem Serieys (conseiller régional), Claude Catalan (maire et président d’une communauté de 14 communes), Jean-Louis Roussel (conseiller général de Rodez Nord) introduisent la réunion en 35 minutes à eux trois. C’est bien ; avec le type de public présent ce soir, il faut laisser de temps pour le débat dont la qualité est garantie.

Robert Mascarell prend la parole pour comparer le TCE de2005 et le Traité de Lisbonne. Comme à son habitude, il maîtrise son sujet à merveille, piochant de multiples références précises, semble-t-il, sur son ordinateur portable. Quelle sera notre surprise lorsque Guilhem signalera qu’en fait le portable n’est pas allumé parce qu’il n’a pu le brancher.

Qui est là ? Des responsables syndicaux, des jeunes, des figures locales du milieu laïque, des militants politiques venus d’horizons divers (Socialiste, communiste, écologiste, extrême gauche), des militants et compagnons de route de la Gauche socialiste puis PRS sur l’Aveyron. Globalement, d’abord, la gauche de toujours, la gauche indissoluble dans le libéralisme. Pour certains, c’est le combat syndical quotidien qui a conduit à une prise de conscience, pour d’autres c’est un héritage familial « Mon père et mon grand père étaient communistes, Résistants pendant la guerre. Ce que vous dites ce soir me fait chaud au cœur ». Dans cette salle, personne n’est là pour porter la contradiction, mais personne n’est là non plus pour dire oui à tout ; tout le monde est là pour donner son point de vue et essayer d’avancer ensemble. Je crois avoir participé à beaucoup de réunions. Il ne m’était jamais arrivé de constater un tel afflux de nouvelles adhésions (13) et coordonnées personnelles pour s’engager (50).

A l’heure de quitter la salle, Christelle s’écrit "Les feuilles d’adhésion ont été enlevées avant que je me sois inscrite". "Moi aussi, mais je rattraperai ça demain".

Trois débats ont marqué la soirée.

• Un est lancé par René Delclaux (profession du bâtiment), élu local : « je comprends le rôle des élections européennes dans le calendrier que tu as développé ; mais attention, pour les gens du peuple , les questions de la vie quotidienne comme le pouvoir d’achat sont aujourd’hui tellement importantes qu’ils ont besoin de nous voir se battre sur ça pour nous écouter sur l’Europe ».

• Une autre discussion va revenir sans cesse « Comment construire une organisation à la fois efficace et démocratique ? Pour commencer par l’Aveyron, puisqu’ici presque tous les présents veulent s’engager. Comment construire ensemble ce parti en lui apportant chacun ce dont nous sommes capables ».

• Un troisième par Sacha Gabinau, salarié de surface, vieux militant de toutes les causes : « Je suis très content que vous soyez sortis du PS. Enfin… Vraiment, je vous félicite et au fond de moi je fais confiance à ceux que je connais ici. Mais j’ai tellement été trompé que pour le moment, je reste attentiste ».

Réponse de Roland Réal : « Pourquoi tu dis que tu vas rester attentiste ? En fait, tu nous dis que tu ne vas rien faire. Au contraire, le moment est venu de se lancer. Il faut bouger ! Que l’expérience d’avoir été trompé serve à éviter de recommencer. S’il y a des indécis, je leur dis : Tentez l’expérience ; ce sera mieux que de ne rien faire ».

Jean Gautron, debout, secoue sa grande carcasse pour en rajouter une couche : « Ces dernières années, j’ai été plus musicien que militant, même si les deux peuvent être complémentaires. Aujourd’hui, je suis sûr qu’il faut construire ce Parti de Gauche. J’en suis ! »

Gilles Foudral, venu de Villefranche de Rouergue, intervient à son tour « J’ai été adhérent communiste… puis peu de temps socialiste… je mets beaucoup d’espoir dans le Parti de Gauche. Je suis venu ce soir pour m’engager. Dans l’état où sont la société comme la gauche, je ne peux pas imaginer d’être un déçu d’avance, d’être un négatif, même si je comprends le camarade ».

Pour terminer, que le lecteur m’excuse de présenter quelques personnes :

Alfred Terral (syndicaliste CGT Poste à l’ancienne qui avait caché le frère d’Henri Alleg à Paris pendant la guerre d’Algérie). Je me rappellerai toujours de sa remarque lorsque je l’ai contacté vers 1995 : « Tu en as mis du temps ; pourtant, je m’étais abonné à votre journal, je suis ancré dans le mouvement ouvrier, je suis laïque et clairement anticapitaliste. » Son épouse, Maïté, comme d’habitude, sait se rendre utile. Son ami d’Onet le Château, André Gasc, syndicaliste, longtemps élu local et poperéniste, va parfaitement argumenter le risque que représente toute alliance avec le « centre ».

Trois personnalités et élus Verts vont adhérer ou demander à travailler avec le Parti de Gauche. J’apprécie par exemple la présence de Jean Malié, personnalité politique très connue sur le département, un pilier du milieu laïque, animateur de l’UGS puis du PSU des années 50 à 1985 avant d’adhérer aux Verts tout en s’engageant surtout dans la Ligue des droits de l’Homme et le collectif Sans papiers. « Je suis personnellement très content de voir naître le Parti de Gauche. Je suis prêt à adhérer et à travailler avec vous… Cette nouvelle organisation peut stopper la dérive de la gauche vers le centre. Dérive de la gauche et pas seulement du PS ; j’ai adhéré aux Verts parce que j’étais Vert et Rouge, la seconde couleur a disparu. J’espère seulement qu’on ne va pas nous refaire le coup du PS après 1983… « 

Personnalité aussi connue sur le département : Jean Paul Salvan, avec lequel j’avais également milité avant et pendant 68, fondateur du Nouveau Parti Socialiste, tête de liste locale aux élections locales et législatives. Il fait également partie du milieu républicain laïque, version courant philosophique. Un homme sympa. Comme à son habitude, il vient nous parler concret : « je suis très content, moi aussi de la fondation du Parti de Gauche. Cette réunion me rajeunit. Vous savez, on y croyait au programme commun, c’était pas si mal que ça, même s’il faut aujourd’hui en tirer le bilan. Moi, si j’avais été élu, j’aurais peut-être trahi les espoirs profonds de mes électeurs comme d’autres ; ce n’est pas simple… En tout cas, aujourd’hui, Il y a besoin de tirer de nouveau la gauche vers la gauche. Je souhaite que ça marche ».

Maurice Boyer, président de la Libre Pensée, longtemps animateur de l’Ecole Emancipée, de référence plutôt libertaire, intervient lui pour féliciter les socialistes qui ont quitté leur parti pour tenter de modifier le cours de l’histoire au moment où il va y avoir besoin de toute la gauche pour ouvrir une alternative au libéralisme et au capitalisme. « Je réfléchis mais je suis disponible ; je prendrai contact avec vous. Je crois que ce nouveau parti peut réussir si ses militants de base restent vigilants pour éviter d’enfanter de nouveaux éléphants. J’insiste sur l’importance de faire revivre la laïcité ».

Il est 23 heures. Il est temps de conclure et d’attaquer le vin et la fougasse.

Après une telle réunion, des groupes partent ici et là, continuer les débats au bistrot. Un parti ne peut être crédible comme vecteur de l’émancipation humaine sans la chaleur de ses relations humaines internes ; pour le moment, c’est bien parti pour le Parti de Gauche en Aveyron.

Une dernière remarque cependant ou plutôt un petit regret. Vu le type de public présent ce soir, il était possible d’aller plus loin, de commencer à mettre en place un fonctionnement, un planning de discussions.

Jacques Serieys


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