Armée et fascisme : l’Allemagne en 2017

lundi 17 juillet 2017.
 

Dans les années 1920 et 1930, l’armée a joué un rôle décisif lors de toutes les accessions au pouvoir des fascistes, l’Italie et l’Allemagne constituant des modèles.

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Depuis, d’innombrables dictatures au service du capitalisme international ont été imposées par des coups d’état militaires.

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En 2017, l’arrestation d’un officier préparant un super-attentat révèle l’étendue du poison hitlérien et d’extrême droite dans la bundeswehr.

1) Allemagne. Un croisé nazi à la Bundeswehr

L’arrestation d’un officier qui préparait un super-attentat vire au scandale d’État quand l’enquête dévoile l’étendue de l’influence de l’extrême droite dans l’armée fédérale.

Il a vingt-huit ans. Il était Oberleutnant (premier lieutenant) de l’armée allemande. Il est au cœur d’un scandale qui n’en finit pas de rebondir outre-Rhin au point de prendre la dimension d’une véritable affaire d’État. Tout a ­commencé après l’arrestation de l’ancien gradé pour projet d’attentat terroriste, il y a une dizaine de jours. Depuis lors les informations diffusées sur Franco A., tel que le nomme l’enquête diligentée par le parquet fédéral, prennent une dimension proprement effrayante. Elles révèlent l’ampleur et le caractère machiavélique du projet criminel pour lequel l’officier a détourné des caisses de l’armée contenant quelque 1 000 munitions destinées à des pistolets et autres armes automatiques. Elles font aussi apparaître peu à peu l’étendue de la propagation d’une sous-culture d’extrême droite, glorifiant l’ex-Wehrmacht du régime nazi au sein de la Bundeswehr, l’armée fédérale. L’homme a réussi à se faire passer pour un migrant syrien

Franco A. s’était camouflé, sous une fausse identité, dans la peau d’un... réfugié. Et c’est depuis un centre de demandeurs d’asile où il s’était installé depuis plusieurs mois dans le sud du pays qu’il comptait passer à l’acte. Avec un souci évident : donner aux exactions qu’il s’apprêtait à commettre la signature d’une attaque terroriste venue de migrants liés à la mouvance djihadiste. Dans son viseur : des personnalités de premier plan. Sur une liste noire retrouvée sur l’un des deux autres soldats complices, arrêtés également entre-temps, figurent Joachim Gauck, l’ex-président de la ­République fédérale, Heiko Maas, le ministre de la Justice SPD en exercice dans le cabinet d’Angela ­Merkel, Anne Helm, une députée Die Linke de la cité-État de Berlin, et Claudia Roth, une ex-dirigeante des Verts.

Le terroriste présumé appartenait à la fameuse brigade franco-allemande. Il était basé au sein du Jägerbataillon 291 (bataillon de chasseurs 291) à la caserne Leclerc de la ville alsacienne d’Illkirch. Lors d’une perquisition dans sa chambre, des armes ­fétiches de l’ex-Wehrmacht, avec des croix gammées gravées bien en évidence, ont été découvertes. La polémique enfle autour de la complaisance dont il a bénéficié au sein de la hiérarchie militaire. L’homme possédait en effet des antécédents qui n’auraient dû laisser aucun doute sur sa nostalgie pour l’armée du Reich et sur sa volonté de s’engager en «  croisé  » de l’Occident.

Les premiers signes indiscutables de la radicalisation de Franco A. étaient apparus il y a quatre ans, au cours d’un passage en formation au sein de la célèbre académie militaire de Saint-Cyr, en France. L’ex-étudiant avait alors rédigé un mémoire de maîtrise de 140 pages qui ne laissaient aucun doute sur sa «  vision du monde  ». Son titre  : «  Transformation politique et stratégie de subversion  ». Il y évoque le lent «  génocide  » de sociétés occidentales qui, à cause de «  l’immigration massive  », seraient «  sur la voie du déclin  ». L’un des formateurs français de Saint-Cyr a rédigé une lettre pour alerter les responsables de la Bundeswehr. Celle-ci est restée sans aucune suite. Car le jeune homme a plaidé que, «  pris par le temps  », il avait sans doute abusé de quelques «  raccourcis  ». Ce qui a suffi pour que le conseiller juridique de la Bundeswehr ne décrète ni sanction ni poursuite à son endroit.

La ministre de la Défense, Ursula Von der Leyen, est sur les charbons ardents. Elle s’est rendue à Illkirch toute séance tenante le 3 mai, annulant un déplacement prévu aux États-Unis. Elle promet de faire «  toute la lumière  », proclame qu’il ne peut y avoir «  aucune filiation traditionnelle entre la Bundeswehr et la Wehrmacht  » et jure de nettoyer les écuries d’Augias. Elle a limogé le général Walter Spindler, responsable de la formation au sein de la Bundeswehr. Mais, tout en mettant soigneusement en scène ce qu’elle présente comme son combat «  sans concession  » contre le laxisme des cadres de l’armée, elle fait mine d’oublier qu’elle est, elle-même, ministre depuis... quatre ans.

Des casques de l’armée du IIIe Reich exposés en face de la cantine

Résultat  : la polémique continue d’enfler. D’autant que les révélations sur l’étendue des pratiques de glorification de l’ex-­Wehrmacht au sein de la Bundeswehr se multiplient. Comme à la caserne Fürstenberg, cette autre base de la brigade franco-allemande à Donaueschingen, où une vitrine exposait, jusqu’à la semaine dernière, des casques de l’armée du Reich juste en face de la cantine. L’un d’eux a même été ­estampillé d’un ironique «  dénazifié  », souligne un journaliste du magazine Der Spiegel venu enquêter sur place. Le scandale ne quitte plus la une de la presse. Au point que la chancelière, Angela Merkel, a dû monter au créneau pour ­défendre sa ministre, l’une des figures de la CDU souvent présentée comme favorite pour lui succéder au poste suprême. Anne Helm, la jeune députée de Die Linke élue depuis décembre dernier au Parlement (Landtag) de la cité-État de Berlin, ne figure pas par hasard sur la liste cible des terroristes. En tant que Femen, elle avait participé en 2014 à une action seins nus, pour dénoncer le traditionnel rassemblement de la droite ultra à Dresde à l’occasion de l’anniversaire du bombardement de la ville par l’aviation états-unienne à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Beatrix Von Storch, la vice-présidente de la formation d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), l’avait alors dénoncée publiquement, l’accusant d’avoir un comportement... « honteux  ».

Bruno Odent, L’Humanité

2) Quand l’esprit de la Wehrmacht hante les soldats de la Bundeswehr

L’idéologie nationale-socialiste est bien vivace en Allemagne même 72 ans après la fin du Troisième Reich. Sinon pourquoi des soldats allemands organiseraient un petit musée de la Wehrmacht dans une caserne de la Bundeswehr ?

Plusieurs reliques de la Wehrmacht ont été découvertes sur une base franco-allemande située à Illkirch, en banlieue de Strasbourg, où sont installés les militaires du 291e jägerbataillon allemand.

Une cellule néonazie démantelée au sein de la Bundeswehr

Des armes d’époque, dont l’une est ornée d’une croix gammée, des peintures et des affiches au mur, des casques, ainsi que des poèmes de la Wehrmacht ont été retrouvés. La découverte a été faite au cours d’une enquête concernant un officier allemand qui était stationné sur la base d’Illkirch et qui aurait projeté un attentat xénophobe mais a été récemment arrêté par les forces de l’ordre.

« À part quelques faits exceptionnels et isolés de résistance [contre Hitler, ndlr], la Wehrmacht et la Bundeswehr n’ont rien en commun. Ce n’est pas nouveau, c’est une évidence dans la Bundeswehr qui doit être reconnue par tous », a déclaré, en visite sur la base, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, dont les propos ont été cités par l’AFP.

Le lieutenant allemand Franco A. a été interpellé le 26 avril à Hammelburg. Selon les informations préliminaires, il aurait tenté de dissimuler une arme à l’aéroport international de Vienne.

La Bundeswehr sous le feu de la critique : 10 scandales retentissants

De plus, l’enquête a révélé que l’officier s’était également enregistré en tant que réfugié syrien à Giessen : il a déposé une requête de demande d’asile auprès des autorités bavaroises, qui a été approuvée. Il s’était même vu attribuer une chambre et des allocations. Les fonctionnaires chargés du dossier n’avaient pas été surpris de voir que le « réfugié » ne parlait pas arabe.

La police pense que l’officier aurait pu former un groupe. L’un de ses membres, un étudiant de 24 ans soupçonné de complicité avec Franco et d’opinions xénophobes, a déjà été interpellé. Les policiers ont retrouvé dans sa chambre des objets tombant sous le coup de la loi sur les armes et les explosifs.

Source : Agence REUTERS


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