Les insoumis trouvent leurs voix (article de Libération)

samedi 15 juillet 2017.
 

Quand il a eu fini de tailler en pièces à la tribune le projet de réforme du code du travail lundi après-midi, Jean-Luc Mélenchon s’est levé dans l’hémicycle pour lui donner une longue accolade. Adrien Quatennens, député lillois de 27 ans, repéré au berceau dans les rangs du Parti de gauche, est l’une de ses fiertés. « Vous verrez, on en a d’autres… » glisse-t-on au sein du groupe. Parmi ces jeunes pousses que FI entend faire monter : Ugo Bernalicis (Nord) et Danièle Obono (Paris), qui sont intervenus contre la prorogation de l’état d’urgence, ou Mathilde Panot (Val-de-Marne).

Fort de sa double candidature présidentielle, Mélenchon a pris la tête du groupe et attire une nuée de caméras dès qu’il pose un pied aux Quatre-Colonnes. C’est aussi lui qui a pris la parole, la semaine dernière, pour répliquer à la déclaration de politique générale. Mais le doyen du groupe n’aurait pas l’intention de monopoliser la parole. Et soudain, le chef réputé caractériel, qui s’est brouillé avec nombre de ses anciens partenaires, se transforma en passeur de plats. Une des raisons de cette métamorphose : pas besoin de prouver à ses ouailles qui est le chef. C’est lui. « Certains le découvrent peut-être mais Jean-Luc a toujours travaillé de cette manière. Il est un chef d’orchestre qui sait mettre les solistes en valeur », promet Eric Coquerel. Un pater familias « heureux et fier de faire émerger ces nouvelles personnalités », assure Clémentine Autain.

Poing levé

D’autant que son groupe ne manque pas d’audience au Palais-Bourbon. Le FN n’est pas parvenu à former un groupe. Les Républicains et « les constructifs » se cherchent des noises et ce n’est pas sur la réforme du code du travail qu’ils ferrailleront contre le gouvernement. Les survivants socialistes de la vague En marche pansent leurs plaies et se cherchent une ligne. Quant aux communistes, s’ils bataillent autant que les amis de Mélenchon contre l’exécutif, ils ne souffrent guère la concurrence médiatique. Toujours en bande, pas avares de coups d’éclat, les 17 insoumis ne passent pas inaperçus. Entrée chemise ouverte et poing levé sur les marches du Palais-Bourbon, boycott du congrès de Versailles, code du travail en évidence sur le pupitre pendant le grand oral d’Edouard Philippe, etc. Au-delà des débats cravate-ou-pas-cravate ou standing ovation - ou pas - pour saluer l’élection de François de Rugy au perchoir, le groupe jure de ne pas s’en tenir à l’agit-prop. Mais veut jouer sérieusement le jeu parlementaire. Le 3 juillet, lorsque leurs collègues écoutaient le Président à Versailles, eux ont fait savoir qu’ils bûchaient sur leurs 130 amendements à la loi d’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnances. « On avait toutes les salles de réunion qu’on voulait dans l’Assemblée vide », raconte Quatennens.

Face à une majorité En marche avec laquelle ils ne sont d’accord sur rien et qui crie à « la provocation » et à « la caricature », les mélenchonistes ne se font pas d’illusions sur leurs chances de faire voter le moindre amendement. Seule solution : conduire leur mandat un pied dans l’Assemblée, un pied dehors. « A l’Assemblée, notre présence n’est pas symbolique mais on sait que c’est difficile de peser, reconnaît François Ruffin. Mon écharpe a plus d’importance sur des actions, des manifestations. » Pas le plus enclin aux logiques partisanes, le député de la Somme, qui n’avait pas signé la charte de La France insoumise pour la campagne législative, assure qu’il s’entend bien avec Mélenchon. Les deux hommes se connaissaient peu. « Il aime les réunions mais il ne la joue pas perso, explique Ruffin. Il donne la parole, il demande l’avis de tout le monde et, pour le moment, je ne l’ai pas vu prendre une décision seul. » Si tous n’étaient pas d’accord sur l’épisode de la cravate ou l’opportunité de sécher le congrès, l’affaire s’est réglée par un vote interne. « Après, on n’est pas des bisounours, il y a des rivalités qui préexistent mais pour l’instant il y a de la place pour tout le monde », nuance un député FI.

« Cohésion »

De quoi faire sourire des députés marcheurs régulièrement taxés de godillots. « Ils sont bosseurs, très présents, très solidaires entre eux… Et très caporalisés, estime Aurore Bergé, porte-parole du groupe LREM. Ce ne sont pas eux qui vont nous donner des leçons de démocratie interne. » Autain rétorque que le groupe marche plutôt à « l’autorité de la cohésion ». Plus facile aussi de trouver ses marques à 17 que noyés dans un bataillon de 300 soldats.

Laure Equy


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