Le système Macron se traduira par une explosion de la pauvreté jamais vue

samedi 29 juillet 2017.
 

La pauvreté a de l’avenir en France. On va voir bientôt de combien de basculements individuels sera responsable la conjonction entre la baisse de l’APL, l’augmentation de la CSG et des différents autres tarifs de l’existence quotidienne comme le transport, le gaz, l’électricité.

Nous sommes contemporains de l’entrée dans un nouvel état de la pauvreté dans la vie du pays. Ce n’est plus une pauvreté conjoncturelle, liée à un état individuel provisoire de difficultés personnelles. C’est une pauvreté structurelle. Une pauvreté durable et transmise d’une génération sur l’autre. Elle est enkystée au cœur de la société et développe progressivement son emprise dans des secteurs de plus en plus large.

Car la descente aux enfers de la pauvreté se commence à partir de tous les échelons de la société. Même si à l’évidence c’est toujours à partir des gros bataillons des plus fragiles et des bas salaires que viennent les nouvelles cohortes de pauvres, il faut voir aussi comment dans les hautes échelles de salaires de même, un dérapage hors de l’emploi, sa conjonction avec un moment personnel difficile, peut conduire tout droit vers l’abîme. La précarisation des classes moyennes fournit donc elle aussi un ample réservoir de pauvres. Plus systématiques sont les dispositifs de précarisation, plus le filet social est percé de trous, plus l’entrée en pauvreté fonctionne comme une trappe à sens unique. À partir du moment où elle cesse d’être le phénomène marginal qu’elle a été pendant tant de décennies, la pauvreté devenue visible et incontournable modifie les relations sociales de tous ceux qui en sont rendus témoins et protagonistes d’une façon ou d’une autre.

Par exemple, l’impossibilité dans laquelle se trouve chacun de secourir les pauvres qui l’entourent finit par créer une atmosphère et une culture d’indifférence humaine et d’endurcissement face au malheur des autres. Car en pensant à la pauvreté, il ne faut jamais oublier combien elle n’est pas « seulement » une question de revenu. Les pauvres ne sont pas seulement des gens qui ne « gagnent pas assez ». La pauvreté provoque des dizaines d’autres impasses douloureuses dans l’existence quotidienne. Les pauvres sont mal logés et finissent par ne plus être logés du tout. Ils tombent plus facilement malades et ne peuvent se soigner. Et ainsi de suite. La pauvreté augmente le nombre des personnes sans domicile fixe qui errent dans les rues, celui des enfants sans toit, celui des malades contagieux et ainsi de suite. Un nombre important de gens peuvent devenir pauvres en très peu de temps. Mais pour ressortir de la pauvreté il faut du temps et même parfois beaucoup de temps. Par exemple, pour un an passé dans la rue sans domicile fixe, il faut deux ans pour retrouver les habitudes de socialisation liée à l’occupation d’un logement.

Dans ces conditions le passage d’une société sans pauvres à une « société paupérisée » est un changement général bien plus vaste que ce que laisserait croire la statistique du seul nombre des pauvres. Toute la société est contaminée par les malheurs qui s’y répandent. Mais attention : une société paupérisée n’est pas une société nécessairement pauvre. C’est une société dans laquelle le nombre des pauvres est en augmentation. Et ce phénomène peut être en concomitant avec celui de l’augmentation du nombre des riches. Ainsi la France peut-elle être à la fois record d’Europe du nombre des millionnaires et compter dorénavant 9 millions de pauvres. Ainsi la France est devenue une « société paupérisée » alors que la richesse du pays a augmenté. Elle ne pourra donc ressortir de cette situation sans faire beaucoup d’efforts de partage.

Pour l’instant, nous avons un certitude : notre pays va se paupériser davantage. Il court avec méthode et organisation. C’est le revers concret du projet mythique sur lequel est fondée la politique du nouveau gouvernement qui aggrave celle du précédent. Depuis trois présidences consécutives, au moins, est mise en œuvre une logique folle. C’est la théorie incroyable selon laquelle plus les riches sont riches, plus le « ruissellement » de la richesse du haut vers le bas se produit ! Pris à la gorge par la colère froide qui s’est exprimée à travers le désaveu massif contre Hollande puis l’abstention abyssale aux élections, le système Macron accélère à une vitesse vertigineuse dans la direction qui a pourtant échoué partout. Elle échouera encore et se traduira par une explosion de la pauvreté jamais vue. Je l’affirme parce que je l’observe dans tous les pays où ont été appliquées les recettes que Monsieur Macron est en train de généraliser.

Dans ces conditions, je crois utile de nous alerter. J’ai bien vu les difficultés que je rencontrais à installer le thème de la pauvreté dans le débat public. Je l’ai engagé avec force dans mon discours à la « Fête de l’Humanité » en septembre dernier. Puis j’y suis revenu régulièrement au fil de mes discours de campagne présidentielle. Je pense être parvenu à retenir l’écoute. Pour autant, cela ne me suffit pas. Encore une fois, la pauvreté n’est pas seulement à étudier et à comprendre sous le seul angle de l’échec des politiques libérales. Les pauvres forment un nouveau continent de pratiques, d’attentes, d’auto-organisation. Quand je rappelle qu’il y a 9 millions de pauvres dans notre pays, je veux aussi rapprocher ce chiffre du nombre d’ouvriers et d’employés qui est de 13 millions. Nous parlons donc ici d’une catégorie sociale considérable, la plus importante de celle qui est définie par les rapports sociaux de notre pays.

Je pense depuis longtemps que la famille politique dont je suis issu, la « gauche », n’a jamais bien su comprendre et traiter cet aspect global du problème de la pauvreté et des conséquences de son émergence en masse dans les sociétés développées. Je veux dire par là qu’elle n’a pas su donner de perspective au traitement politique de la pauvreté dans une démarche de mobilisation politique des pauvres eux-mêmes. Les pauvres dans notre société n’ont jamais été pensés comme une catégorie particulière porteuse de méthodes et d’objectifs spécifiques à l’intérieur du combat général de la société contre la prédation capitaliste. Ce n’est pas le même combat, dans les mêmes formes, avec les mêmes mots, que celui qui consiste à défendre des conquêtes sociales et celui qui consiste à être dans l’obligation de trouver les moyens de survivre. Cette action pour la survie ne doit pas être regardée comme un antichambre avant d’entrer dans la voie glorieuse des luttes sociales. Tout au contraire. Mettre en place les moyens de la survie c’est dessiner la contre-société vers laquelle nous voudrions nous diriger.


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