Les enjeux démocratiques au Moyen-Orient

vendredi 8 septembre 2017.
 

Une analyse sur le plan militaire mais aussi politique et social. par Mala Baxtyar Chef du bureau politique de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) d’Irak et Luai Jaff Président du Centre franco-kurde pour l’éducation, la science et la culture (Kescc) à Paris

Le Grand Moyen-Orient a été sous la domination ottomane sunnite pendant cinq siècles. L’Iran a été sous domination chiite, mieux encadré idéologiquement, et créatif en termes de jurisprudence islamique et ijtihad (effort de réflexion islamique). Ainsi, plus de cinq générations des peuples du Moyen-Orient au cours de cette longue histoire se sont nourries spirituellement, socialement et idéologiquement de l’islam sunnite et de l’islam chiite. Depuis le XVIIIe siècle, et à travers les orientalistes et les entreprises étrangères, les colons ont accompagné les Ottomans. De l’Afrique du Nord aux pays des Balkans, la colonisation a soutenu l’Empire ottoman dans sa lutte contre les révoltes des peuples vivant dans les provinces ottomanes. En 1916, l’accord Sykes-Picot, signé et imposé, des États et des royaumes ont été créés de toutes pièces. Les Kurdes, les Palestiniens, les Arméniens, les Syriaques et les Chaldo-Assyriens ont été privés de leur droit à l’autodétermination.

Dans cette situation politique complexe, les crises ont été exacerbées et la majorité des gens étaient encore sous l’influence religieuse et confessionnelle (sectaire) et leur mentalité et le mode de vie n’ont pas évolué suffisamment, c’est pour cela que la scène politique du XXIe siècle a vu l’apparition d’un Moyen-Orient sous une forte influence religieuse et confessionnelle, et l’émergence de deux courants dangereux  : le mouvement salafiste (wahhabite) et le mouvement des Frères musulmans (la naissance des Frères musulmans a eu lieu en 1928).

Après la Première Guerre mondiale, plusieurs projets politiques sur la façon de gérer le Moyen-Orient ont été proposés  :

– Le projet colonial et la création des États sans prendre en considération les différences et les particularités des peuples et des nationalités. Il a donné aux Arabes, aux Perses et aux Turcs le droit d’établir leurs États, mais à eux seuls.

– Le projet des forces nationalistes qui sont arrivées au pouvoir après la Première Guerre mondiale comme une alternative aux gouvernements coloniaux.

– Le projet des forces marxistes et de gauche qui ont émergé comme une alternative aux gouvernements et aux pouvoirs nationalistes.

Entre la Première Guerre mondiale et les années 1950, le projet colonial a échoué. Le projet de gauche a ensuite échoué. Entre les années 1980 et 1990, les mouvements nationalistes arabes, turcs et persans ont également échoué.

Après l’échec de ces projets, le succès de la révolution iranienne (1979), la chute du mur de Berlin (1989), le succès du Parti de la prospérité en Turquie (1998), puis le succès du Parti de la justice et du développement, islamiste, à travers tous ces événements, les mouvements sunnites et chiites se sont organisés et sont devenus une des forces clés présentes sur le terrain prêtes à prendre le pouvoir. Puis les révolutions arabes ont explosé sans aucune préparation d’une alternative démocratique.

L’absence d’une alternative démocratique et un manque de sensibilisation sociale collective à un moment où tous les projets politiques du siècle dernier ont poussé l’influence religieuse et confessionnelle vers l’avant est déterminante pour comprendre la situation. Au début des révolutions arabes (printemps arabe), la majorité des gens sont tombés sous l’influence des Frères musulmans (qui était la seule force à avoir des ressources financières importantes et des médias forts), et les mouvements djihadistes, salafistes et leur influence en Égypte et d’autres groupes djihadistes en Syrie, en Irak, au Yémen, en Palestine et en Libye ont commencé à apparaître publiquement.

Dans une telle situation politique et sociale désastreuse et avec l’effondrement des gouvernements, le chaos et l’incapacité des Frères musulmans à devenir une alternative civile et démocratique, les groupes extrémistes djihadistes ont pu renforcer leur présence sur le terrain. Ils ont pu exploiter les révolutions, les conflits sunnites-chiites et l’absence d’un plan stratégique international pour contrôler les villes, déclarer le califat islamique et délocaliser leurs activités terroristes en Europe, en particulier en France.

Ici, il faut évoquer deux faits à propos de l’erreur stratégique de l’Occident et la coalition internationale. D’une part, après les événements du 11 septembre 2001, la réponse de la coalition internationale a été une réponse militaire sans proposition d’un projet politique et stratégique. D’autre part, après la publication des caricatures dans le journal Jyllands-Posten en 2005 sur le Prophète de l’islam, la réponse de l’islam salafiste en Europe a été violente. À l’inverse, les gouvernements occidentaux n’ont pas prêté attention à cette réponse extrémiste et n’ont pas compris le danger du salafisme, socialement et psychologiquement. La croissance de l’islam salafiste en Europe montre que l’éducation laïque et les valeurs démocratiques n’ont aucun effet sur l’esprit salafiste.

La coalition ne doit pas répéter les erreurs du passé en Afghanistan et en Irak. À notre connaissance, à l’exception d’un plan militaire contre Daech, il n’y a pas pour l’instant de plan politique, social, économique pour parvenir à un changement radical en faveur de la paix et de la démocratie au Moyen-Orient. Malheureusement, les mouvements islamistes sont encore forts par rapport à la tendance démocratique dans les pays arabes, en Afghanistan, au Pakistan, en Turquie et dans d’autres pays.

Sans un changement radical de notre vision politique, sociale et sans garantir les droits des peuples et des minorités opprimées, nous allons arriver dans une impasse et à l’impossibilité de réaliser la démocratie, les droits de l’homme, la justice sociale et l’égalité des hommes et des femmes.


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