La menace Sarkozy ( PRS national)

jeudi 3 mai 2007.
 

Derniers rappels, à quelques jours du vote, sur le programme de Nicolas Sarkozy, celui d’une droite décomplexée tout entière tournée contre les acquis sociaux et républicains.

Sarkozy poursuit inlassablement sa stratégie d’affolement destinée à faire passer le visage ultralibéral et violent de son projet. Son discours à Bercy le 29 avril a encore été un modèle du genre. Dans le rôle de l’affoleur public d’abord, avec en guise d’introduction, un étalage odieux des événements qui à ses yeux ont marqué la campagne : « le petit garçon de 11 ans qui a pris une balle perdue à la Courneuve », « la jeune fille brûlée vive dans un bus », « la jeune Ghofrane battue à mort et atrocement torturée », « le petit garçon devant le cercueil de son père gendarme »... Une litanie qui permet à Sarkozy de relancer les pires provocations : « j’ai parlé du Kärcher, je ne regrette rien. » Une trame anxiogène qui lui permet aussi de soutenir les rapprochements les plus tordus comme celui du « parti des voyous, des casseurs et des fraudeurs » avec « le culte de l’argent roi, des profits à court terme, les dérives du capitalisme financier », qui d’après lui viennent tous de « mai 68 et son héritage » qu’il faut « liquider une bonne fois pour toutes ». Comme pour mieux enterrer les 11 millions de travailleurs grévistes qui obtenaient alors la section syndicale d’entreprise ou encore la hausse de 35 % du SMIC. Autant d’acquis du mouvement ouvrier dont Sarkozy ne veut plus entendre parler dans sa « France d’après ». Car, en dépit de ses appels à « tous les malheureux et sans grades », son bilan et son projet sont la négation même de tout ce qui permet l’émancipation du plus grand nombre dans la République.

La liberté en danger

Au mépris des libertés publiques, Sarkozy a fait de la sécurité une arme politique et idéologique. Il agite sans cesse l’insécurité pour mieux justifier les 10 lois sécuritaires qu’il a fait voter depuis 2002, en changeant par exemple 4 fois la législation sur les jeunes délinquants et 4 fois celle sur les étrangers. Sans jamais se pencher sur les causes de la violence ni sur les résultats de sa politique, il se contente d’un traitement sensationnel de la délinquance : « on va nettoyer ça au kärcher » (juin 2005 à La Courneuve), « on va se débarrasser de cette racaille » (octobre 2005 à Argenteuil). Son agitation verbale entretient une vaste peur populaire qui vise à étouffer tout mécontentement social : « des Français baissent le regard dans la rue, verrouillent leur porte à triple tour dès qu’ils rentrent chez eux, vivent, en définitive, avec la peur au ventre » (au Sénat le 16 novembre 2005). Cette peur vise aussi à rendre acceptable les pires accusations et amalgames. S’opposer politiquement à Sarkozy, c’est mécaniquement « s’apitoyer sur les fraudeurs, les tricheurs et les trafiquants » (3 avril 2007). Les immigrés servent aussi de cible facile dans cette stratégie de la tension : pour Sarkozy, « une immigration non maîtrisée est un danger pour l’identité nationale ». (Grand Jury RTL Le Monde LCI le 1er avril 2007). Alors que des milliers d’immigrés ont déjà glissé aujourd’hui dans des zones de non droit à cause des durcissements successifs de la législation, Sarkozy promet d’aller encore plus loin dans la restriction des droits d’entrée et de séjour, ce qui transformerait la France en véritable enfer pour les étrangers. Pour Sarkozy, les problèmes de la France viennent des mauvais Français et de « tous ceux qui n’aiment pas la France ». Il veut donc conserver la Vème République autoritaire et même amplifier encore la concentration des pouvoirs entre les mains du président « qui détermine la politique de la Nation et dirige l’action d’un gouvernement qu’il a entièrement composé » (5 avril 2006 lors de la convention UMP sur les institutions). La politique européenne se ferait aussi dans le dos du peuple, puisque Sarkozy propose un traité européen simplifié qui serait soumis à la ratification du Parlement et non à référendum. Son projet de traité, dont les citoyens n’ont jamais été saisis ni même informés, a déjà été soumis aux autres pays européens par un émissaire officieux de Sarkozy, le député Pierre Lequiller ! En reniant la tradition française d’indépendance face aux Etats-Unis, la politique étrangère de Sarkozy ne pourrait aussi se faire que dans le dos des citoyens au détriment de la liberté de notre peuple.

L’égalité piétinée

Sur le terrain social, Sarkozy propose d’en finir avec ce qui reste du « modèle social français ». A commencer par le contrat de travail qui deviendrait unique avec des facilités accrues de licenciement sur le modèle du CPE défendu en vain par Sarkozy (le 25 janvier 2006 : « Le CPE est une très bonne mesure pour l’emploi des jeunes. »). L’achèvement du démantèlement de la réduction du temps de travail et le refus de toute hausse du SMIC feraient exploser la précarité et basculer dans la pauvreté un nombre croissant de travailleurs. En promettant de nouvelles baisses des cotisations sociales patronales, Sarkozy annonce aussi la ruine de la sécurité sociale, avec notamment la franchise non remboursable de soins, qui mettra fin au remboursement d’une grosse partie des dépenses de santé dans notre pays. Avec de nouvelles baisses astronomiques d’impôts (68 milliards annoncés) qui profiteraient aux très fortunés (fin des droits de successions, démantèlement de fait de l’ISF...), l’appauvrissement de l’Etat conduirait à la ruine de la plupart des services publics. Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux annoncé par Sarkozy entraînerait une véritable hémorragie dans les écoles, les perceptions, les commissariats ou encore les hôpitaux. Ceux dont le service public est le seul patrimoine seraient doublement volés : ils seraient plus durement touchés par l’impôt (avec la hausse de la TVA) et moins bien protégés par les services publics. La crise du logement ne pourrait que s’aggraver à mesure du désengagement de l’Etat, puisque Sarkozy ne propose aucun plan de construction de logements sociaux et qu’il veut même vendre une partie du parc HLM au privé. En matière économique, le laisser faire le plus total appliqué jusqu’ici par Sarkozy accélèrerait le démantèlement de l’industrie française. Sur EADS, Sarkozy a soutenu au gouvernement le retrait de l’Etat face aux intérêts privés qui ont conduit ce fleuron industriel au bord du gouffre. Sur Alstom, que Sarkozy se vante d’avoir sauvé comme ministre des finances, la politique de la droite s’est révélée tout aussi désastreuse puisque Sarkozy a organisé avec les actionnaires le sabordage de fleurons industriels comme les chantiers navals de l’Atlantique de Saint Nazaire vendus par Alstom en 2006.

La fraternité en miettes

Dans une société minée par la peur, où la pauvreté s’étend et où les services publics reculent, le projet républicain est réduit en miettes. Face à tous les aléas de la vie, chacun est renvoyé à sa responsabilité individuelle ou invité à s’en prendre à plus faible que soit : étrangers, « tricheurs » et autres « assistés qui profitent du système ». La « France d’après » serait ainsi divisée entre bons et mauvais sujets, sous le règne d’une prétendue fatalité sociale, avec un Etat chargé d’éliminer les mauvais éléments. Comment comprendre autrement la vision du monde que dessine les déclarations de Sarkozy sur la pédophilie ou le suicide : « j’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. » (Entretien à Philosophie Magazine). Privés de toute perspective collective dans la République, les citoyens seraient invités à se tourner vers les communautés et les religions dont Sarkozy veut renforcer les droits et faciliter le financement public en rupture avec la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat.


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