Ouragans : le changement climatique et l’action publique

vendredi 22 septembre 2017.
 

Saint-Martin et Saint-Barthélémy étaient jusqu’ici surtout connus comme paradis fiscaux et résidences pour millionnaires. Avec le passage du cyclone Irma les inégalités extrêmes propres à Saint-Martin sont apparues encore plus crûment.

Le paradis des riches côtoie la misère. Et ces différences sociales se traduisent bien évidemment dans la qualité des constructions et leur capacité à résister aux vents furieux et aux pluies diluviennes.

Face à la multiplication de cyclones à forte intensité, le lien avec le réchauffement climatique se pose. Une analyse publiée dans la revue Nature en juillet par plusieurs scientifiques alertait sur le fait qu’il ne restait que 3 ans pour pouvoir tenir les objectifs de l’accord de Paris, c’est-à-dire maintenir la hausse des températures à 2°C alors qu’elle a déjà atteint 1°C.

Or l’augmentation des températures des océans favorise et alimente l’activité cyclonique que ce soit dans l’Océan indien, le Pacifique qui subit le plus les cyclones de catégorie 3 à 5 où dans l’Atlantique nord où l’intensité des cyclones semble le plus augmenter depuis 20 ans.

Hélas les gouvernements ne changent pas pour autant de modèle économique. Il ne s’agit pas seulement de Donald Trump qui a décidé de se retirer de l’Accord de Paris. Si Emmanuel Macron a pris Nicolas Hulot dans son gouvernement, celui-ci sert plus d’élément de décor et de caution que d’aiguillon pour prendre les décisions à la hauteur des enjeux climatiques.

Prévoir dans tous les domaines

Outre des politiques de réduction des émissions de CO2, il est nécessaire de mettre en place des politiques de prévention des catastrophes climatiques. La France ne manque pas d’expérience dans ce domaine. En 1989, la Guadeloupe a connu un ouragan de catégorie 5, Hugo, entraînant la mort de 11 personnes, faisant 107 blessés, laissant 25 000 sans abri et 35 000 sinistrés sans compter les énormes dégâts matériels. Comment 28 ans après, les conséquences d’Irma n’ont-elles pas été mieux anticipées ? Il n’est pas normal que les hôpitaux et les casernes de pompier, sans parler de la préfecture, soient inutilisables au moment où les populations en ont le plus besoin. Il faut effectuer un audit de la conception de ces bâtiments publics dans tous les territoires concernés par les cyclones, Antilles, Réunion et - dans une moindre mesure - Polynésie, et faire les éventuels travaux de renforcement. Dès l’annonce d’un cyclone, les autorités publiques doivent faire usage de leur pouvoir de réquisition pour stocker préventivement eau et aliments pour faire face aux besoins des sinistrés dans la foulée du désastre. La reconstruction doit être pensée de façon à garantir la sécurité des populations en toute occasion, le rétablissement rapide des services indispensables : alimentation en eau et électricité, communications, services de santé. Cela signifie donc renforcer les normes anticycloniques pour les bâtiments (alors que Macron vient d’annoncer un affaiblissement des normes environnementales de construction !) en incluant des aides spécifiques aux populations les plus démunies car la sécurité ne peut dépendre des revenus de chaque foyer. Le caractère indispensable de la présence de services publics et le dévouement de leurs salariés ont une fois de plus été démontrés à cette occasion. Il faut donc les renforcer à rebours des politiques à l’œuvre actuellement.

Repenser l’aménagement du territoire

L’aggravation des destructions causées par ces phénomènes n’est pas seulement liée au niveau des ouragans. La concentration de plus en plus importante des populations en bord de mer, la déforestation et l’imperméabilisation de sols qui autrefois absorbaient les pluies, multiplient les dégâts matériels et augmentent le nombre de victimes. La priorité est donc à une autre politique d’aménagement des territoires dont l’axe central sera sa soutenabilité environnementale. Ainsi, on limitera les dégâts de phénomènes naturels qu’il est impossible d’éviter, mais qu’il est possible de ne pas aggraver (cyclones comme pluies diluviennes). Pour que cette prise de conscience soit globale, il faut aussi que l’information le soit. Or il y a eu peu d’informations à propos de la situation dans l’île de la Barbuda, l’île d’Anguilla ou dans les îles vierges britanniques pourtant dévastées. Les médias français ont plus parlé de la Floride que de Cuba où les dégâts matériels sont pourtant bien pires. Et l’annonce de l’approche d’un typhon sur le Japon le 17 septembre a occupé plus de place que celui de catégorie 4 qui a frappé le Vietnam deux jours auparavant. Visiblement, le système télévisuel français n’aime pas beaucoup les pauvres.

Martine Billard


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