Nouvelles mesures fiscales : la redistribution à l’envers

mardi 3 octobre 2017.
 

Sujet rébarbatif, la fiscalité entretient à dessein une opacité qui masque la montée continue des inégalités. Le dernier rapport d’Oxfam démontre comment les dernières mesures du gouvernement vont les aggraver en France.

Le néolibéralisme à l’œuvre depuis presque quarante ans n’a pas seulement organisé une gigantesque guerre généralisée de tous contre tous. Patiemment, chaque fois que les conditions le lui permettent, il organise une redistribution des richesses des plus pauvres au profit des plus favorisés – comme une sorte de Robin des bois à l’envers.

Les dogmatiques libéraux vous vendent la fameuse théorie du ruissellement : plus le sommet, tout là-haut, est prospère et plus les retombées pour ceux qui sont tout en bas finiront par être importantes. Cette théorie des miettes n’est pas seulement une ode aux inégalités, elle est surtout une vaste escroquerie en bande organisée. Aux États-Unis, par exemple, le revenu médian des ménages a baissé de plus de 7% entre 1999 et 2014. En clair, cela signifie qu’au cours des quinze dernières années, la moitié la plus pauvre des foyers américains s’est appauvrie. Mais la France n’est désormais plus en reste.

21 milliardaires pèsent autant que 40 % des Français Biberonnées aux formes les plus inégalitaires de la finance anglo-saxonne, les premières mesures du gouvernement Macron s’inscrivent dans la droite ligne de cette guerre contre les moins favorisés. Un récent rapport d’Oxam France a décortiqué les conséquences du train de mesures adoptés par le gouvernement d’Édouard Philippe. À l’aridité des chiffres, l’ONG a ajouté des exemples forts et pédagogiques qui, en une demi-phrase, mettent à nu la logique folle du processus inégalitaire.

D’abord avec un constat : les inégalités n’ont jamais été aussi fortes en France. « En 2016, les 10% des Français les plus riches détiennent plus de 56% des richesses quand les 50% les plus pauvres se partagent à peine moins de 5% du gâteau. » Dit de manière crue : « 21 milliardaires français possèdent autant que les 40% les plus pauvres de la population ». Et pour tordre le cou définitivement au fameux "ruissellement", le rapport précise que « la fortune totale des dix plus grandes fortunes françaises a été multipliée par 12 pendant que le nombre de pauvres augmentait de 1,2 millions de personnes ».

Le fameux attrait du nouveau président pour les milliardaires est donc bien la face agréable d’une machine à fabriquer de la pauvreté. Mais la cupidité des plus favorisés n’a pas de limite. Alors même que les chiffres ne traduisent pas, doux euphémisme, une situation des plus déplorables pour leur portefeuille, les ménages les plus aisés sont au summum de la fraude fiscale : les ménages français disposent ainsi de 300 milliards d’euros dans les paradis fiscaux dont, 140 milliards pour 3.520 ménages soit 0,01% des foyers fiscaux (voir ici, par exemple).

Le gain pour Bernard Arnault supérieur à la baisse des APL Face à une telle situation, le gouvernement – suspens – allait-il engager une lutte farouche contre l’évasion fiscale, amorcer une politique visant à réduire les inégalités ? Que nenni, bien sûr. C’est même l’inverse qui est à l’œuvre. L’étude des mesures gouvernementales proposées dans le cadre du projet de loi de finances aboutit au résultat suivant : « Si l’on prend en compte l’impact des baisses de prestations sociales liées à ces baisses d’impôt, seuls les 10% les plus riches verraient leurs revenus augmenter avec 1.193 euros de gains annuels contre une baisse de 337 euros pour les 10 % les plus pauvres ».

Piquer aux plus démunis pour reverser à ceux qui n’en ont pas besoin, c’est être moderne et pragmatique. La réforme de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est un cas d’école puisque, désormais, les actions ne seront plus comptabilisées pour le calcul de cet impôt. Manque à gagner pour l’État : 3,6 milliards d’impôts au profit du 1 % le plus riche. Oxam France nous délivre à ce sujet une pépite : pour « Bernard Arnault, en tête du classement des milliardaires français, cette mesure fiscale pourrait représenter un cadeau de 553,2 millions d’euros. Soit un manque à gagner pour l’État qui représente déjà près de 1,5 fois le montant de la baisse annoncée des APL de cinq euros par mois, qui touchera 6,5 millions de foyers ».

Oui, oui, vous avez bien lu, le cadeau fait au patron de LVMH est très largement supérieur à l’économie escomptée avec la baisse des APL. Prendre à ceux qui peinent à se loger pour redistribuer à l’homme le plus riche de France, il fallait oser. En fait, Bernard Arnault sait utiliser toutes les ficelles de la fiscalité française pour payer très peu d’impôts. Merci patron, merci Macron !

Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.


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