Marseille : Mélenchon, un insoumis en prison

jeudi 19 octobre 2017.
 

Le député marseillais a visité à l’improviste les Baumettes "historiques" puis le bâtiment rénové. Ambiance...

A son arrivée, il avait imaginé ne pas en "sortir indemne". Quand les lourdes portes de la prison des Baumettes se sont refermées derrière lui, le député de Marseille Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) s’est dit "traversé". "Je peux vous dire que le passage dans les Baumettes historiques est quelque chose que l’on n’oublie pas facilement, a-t-il confié. C’est traumatisant. À cause de la vétusté absolue. De la saleté totale. Des conditions incroyables d’enfermement qui empêchent, également, le personnel de mener à bien son travail de réhabilitation et font naître, chez lui, une grande souffrance au travail."

Du moins, le leader Insoumis tire-t-il cette conclusion de la première partie de la visite : une plongée étouffante entre les murs lézardés du bâtiment d’origine où 783 détenus sont encore "entassés" en attendant leur transfert dans l’aile rénovée dite "Baumettes 2", programmé pour juin prochain... "C’est beau, propre et je vous garantis que quand vous passez dans cettepartie, après l’autre, vous vous sentez soulagé", a constaté l’élu. Bémol : "L’établissement est déjà en surpopulation. Les cellules qui ont été imaginées pour une personne sont occupées par deux. Dans 8 m2, c’est inhumain." Et de serrer le poing : "Ce n’est pas un sujet électoralement porteur. Mais c’est notre devoir d’alerter la société : après un délit, faute d’avoir trouvé mieux, la société punit normalement par la privation de liberté. C’est une peine en soi. L’objectif, ce n’est pas de torturer les prisonniers et qu’ils en sortent encore pires."

Comme autorisé par un amendement voté en 2014, le député s’était donc invité, un peu plus tôt dans l’après-midi, au centre pénitentiaire du chemin de Morgiou (9e). Une visite "vraiment à l’improviste", sourit un délégué CGT. "Le directeur ne l’a su que ce midi. Alors que jusque-là, les autres élus avaient prévenu longtemps en amont. Mélenchon, lui, nous a appelés hier pour qu’on le guide. Cela permet de ne pas avoir une tournée où la direction ne montre que ce qu’elle veut." Ainsi accompagné du responsable CGT David Cucchietti et accueilli par le patron des Baumettes, Guillaume Piney, le bouillonnant député s’est pourtant voulu conciliant : "Je ne prétends pas apprendre le monde carcéral en deux minutes de parlotte. Je ne suis pas là pour montrer du doigt. Mais pour comprendre, écouter..." Puis s’indigner, aussi, en découvrant des douches insalubres et coulant en continu.

"Le bouton pressoir est coincé", glisse un surveillant. Une cellule glauque et occupée par des bestioles. Une coursive lugubre et malodorante... "Vous ne vous en rendez peut-être plus compte, les gars, mais cette ambiance est abominable ! Je n’ai jamais vu ça, lâche-t-il en roulant des yeux. En même temps, depuis que je suis élu à Marseille, je n’arrête pas de voir des choses que je n’avais jamais vues ailleurs", enfonce-t-il en prenant un syndicaliste par le bras. Une surveillante est sous le charme : "J’apprécie son attitude humble. Il écoute et pose des questions profondes. Il n’est pas du tout comme on le voit dans les médias." Dans la cour, des hurlements résonnent : "Mélenchon ! Mélenchon !" Mais aucun échange n’a été prévu avec les détenus. "Ce n’est pas moi qui ai organisé", se défend mollement le député du centre-ville, avant de s’expliquer : "Ces choses-là, il faut les faire avec sérieux et sans généralisation. Chaque personne est différente. Là, en plus, nous sommes dans le cas où des personnes sont punies. Elles ont commis des délits auparavant. Je ne le perds pas de vue. Aujourd’hui, je voulais voir dans quelles conditions elles étaient incarcérées."

Arrivé au bâtiment Baumettes 2, flambant neuf, Jean-Luc Mélenchon respire : "Ça reste la prison mais on se sent mieux, oui. Le départ de tout, c’est la condition humaine." Après deux heures de visite, dernière rencontre intra-muros : le personnel hospitalier. L’occasion d’évoquer avec lui "la maladie mentale, qui n’a aucune place dans notre modèle social. On préfère foutre en prison, hop, pas vu pas pris !".

Attaché à la grille d’une cellule, fraîche et moderne, un surveillant nous montre un morceau de tissu noué : "C’est ce qui reste quand un homme tente de se pendre." Mélenchon, lui, a fait une proposition au directeur : "Il faudrait faire venir plus souvent des gens pour qu’on n’entende plus ces bêtises, sur les prisons paradis, les hôtels de luxe... Et vous n’astiquez pas avant, hein, qu’ils voient bien la réalité."

Laurent d’Ancona


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