L’UE toujours accroc au glyphosate

samedi 4 novembre 2017.
 

Après le vote du Parlement européen et la réunion des représentants des gouvernements cette semaine, le pesticide de Monsanto pourrait être autorisé pour plusieurs années supplémentaires dans l’Union Européenne. Mais la décision a été une nouvelle fois repoussée.

Breveté par l’entreprise américaine Monsanto au début des années 1970 le glyphosate est l’ingrédient actif de son fameux herbicide Roundup. On estime que 500 produits en Europe contiennent la substance, soit presque l’intégralité des pesticides actuellement en usage. L’autorisation de sa mise sur le marché doit être renouvelée tous les 10 ou 15 ans maximum. La dernière avait expiré fin décembre 2015. Or, entre-temps, l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer de l’OMS a classé la molécule comme probablement cancérogène pour l’Homme. Malgré cela, la Commission européenne a renouvelé son autorisation sous prétexte d’attendre l’évaluation par l’Agence européenne des produits chimiques puis de l’Agence européenne de sécurité des aliments malgré des conflits d’intérêts évidents (https://heuredupeuple.fr/conflits-d...) . Cette dernière s’est basée sur les études financées par l’industrie et ses lobbies, recopiant mot pour mot les analyses de Monsanto-Bayer. La Commission européenne a rempilé avec un nouveau projet de proposition de renouvellement de 10 ans du glyphosate.

Dernière ligne droite

Mardi 24 octobre, c’était au tour des députés européens de se prononcer. La bataille faisait rage et les lobbies de l’agro-industrie, dont la FNSEA, l’avaient bien compris. Dans un mail envoyé à tous les élus, ils demandaient que le glyphosate soit ré-autorisé… pour 15 ans. La résolution des députés était le fruit d’un compromis entre les différents groupes politiques du Parlement européen en commission des affaires environnementales, santé publique et sécurité alimentaire qui avait réuni une large majorité : 39 voix pour, 9 contre et 10 abstentions. Soumise mardi 24 à l’assemblée plénière elle proposait une élimination progressive de l’usage du glyphosate d’ici à 2020 dans le secteur agricole, soit sous trois ans. De nombreux amendements ont été déposés. La sociale-démocratie européenne en a déposé un seul repoussant l’interdiction à cinq ans, et non trois. Il n’en fallait pas plus pour la droite, toujours prompte à répondre positivement aux attentes des lobbies agro-industriels. L’amendement du PS européen a ainsi été adopté et le signal politique aussi. “Cette triste culture européenne du plus petit compromis finira par nous tuer”, commente, Younous Omarjee, eurodéputé de l’Union des Outre-Mer, à l’issue du vote. Deux heures plus tard, la Commission européenne renvoyait sa proposition de ré-autorisation du glyphosate : entre cinq et sept ans. Le Parlement européen, à l’initiative des socialistes, aura donc encore raté le coche pour assurer la pression nécessaire et clôturer enfin ce débat en faveur de la santé des populations, de la faune et de la flore.

Les tergiversations continuent.

Mercredi 25 octobre, c’était au tour des représentants des États membres de se prononcer. Cinq, sept ou dix ans, les avis sont partagés mais l’Allemagne continue de peser en faveur d’une interdiction la plus tardive possible. La Commission européenne prend acte de ces désaccords et en conclut qu’il faut encore « réfléchir ». Quoi qu’il en soit, l’Union Européenne devra trancher d’ici au 15 décembre, date de fin de l’agrément du glyphosate.

En fait, des alternatives sont possibles et déjà en pratique. Toutes les productions agricoles sont possibles sans désherbant. Des agriculteurs non bios ont déjà fait la transition et évidemment l’agriculture bio en fait la démonstration. Depuis 2015 et l’étude de l’OMS, les États avaient largement le temps de prendre leurs responsabilités. Car en définitive, les premières victimes de ce poison sont les agriculteurs.

Plus largement, cette affaire amorce un chamboulement juridique de grande ampleur : la mort de la culture juridique européenne basée sur le principe de précaution.

Études de l’OMS et des agences de l’UE se contredisent. L’intérêt général commande de ne pas prendre de risque avec la santé humaine. Le risque est de dériver vers une juridiction de type nord-américaine qui inverse la charge de la preuve, le tout sur fond d’accord d’harmonisation des normes entre Union européenne et Amérique du Nord par les accords CETA avec le Canada et Tafta avec les Etats-Unis.

En tous les cas, rien n’empêche un État membre de prendre l’initiative d’interdire l’usage de ce poison sur son territoire national. Sauf la volonté politique d’un Président Macron trop proche des lobbies.

Sophie Rauszer


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