Peugeot EN 1980 DÉJÀ, LE SUICIDE DE PHILIPPE MARCHAUD

lundi 6 août 2007.
 

Tradition antisyndicale

Au début de l’année 1980, notre camarade Philippe Marchaud, militant LCR et délégué CGT sur les chaînes de montage de l’usine de Peugeot Sochaux, se suicidait. Le lendemain, les chefs du secteur annonçaient sa mort par ce commentaire : « L’emmerdeur s’est flingué. » Ces mots résonnaient quasiment comme un communiqué de victoire... et comme un aveu de leur responsabilité.

Les patrons de l’automobile étaient rompus à la chasse aux syndicalistes. À Citroën, c’était la terreur brutale, organisée par la maîtrise et le syndicat maison, rendant quasi clandestine l’activité de la CGT et de la CFDT ; à Peugeot Sochaux, la méthode était plus sophistiquée, et elle consistait en l’organisation d’un harcèlement permanent des militants visés.

Embauché en 1976, Philippe - « le Grand » pour ses copains - était élu, un an plus tard, délégué du personnel sur la liste CGT. À partir de ce moment, il a subi un harcèlement permanent de la part de la hiérarchie du secteur. Cela consistait en des changements de poste fréquents sur la chaîne - ce qui entraînait des difficultés à suivre la cadence -, en des avertissements sous n’importe quel prétexte - Philippe en a reçu plus d’une centaine en un peu plus de trois ans de travail à Sochaux -, en un suivi constant de ses déplacements, en des avertissements à répétition pour dépassement des heures de délégation, accompagnés de retraits sur la feuille de paie, alors que ces dépassements étaient prévus par la loi.

Cette pression a pour but d’isoler le militant : dans cette situation, on perd plus de temps et d’énergie à se défendre qu’à faire le boulot de délégué. Et ensuite de l’amener à craquer en demandant son compte ou sa mutation dans un autre secteur, car si la direction de Sochaux était forcée de tolérer les syndicats, elle voulait éliminer tout militant actif dans le secteur stratégique des chaînes de montage.

Notre camarade était conscient de ces manœuvres. Il n’avait pas de goût particulier pour le sacrifice, mais il ne voulait pas satisfaire « ceux d’en face ». Mais ce harcèlement est terrible : il use en profondeur, déstabilise, épuise mentalement et fait douter de soi. Que d’autres difficultés dans la vie familiale ou affective s’y ajoutent, et le suicide peut survenir. Philippe ne voulait pas être un martyr, encore moins un exemple. Son combat doit simplement nous rappeler la férocité de l’adversaire et l’urgence de mettre fin à la barbarie de l’exploitation.

Philippe Joseph


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