La réforme du Parlement fait « pschiiiit » !

samedi 16 décembre 2017.
 

Les groupes de travail de l’Assemblée nationale ont rendu mercredi 13 décembre leurs premières propositions sur la réforme du Parlement, censées alimenter un futur projet de réforme institutionnelle porté par le gouvernement.

Sans changer la Constitution, ce qui n’était évidemment pas dans les plans des députés de la République en marche, on aurait pu envisager quelques mesures radicales et bien senties pour revaloriser le travail parlementaire et redonner une vraie place au Parlement. Vous voulez quelques exemples ?

Mettre fin à un des plus grands scandales de cette constitution : son fameux article 40, qui interdit aux parlementaires de créer une charge nouvelle (une dépense supplémentaire en d’autres termes) ou de baisser une recette pour l’État. Cet article restreint de manière considérable, incroyable, l’initiative des parlementaires. Pourtant, contre toute attente, il n’est pas question d’y toucher.

On aurait pu remettre en cause le vote bloqué et l’alinéa 3 de l’article 49 utilisé à maintes reprises ces dernières années pour outrepasser l’avis de l’Assemblée nationale.

On aurait pu envisager que les parlementaires deviennent à 100% maitres de leur ordre du jour – actuellement, les propositions des députés ne sont discutées qu’une semaine sur quatre. Mais non, le Gouvernement continuera à fixer la moitié de l’ordre du jour.

Bref, les groupes de travail ont imaginé toutes sortes de mesurettes qui ne remettent absolument pas en cause la faiblesse du Parlement sous la Ve République. Par exemple, le nombre de commissions permanentes ne serait plus limité par la Constitution ; ça ne change strictement rien au processus législatif, et l’on a du mal à comprendre l’intérêt d’un tel changement.

Le nombre de parlementaires serait limité à 403 députés et 244 sénateurs. Pourquoi 403 et pas 402 ou 404 ? Ça ferait d’autant plus de travail pour ceux qui demeurent. Comme si la démocratie coutait trop cher.

Seuls 90 députés seraient élus à la proportionnelle, alors que la démocratie exigerait que tous le soient.

Au cours de l’examen d’un texte de loi, la discussion générale, c’est-à-dire le moment ou chaque représentant de groupe fait une intervention d’ordre général et politique disparaitrait purement et simplement ! En outre, le temps législatif programmé deviendrait la procédure législative ordinaire ; or, elle réduit le temps de discussion des textes et porte atteinte au droit d’amendement des parlementaires, qui n’ont plus le temps de défendre les amendements déposés.

Des mesures remettent par ailleurs en cause le principe démocratique de séparations des pouvoirs : les commissions d’enquêtes pourront mener leurs travaux même si des poursuites judiciaires sont en cause ; le Parlement se substituera-t-il alors à la Justice- ? Des moyens d’expertises nouveaux, issus d’entités privées ou de fonctionnaires d’État devant obéissance et loyauté au pouvoir exécutif, pourront être mis à disposition des députés.

Ce énième projet de réforme constitutionnelle semble déjà promis à faire un beau « pschiiiit ».

Jeanne Fidaz


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