Evasion fiscale : Cherche clé du verrou de Bercy

mardi 23 janvier 2018.
 

Faire sauter ou desserrer le « verrou de Bercy » sur les poursuites pour fraude fiscale ? Le "verrou de Bercy" donne à l’administration fiscale le monopole des poursuites pénales en matière fiscale, et empêche les poursuites judiciaires pour fraude fiscale sans l’accord du ministère des Finances. Ce mécanisme et ses dérives sont extrêmement bien expliqués par les sociologues Michel et Monique Pinçon Charlot dans leur livre « la grande évasion ».

La suppression du « verrou » de Bercy pourrait avoir des conséquences en chaîne sur le système judiciaire et fiscal. La Commission des infractions fiscales (CIF), composée des magistrats des ordres judiciaire et administratif, valide près de 95 % des plaintes. Mais les 5 % restant font l’objet d’une suspicion qui alimente régulièrement les débats parlementaires. Les opposants au verrou de Bercy dénoncent une procédure d’ancien régime, arbitraire. Ses défenseurs estiment qu’il représente une garantie supplémentaire pour le contribuable. Et l’administration fiscale craint que les recettes ne soient plus encaissées en cas de suppression de ce verrou. Bercy préfère signer des accords avec les fraudeurs pour renflouer rapidement les caisses de l’État, plutôt que d’autoriser des poursuites pénales, plus longues à aboutir.

L’été dernier, lors des débats sur le projet de loi de moralisation de la vie publique, le sénat avait proposé la levée partielle de ce fameux verrou. La suggestion avait ensuite mis le feu aux poudres à l’Assemblée Nationale, puisque la mesure de restriction de ce verrou avait été rejetée d’une voix, la majorité des députés LREM votant contre, mais tous les autres groupes politiques votant pour. Une conférence de presse commune avait d’ailleurs été tenue pour dénoncer le verrou par quatre groupes politiques : LFI, PCF, Nouvelle Gauche et les Constructifs.

La majorité de l’époque, pour tenter de calmer les esprits, avait alors promis par la voix de la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, la création d’une mission d’information commune à la commission des lois et à la commission des finances pour étudier cette épineuse question. Une manière de désamorcer la bombe face à la bronca de toutes les oppositions. Cette mission d’information a commencé ses travaux le mardi 16 janvier avec l’audition de la procureure du parquet national financier Eliane Houlette. Cette dernière avait déjà émis des réserves sur ce mécanisme. Celle qui a pris dans ses mailles Jérôme Cahuzac, François Fillon aussi bien que des groupes comme HSBC ou Google, s’est montrée particulièrement virulente dans ses critiques. « Il y a une incohérence entre la gravité affichée du délit de fraude fiscale et le régime dérogatoire dont il fait l’objet », a-t-elle pointé. « Pour nous, le verrou bloque toute la chaîne pénale. Il empêche la variété des poursuites et constitue un obstacle théorique, juridique, constitutionnel et républicain, en plus d’être un handicap sur le plan pratique…Il entrave totalement la liberté d’action » du parquet national financier.

Face à l’argument financier, elle fait valoir que le PNF a d’ores et déjà pour lui un bilan financier à faire rougir plus d’une administration grâce aux dossiers qu’il a pu instruire. Il a ainsi rapporté environ 787 millions d’euros à l’État en 2017, soit sept fois plus qu’en 2015.

Cette première audition était donc bien tranchée. La mission d’information rendra ses conclusions d’ici quelques mois.

Jeanne Fidaz


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