Discours de Claude Bartolone sur le bilan de 2002 et 2007 devant le Conseil National du Parti Socialiste, le 12 mai 2007.

mardi 15 mai 2007.
 

Chers camarades, bien entendu que nous aurions tous préféré que ce conseil national se déroule dans une tout autre ambiance, et bien entendu, il nous faut tenir compte qu’il nous reste maintenant cinq semaines, c’est cinq semaines qui séparent les élections présidentielles des élections législatives.

Dans le même temps, il faut tenir compte que ce délai sera encore plus réduit que nous ne pouvons l’imaginer, car à partir du 16 mai, nous le savons les uns et les autres, nos mots, nos arguments, notre argumentation vont buter contre la réalité des images, celle de Chirac quittant l’Élysée, celle de Sarkozy y arrivant, celle du Premier ministre et de son pedigree, celle de l’ensemble du gouvernement, et peut-être son ouverture sur laquelle je reviendrai dans quelques instants.

Du coup, nous avons la responsabilité aujourd’hui, entre nous, à la fois bien entendu d’évoquer les prémices des réflexions que nous aurons à mener ensemble sur les raisons qui nous ont conduit à connaître cet échec inattendu, mais dans le même temps aussi, donner de la force aux 577 candidats qui vont s’adresser à ces électeurs socialistes, à ces électeurs de gauche, qui ont voté pour nous au deuxième tour de l’élection présidentielle, pour leur dire : voilà les raisons que vous avez de revenir voter au moment des élections législatives.

Je vous le dis, chers camarades, nous avons d’autant plus nécessité à le faire que pour une partie de l’électorat populaire, notamment les plus jeunes, si nous devions donner le sentiment que nous partons battus à ces élections législatives, la différence se fera sur le taux de participation que connaîtra la droite et le taux de participation que connaîtra la gauche. Et au bout de cette opération, ce sont des dizaines et des dizaines de sièges qui nous manqueront.

Alors chers camarades, deux mots, avant de parler de la campagne des élections législatives et pour faire suite à ce que vient de nous dire notre premier secrétaire. Oui, je crois qu’il faut que, le moment venu, nous prenions le temps de parler des raisons qui nous ont conduits à cette défaite. Nous avons trop tendance, les uns et les autres, à ne jamais revenir ni sur les bons moments ni sur les mauvais moments. Nous n’avons eu à aucun moment la tentation d’essayer de comprendre pourquoi nous avons gagné les cantonales, les régionales, les Européennes, pourquoi l’électorat populaire a commencé à manifester son amour des urnes et son retour aux urnes au moment de la Constitution européenne. On a même interprété ces signaux peut-être sur le thème : mieux vaut attendre, après tout, avec les résultats qui ont été enregistrés, même si on désigne au dernier moment, celui ou celle qui aura à nous représenter gagnera à tous les coups.

Mais même plus loin, chers camarades, nous n’avons jamais posé la question d’une manière sérieuse entre nous sur les raisons qui nous ont amené à connaître 2002. Je me faisais cette remarque : si nous avions eu à nous poser sérieusement la question sur l’échec de 2002, souvenez-vous à l’époque ce qu’on entendait : on n’entendait pas dans notre électorat, et même au sein du Parti socialiste, que Lionel Jospin et les socialistes avaient perdu parce que nous avions été trop à gauche. On nous reprochait à l’époque l’ouverture du capital, le discours sur la baisse des impôts, une certaine pratique qui, lorsque j’entends un certain nombre de discours aujourd’hui, donne bien le sentiment que nous n’avons pas eu collectivement à nous interroger jusqu’à fond, en dehors d’essayer de croire que c’était un accident électoral sur les raisons qui avaient pu nous amener à connaître la défaite en 2002.

Et puisque j’évoque les élections, je dois vous dire chers camarades qu’il y a un autre point sur lequel je souhaite que, dans les mois qui viennent, nous ayons l’occasion de débattre. C’est ce fameux virage à droite de la société française, je n’y crois pas. Je ne comprends pas pourquoi, au moment des cantonales et régionales, le peuple de gauche, une majorité d’électeurs se serviraient de nous pour les aider à résister à la droite. Je ne comprends pas pourquoi ils découvriraient l’amour du débat politique, et ça a été le cas, quelle que soit la position prise par les uns et les autres, au moment de la Constitution européenne, et d’un seul coup, au moment des élections présidentielles, ayant pris de l’âge en deux ans, ils deviendraient en majorité un électorat de droite.

Je crois qu’il faut s’interroger sur cette apparition d’un nouveau comportement électoral, que je qualifie quelquefois d’électeurs zapping, qui donne le sentiment qu’une partie des électeurs répondent à la question qui leur est posée. Je crois que cela doit nous renvoyer à notre responsabilité, c’est que je suis persuadé que ce comportement zapping est encore plus fort lorsque culturellement, lorsque politiquement, les organisations, et en l’occurrence la nôtre, ne préparent pas assez les militants et le peuple de gauche à se poser les questions qui concernent la mondialisation, l’Europe, les enjeux de la société française, avec une lecture de gauche, des réponses qui doivent y être apportées.

Je voudrais vous faire une remarque sur ce sujet par rapport à Nicolas Sarkozy, et c’est la seule référence que je ferai à Nicolas Sarkozy. Avez-vous remarqué, chers camarades, qu’au moment où l’on analyse sa victoire, on retient souvent chez les commentateurs deux thèmes sur lesquels on nous avait sommé de nous résigner. Aujourd’hui, chacun reconnaît qu’il avait, avec l’UMP, créer un parti pour résister, y compris à Chirac, pour créer le pôle* de rassemblement à droite, pour y compris éliminer ses concurrents.

Aujourd’hui, écoutez le nombre de commentaires sur le thème : il a assumé pour la première fois une idéologie de droite, y compris entre les deux tours. A lui, cela apparaît comme une grande victoire, un succès et une résistance, alors qu’à nous, on nous sommait d’en finir avec les organisations politiques et en finir avec les idéologies. Et cela, il faudra s’en souvenir dans la période qui vient.

Chers camarades, un dernier mot sur cette partie de mon intervention : si la société avait viré à droite, comme on le prétend, comment peut-on imaginer ou interpréter les discours de Nicolas Sarkozy, y compris à la Concorde dimanche, avant de nous offrir un feuilleton télévisé à bord d’un yacht, comment peut-on comprendre cette référence incessante à des thèmes de gauche : le travail, la protection sociale ? Comment comprendre sa référence incessante à Jean Jaurès ? Comment comprendre qu’il a essayé de capter, de rapter un certain nombre de thèmes qui relèvent de notre culture pour essayer de faire croire qu’on pouvait y apporter une réponse de droite ?

Oui, chers camarades, ce sont des éléments sur lesquels il faudra que nous revenions collectivement pour essayer de comprendre ce qui nous est arrivé et déjà préparer la suite.

Alors, bien entendu, on parle quelquefois des tensions, des différences qui peuvent exister entre les uns et les autres. Mais est-ce que ce n’est pas là aussi une responsabilité qui incombe au Parti socialiste compte tenu de la place que nous prenons au sein de la gauche ?

Si nous voulons, pour les uns, être capables y compris de poser la question à l’extrême-gauche, de choisir une bonne fois pour toutes s’ils veulent ou non prendre des responsabilités dans les conseils généraux, régionaux, et demain peut-être au sein d’un gouvernement, si l’on veut sommer une partie du centre d’enfin choisir entre la droite et la gauche, c’est que nous avons à tenir les deux bouts de cette chaîne, et si, au sein de notre organisation politique, nous devions, dès que nous avons une idée à avancer, essayer d’excommunier, au lieu de voir comment on peut vivre ensemble, croyez-moi, cela va être difficile d’attirer les Verts, les radicaux, le Mouvement des citoyens, et les autres républicains, mais là-dessus aussi, je pense qu’il faut qu’on soit clair : nous devons à la fois vivre ensemble, assumer nos différences et nous adresser à l’extérieur en ayant à chaque fois en tête l’affirmation de notre ligne politique. Le Parti socialiste, bien sûr, a vocation à parler à l’ensemble des Français, mais son ancrage, son message, c’est le rassemblement à gauche des forces de gauche.

Puis, après, bien entendu que toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans nos valeurs, qui ont envie de parler avec nous le fassent, Mitterrand a toujours dit : c’est avec des civils que l’on fait des militaires, mais pour faire de bons militaires, autant qu’ils connaissent ce que l’on veut leur faire faire et la feuille de route plutôt que de leur donner le sentiment que c’est le seul uniforme qui est joli.

Chers camarades, j’en viens maintenant à la question de la campagne. Il est évident que, si nous voulons éviter le reproche que nous avons fait à Chirac au lendemain des cantonales, régionales, européennes, référendum, de ne pas tenir compte du vote des Français, nous ne pouvons pas faire la même erreur.

Une majorité de nos compatriotes n’ont pas voté pour nous, n’ont pas voté Ségolène Royal au moment de l’élection présidentielle. Et nous ne pouvons pas aller devant les Français au moment de l’élection législative en leur disant : vous vous êtes trompés et on vous ressert le couvert. Donc il faut à la fois que nous soyons en position de retenir les thèmes, et notamment les thèmes sociaux qui ont été au cœur de la campagne de l’élection présidentielle, et notamment dans un certain nombre de mots employés par le candidat de la droite en montrant quelles sont les positions complémentaires que nous pouvons faire sur ces sujets. Et en particulier en direction d’une partie de la population qu’il ne nous faut pas abandonner.

Moi, chers camarades, sur une circonscription que je commence à bien connaître, j’ai trouvé que, certes, nous avons réussi à rassembler les jeunes, les quartiers populaires, mais nous n’avons pas obtenu le scores qui auraient dû être ceux du Parti socialiste dans un certain nombre de quartiers, de bureaux de vote qui correspondent à des couches moyennes, celles et ceux qui quelquefois, fonctionnaires, petits salariés, tous les deux au SMIC, ont eu le sentiment qu’ils n’étaient plus concernés par notre discours, ont eu le sentiment que nous n’avions plus la possibilité de nous adresser à eux pour leur donner envie de participer à ce rassemblement de gauche, de cette défense des plus défavorisés, qu’ils étaient intéressés par un certain nombre de propositions qui devaient être les nôtres, qui touchent l’environnement, qui touchent à la conception de l’Europe, qui touchent à la conception de la mondialisation.

Et nous devons avoir cet objectif aussi en tête parce que je crois que, si notre objectif est de faire le score le plus élevé possible au moment de ces élections législatives, il faut que nous soyons en mesure de nous adresser certes à celles et ceux qui ont voté pour nous au moment de l’élection présidentielle, mais aussi celles et ceux qui se sont abstenus, celles et ceux qui ne se sont pas reconnus dans la campagne que nous avons pu mener, dans les thèmes que nous avons pu avancer parce qu’on ne peut pas leur dire, d’une manière définitive : vous avez voté Sarkozy, donc vous êtes idéologiquement de droite à tout jamais.

Chers camarades, oui, il va falloir que l’on mette en avant un certain nombre de thèmes, y revenir, dans la mesure où je ne crois pas que, pour un certain nombre d’électeurs des quartiers populaires qui ont voté Sarkozy, ils ont voté pour lui pour mettre en place la franchise de soins qui creusera les inégalités dans l’accès à la santé et ouvre la voie à une privatisation de l’assurance maladie ; je ne pense pas qu’ils aient voté pour lui pour développer une fiscalité de classe avec un bouclier fiscal abaissé à 50 % ; je ne crois pas qu’ils aient voté pour lui pour instaurer à la hussarde la sélection dans l’enseignement supérieur.

Et c’est pour cela qu’il nous faut aller à cette bataille des élections législatives en entretenant d’une certaine manière une double espérance. D’abord, on ne peut pas y aller en disant : on a perdu. Comme je le disais au début de mon propos, si nous y allons en disant : c’est cuit, on a perdu, je ne vois pas pourquoi les électeurs n’accompagneraient pas ce mouvement. Mais dans le même temps, il va falloir aussi insister sur ce que représente l’équilibre à l’Assemblée nationale.

Chers camarades, je terminerai sur un seul exemple : si le groupe socialiste à l’Assemblée nationale et au Sénat n’avaient pas été à la hauteur qui a été la sienne entre 2002 et 2007, croyez-vous que l’ISF existerait encore ? Croyez-vous que la loi SRU existerait encore ? Croyez-vous que Gaz de France serait encore dans le public ? Croyez-vous que le CPE ne serait pas devenu une réalité ? Il va falloir aussi donner le sentiment à nos compatriotes qu’ils peuvent compter sur les socialistes et sur la gauche pour agir, mais aussi pour les protéger.

Chers camarades, nous avons décidé, au niveau de la direction du Parti socialiste, de tenir à la disposition de l’ensemble des candidats et des fédérations un quatre pages, qui sera disponible dès le début de la semaine en fonction des moyens qui nous seront accordés par la trésorerie, une affiche pourra être préparée, la maquette est prête, on verra ce qui pourra être fait.

Je sais que pour bon nombre d’entre vous, les thèmes de campagne sont arrêtés, le matériel est préparé, mais la campagne se gagne aussi dans un certain nombre de circonscriptions où nous n’avons pas sur le papier des chances de gagner, mais où des camarades courageux vont se battre pour permettre à la gauche de faire le meilleur score possible aux élections législatives, et nous devons aussi penser à eux.

Chers camarades, il ne me reste qu’un mot : je vous évoquais le 16 mai. Il est temps de montrer dès aujourd’hui la qualité de nos débats, de nos travaux, de notre rassemblement, parce que ce sera un message essentiel pour que, à la fin du deuxième tour, nous soyons le plus nombreux possible à l’Assemblée nationale.

Discours de Claude Bartolone devant le Conseil National du Parti Socialiste, le 12 mai 2007.


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