Le Média, ses ennemis, et les rentiers de l’information

dimanche 18 mars 2018.
 

La chaîne de télévision sur internet « Le Média » a été attaquée par une bonne partie de la presse « officielle » ou mainstream depuis ces derniers jours. Ces attaques se sont appuyées sur deux problèmes différents : le désaccord entre la chaîne et une de ses présentatrices, Mme Aude Rossigneux, et l’émission de M. Claude El Khal sur les combats qui ont lieu en Syrie, dans la région de la Ghouta. Au-delà du cas particulier de chacune de ces attaques, elles révèlent en réalité la défense forcenée d’un monopole et des privilèges qui y sont liés par la presse « officielle ». Elles témoignent de l’effondrement de l’esprit démocratique, remplacé par la simple défense des intérêts et des privilèges, dans cette dite presse.

De l’affaire Rossigneux et de son montage en épingle

Les attaques que Le Média a subi ont eu pour prétexte deux faits clairement distinct. Cette chaîne a décidé de mettre fin au contrat d’essai avec une journaliste-présentatrice, suite à un désaccord profond. Ce n’est guère étonnant compte-tenu de la jeunesse de cette chaîne, que n’émet que depuis le mois de janvier. On peut discuter à loisir des modalités, mais il est évident que si un désaccord majeur s’était fait jour, il ne pouvait y avoir d’autre issue que de mettre fin à la période d’essai de cette journaliste. Cependant, il faut souligner l’immense mauvaise foi dont ont fait preuve ceux qui ont prix prétexte de cet incident pour attaquer Le Média. Certains journaux ont publié des articles ne donnant que le point de vue de la plaignante et n’ont pas cherché à s’enquérir de celui de ses collègues restés en place, ni de la direction de Le Média. Ceci en dit long sur des comportements journalistiques où l’on confond désormais systématiquement « opinion » (et l’on a parfaitement le droit d’être opposé à la ligne politique de Le Média) et information. La carence en information invalide alors radicalement les opinions ! Ajoutons que certains ont eu l’audace de comparer le traitement réservé à Mme Rossigneux à celui qui avait été réservé à Mme Aude Lancelin lors de son éviction de L’Obs en 2016. Or, Mme Lancelin n’était pas juste arrivée dans cet hebdomadaire, mais y travaillait depuis des années et y occupait un poste de direction. Rien à voir au conflit entre Le Média et Mme Rossigneux. Cette dernière avait décidé de participer à l’aventure de la création de cette chaîne. Il s’est avéré que ses conceptions, en particulier en matière de présentation, différaient de celles des autres journalistes et responsables. Il était normal qu’elle ne soit pas confirmée dans son poste (et ceci sans préjuger des conditions dans lesquelles cela s’est fait). Dans le cas de Mme Lancelin on est à l’évidence devant une censure, et c’est fondamentalement différent. Que des professionnels se refusent de la comprendre, ou fasse mine de ne pas le savoir, montre simplement à quelles bassesses sont prêts ceux qui mènent une guerre idéologique ou, simplement, défendent leurs privilèges.

A-t-on le droit de parler sur la Syrie ?

Le cas des attaques suscitées par l’émission de M. Claude El Khal est différent dans la forme, mais il révèle le même problème de fond. Ce que l’on reproche à M. El Khal c’est d’avoir voulu prendre du recul sur les événements de la Ghouta, et d’avoir rappelé que nous manquons dramatiquement de sources indépendantes et fiables. Ce faisant, il a rempli son devoir de journaliste. Or, cela n’a pas plus. Des personnes se prétendant journalistes, et toujours à l’affut de sensationnel, mais sans vérifier leurs sources bien souvent, se sont précipitées en vociférant pour « dénoncer » ce journaliste.

Ho là, mesdames et messieurs ; quand on veut donner des leçons, il faut être irréprochables, et quand on monte sur le mat avoir le cul propre ! La presse « officielle » nous a abreuvé de nouvelles horribles sur la Syrie, nouvelles qui, dans de nombreux cas, ont été démenties, voire sérieusement corrigées. Et c’est ce « beau » monde qui vient nous parles des « Fake News » ? Rappelons ici que, sur le Kosovo[1], sur la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie, le Koweït en 1990, voire sur la Roumanie, les mensonges les plus énormes ont été véhiculés par la presse dite « officielle ». Un peu de décence apparaît donc comme nécessaire. Cette procession de « grandes âmes » indignées parce qu’un journaliste à simplement fait son travail apparaît pour ce qu’elle : indigne !

Claude El Khal a d’ailleurs parfaitement répondu aux Tartuffes et autres Basiles sur son blog

https://claudeelkhal.blogspot.fr/20...

Une logique de monopole et de rentiers

Il faut maintenant revenir au fond de ce que révèlent ces deux affaires. Que Le Média rencontre une féroce opposition politique est clair. Mais, cela était prévisible. La violence des attaques qui avaient frappées Jean-Luc Mélenchon, et qui l’assaillent encore, indiquait bien que tout ce qui, de manière directe ou indirecte, serait lié à lui subiraient les mêmes assauts. Ceux qui, aujourd’hui, font mine de s’en apercevoir, sont bien naïfs. En fait, la fraction dominante, car elle s’est tellement réduite que l’on ne saurait l’appeler « classe » vit aujourd’hui dans une telle terreur de perdre son pouvoir et, avec lui, les avantages qui en découlent, qu’elle est – littéralement – prête à tout, y compris aux pires mensonges. Mais, la violence de ces attaques ne s’explique pas uniquement par ce réflexe de caste, par cette volonté politique.

On est, aussi, face à une réaction de « rentiers ». Dans les faits, nombre de journalistes (pas tous, heureusement) défendent une rente de situation qui, aujourd’hui, est très gravement menacée par la crise de légitimité et de crédibilité qui les frappe. Un sondage, réalisé par l’IFOP-Fiducial[3], a mesuré cela.


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