Stephen Hawking (1942-2018) – Un très grand physicien, un vulgarisateur étonnamment populaire

vendredi 15 mars 2024.
 

Stephen Hawking est mort le mercredi 14 mars à l’âge de 76 ans, 4 mois après Johnny Hallyday. Ces décès de deux personnalités plutôt différentes ont eu « presque » le même retentissement mondial. Mais le parallèle s’arrête là, et l’héritage d’Hawking ne risque pas, lui, d’être contesté.

Hawking fut un très grand physicien et ses travaux continueront longtemps à irriguer la recherche scientifique. Que les lecteurEs en jugent : contre l’opinion prévalente que les trous noirs ne pouvaient pas rayonner, on lui doit non seulement la prévision du rayonnement dit de Hawking, mais aussi les contradictions qu’il impliquait avec la théorie de la mécanique quantique. Pour les lecteurEs que ceci pourrait laisser dubitatif, ­précisons un peu l’affaire.

Le trou noir

D’abord qu’est-ce qu’un trou noir ? Si vous lancez vers le haut un objet depuis la surface d’une planète, il montera d’autant plus haut que sa vitesse initiale sera plus élevée et, au-delà d’une certaine vitesse, il ne retombera plus jamais. Cette vitesse – appelée vitesse de libération – est la vitesse de lancer minimale nécessaire pour échapper à la gravitation de la planète. Cette vitesse augmente avec la masse de cette dernière. On pourrait se demander alors ce qui se passerait pour un astre si massif que la vitesse de libération serait celle de la lumière. Car, comme aucune vitesse ne peut atteindre celle de la lumière (300 000 km/s), aucun corps ne pourrait s’en échapper puisqu’il ne pourrait parvenir à sa vitesse de libération. Voilà l’image très naïve d’un trou noir classique. Avec sa masse gigantesque, il attire tout et rien ne peut s’en échapper, pas même la lumière.

Pourquoi « image naïve » ? Les « vrais » trous noirs, ceux qui ont été mis en évidence (indirectement, puisqu’ils n’émettent pas de lumière) à partir des années 1970, doivent se comprendre dans le cadre de la théorie générale de la relativité et leur interaction avec l’extérieur, dans celui de la mécanique quantique. Ces trous noirs sont des astres massifs, résultats de la fin de vie d’étoiles géantes (au-delà de 4 masses du Soleil). Ce qu’a conjecturé Hawking c’est que les « fluctuations du vide » d’origine quantique pouvaient néanmoins leur permettre de rayonner.

Le vide n’est pas vide

Selon la mécanique quantique le vide ne peut avoir une énergie fixée (nulle, par exemple) : ce qu’on appelle le vide est en permanence siège de créations et annihilations de paires virtuelles de particules/anti-particules, et ce pendant des temps extrêmement courts, pour ne pas « trop » violer la conservation de l’énergie. C’est ce qu’on appelle les « fluctuations du vide ». Si une de ces deux particules virtuelles est happée par le trou noir, il peut se faire que son anti-particule se recombine avec une autre particule virtuelle de ce même vide et émette alors un photon. Il y aurait donc rayonnement du trou noir ou plutôt de son voisinage. Ce rayonnement serait d’autant plus faible que le trou noir est massif. Il serait indécelable pour les trous noirs d’origine stellaire. Mais d’autres origines sont théoriquement possibles.

Jusque-là, si j’ose dire, tout va bien. Sauf que la réalisation de ce scénario violerait des principes de physique quantique sur la conservation de l’information. Derrière tout cela, reste le vieux problème d’unifier la mécanique quantique et la théorie de la relativité. C’est certainement le problème non résolu le plus important de la ­physique actuelle.

Un très grand physicien, un vulgarisateur étonnamment populaire

Stephen Hawking a souvent été décrit comme un vulgarisateur de génie : son livre, une Brève histoire du temps : du Big Bang aux trous noirs, a été vendu à plus de 10 millions d’exemplaires et traduit dans 35 langues. Osons le dire : ce succès planétaire d’un livre à peu près incompréhensible pour la plupart des gens – y compris des physicienEs – qui l’ont acheté doit certainement beaucoup, au-delà de la réputation scientifique, à la personnalité (sympathique) et au courage dont l’auteur a dû faire preuve pour lutter contre sa terrible maladie.

Un Stephen Hawking qui a très clairement défendu l’athéisme, ce qui n’est pas aujourd’hui si évident, quand l’air du temps pousse bien des scientifiques à composer avec un mysticisme quasi religieux. Il a toutefois pris une position qui me semble peu fondée en affirmant : « Je pense que le développement d’une intelligence artificielle complète pourrait mettre fin à la race humaine. » Mais ce sera l’objet d’une autre chronique.

Hubert Krivine


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