Le président parle, le peuple enrage

mercredi 25 avril 2018.
 

S’il est un sujet sur lequel le chef de l’Etat ne lésine ni en moyens ni en ingéniosité, c’est bien celui de la communication. De l’image d’Epinal d’une école maternelle de l’Orne décorée pour l’occasion, aux lustres du palais de Chaillot et ses escaliers gravis, pour la photo, par le couple présidentiel, avec en second plan les éclats scintillants de la tour Eiffel, un décor carton-pâte accompagne chacune des apparitions présidentielles. Ainsi espère-t-il faire passer la pilule du remodelage complet du pays aux canons de la mondialisation capitaliste.

C’est encore par une habile communication que M. Macron endosse le costume martial de chef de guerre pour aller bombarder la Syrie sans mandat international et déployer la troupe dans le bocage nantais et les universités françaises, taillant la stature d’homme fort que réclame notre monarchie présidentielle.

Est-ce que la répression brutale des alternatives qui ont vu le jour à Notre-Dames-des-Landes est de nature à sortir par le haut de la situation ? Est-ce que les bombardements en Syrie menés main dans la main avec les principaux responsables du chaos moyen-oriental vont contribuer à ouvrir un chemin pour la paix ? Pour chacune de ces questions, la communication autour de l’événement sert à cacher l’absence de réponses politiques et donc de résultats.

Au diapason de ses prédécesseurs de « l’ancien monde », M. Macron feint de croire que le peuple est mal informé et qu’il convient de faire de la pédagogie. Pour toute réponse aux difficultés grandissantes qui assaillent les retraités, il leur adresse un « merci » cynique et condescendant après les avoir contraints à une baisse importante de leurs revenus par la hausse brutale de la CSG. Il faut, dit-il, comprendre que tous les sacrifices demandés participent d’un projet global. Mais il se garde bien d’en définir la vraie nature ! Nos concitoyens voient de mieux en mieux quels en sont les bénéficiaires et perçoivent aujourd’hui majoritairement qu’il s’agit d’un projet de redéfinition ultralibérale de la société française qui s’oppose aux intérêts populaires comme à l’intérêt général. Toute pédagogie ne peut cacher la réalité des faits. Derrière l’attaque contre « les statuts » qui protègent les travailleurs de la rude loi du marché, à la SNCF comme ailleurs, le Président appelle les créateurs de richesse à renoncer à leurs droits, les retraités à contribuer à combler les cadeaux fiscaux octroyés aux fameux premiers de cordée qui sont pour l’essentiel les détenteurs de capitaux, bénéficiaires exclusifs de la réforme de l’impôt sur la fortune, tandis qu’augmentent les prélèvements sur les personnes les plus en difficultés sous formes de taxes diverse, de fiscalité indirecte et de hausses tarifaires.

Macron a beau user toutes les ficelles de nos institutions, jusqu’à un autoritarisme désuet, il ne parvient à cacher sa faible représentativité au sein d’un pays qui, dans sa grande majorité, a refusé lors de l’élection présidentielle cette fuite en avant ultralibérale. Nous sommes les premiers à reconnaitre que nos institutions, taillées sur mesure pour et par un général, sont inaptes à faire vivre la démocratie. Mais si M. Macron utilise la toute puissance que lui octroie la Constitution pour lancer seul une offensive militaire sans vote parlementaire, pourquoi s’arrête-t-elle au portefeuille des actionnaires ? Dès qu’il s’agit de fraude et d’évasion fiscale, de contrôle du versement des dividendes et des salaires exorbitants des grands patrons, le Président fait valoir son impuissance. Voilà qui révèle en creux qu’il y a plus qu’une absence de volonté politique pour récupérer les 80 milliards d’euros, soit presque le montant total de notre dette, qui croupissent dans les paradis fiscaux. Il y a de la complaisance à l’égard de membres d’un même monde.

Cette offensive politique et communicationnelle ne vise en aucun cas à entrer en dialogue avec le pays mais à le réduire au silence alors que s’allument dans tant de secteurs professionnels et associatifs, dans les collectivités locales, d’importants et nouveaux foyers de mécontentements et de luttes. Osant dire qu’il faut « remettre le pays au travail » alors que des millions de chômeurs ne demanderaient que cela, que les salariés tirent la langue avec des salaires trop bas et que la productivité horaire de notre pays est parmi les plus fortes du monde, le Président propose un ultime sacrifice pour financer la dépendance par une nouvelle journée de travail non rémunérée. Refusant d’aller chercher les masses colossales d’argent là où elles se trouvent, c’est encore et toujours dans l’opposition de catégories de la population qu’entend prospérer le nouveau pouvoir. C’est en fait sur un durcissement prémédité du climat social que mise M. Macron, comme en témoigne l’absence totale de dialogue sur l’avenir de la SNCF. Il espère mettre à genoux le mouvement social pour s’attaquer ensuite à l’os de la fonction publique, à la sécurité sociale puis à notre système de retraites. Il n’est dés lors pas étonnant que l’électorat de droite lui manifeste sa reconnaissance.

L’unité des aspirations démocratiques, sociales, écologiques, doit continuer à se construire pour forcer le Président à entendre les souffrances et les colères jusqu’à en prendre acte en arrêtant son rouleau compresseur antisocial. Le plus vite sera le mieux.


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