Le chanteur poète Marc Ogeret (1932- 2018) nous a quittés…

mercredi 19 décembre 2018.
 

Source : http://socialisme-2010.fr/blog2016/...

Il n’aura pas de funérailles nationales, il payait ses impôts… Il y aura seulement sur son cercueil les œillets rouges symboles de sa fidélité à la Commune de Paris. Côté médias aux ordres, le service minimum : il chantait la révolution, les chants du mouvement ouvrier et surtout les poètes : il Interprètera Aragon mais aussi Jean Genet, Pierre Seghers, Luc Bérimont et Aristide Bruant. Le show biz n’aime pas ça ! Il fait partie de ces poètes-chanteurs, venu au succès, dans une époque de cabaret rive-gauche, où cela était encore possible.

Marc Ogeret naît à Paris en 1932. Son père travaille au service santé du ministère de la Guerre et sa mère est couturière. Il suit sa scolarité aux lycées Montaigne et Louis Le Grand. À 17 ans, il abandonne ses études et devient apprenti dans une fonderie. Puis il travaille chez IBM et chez Renault. Poussé par une bande d’amis qui montent une troupe de comédiens, il abandonne son poste.

En 1950, il entre au Centre dramatique de la rue Blanche. Il y reste trois ans tout en faisant la manche avec sa guitare aux terrasses des cafés. Il interprète Léo Ferré, Félix Leclerc et Jacques Douai. Pierre Prévert le remarque et lui donne sa chance. Il le fait passer en 1956 dans son cabaret La Fontaine des Quatre Saisons, dans le programme de Philippe Clay. En 1957, Marc Ogeret chante chez Agnès Capri. Il devient l’un des interprètes majeurs de la chanson poétique.

Il consacre ses premiers enregistrements à partir de 1960 aux poètes Marc Alyn, Pierre Seghers, Louis Aragon, Luc Bérimont, André Salmon, Paul Gilson… En 1962, il reçoit Le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. En 1965, il chante à Bobino en première partie de Georges Brassens. Il interprète Aragon aux Trois Baudets en 1966.

Comme chez Jean Ferrat, il y a chez Ogeret une interrogation douloureuse sur le communisme. Ce n’est pas hasardeux qu’Ogeret ait beaucoup chanté et mis en musique Aragon. Pour lui rendre hommage j’ai choisi « Les Larmes se ressemblent » qui est un texte d’Aragon de 1963 faisant référence à l’époque, où après la guerre de 1914-1918, il était médecin auxiliaire en Alsace. Le refrain reprend le vers d’Aragon qui était alors un jeune homme :

« J’avais vingt ans je ne comprenais pas »

Dès que l’armée française entre en Alsace, puis en Sarre, partout elle se comporte en force de maintien de l’ordre bourgeois, ce que l’Empire allemand n’est plus capable de faire. Partout elle dissout « les conseils ouvriers » qui avaient fleuri après la victoire militaire. Entre bourgeoisies, on se comprend !

« J’avais vingt ans je ne comprenais pas »

Chanson très troublante sur son contenu politique…

Les larmes se ressemblent

Dans le ciel gris des anges de faïence

Dans le ciel gris des sanglots étouffés

Il me souvient de ces jours de Mayence

Dans le Rhin noir pleuraient des filles-fées

.

On trouvait parfois au fond des ruelles

Un soldat tué d’un coup de couteau

On trouvait parfois cette paix cruelle

Malgré le jeune vin blanc des coteaux

.

J’ai bu l’alcool transparent des cerises

J’ai bu les serments échangés tout bas

Qu’ils étaient beaux les palais les églises

J’avais vingt ans Je ne comprenais pas

.

Il me souvient de chansons qui m’émurent

Il me souvient des signes à la craie

Qu’on découvrait au matin sur les murs

Sans en pouvoir déchiffrer les secrets

.

Qui peut dire où la mémoire commence

Qui peut dire où le temps présent finit

Où le passé rejoindra la romance

Où le malheur n’est qu’un papier jauni

.

Comme l’enfant surpris parmi ses rêves

Les regards bleus des vaincus sont gênants

Le pas des pelotons à la relève

Faisait frémir le silence rhénan.

Louis Aragon.Le Fou d’Elsa (1963).


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