Victoire pour la grève de l’hôpital du Rouvray

vendredi 22 juin 2018.
 

Le vendredi 8 juin, à l’hôpital du Rouvray, près de Rouen, un des trois plus grands hôpitaux psychiatriques de France, après un vote unanime de la plus forte assemblée du personnel depuis le début de la grève, la signature de la Directrice de l’Agence Régionale de Santé (ARS) a été obtenue sur un protocole de fin de conflit.

L’ARS s’engage à :

Créer et financer 30 postes pour les activités et structures de soin actuelles dont 21 en 2018 et 9 au premier semestre 2019

Arrêter des fermetures de structures extra-hospitalières, type CMP.

Ne pas retirer le service d’Addictologie au Rouvray.

Attribuer une structure d’hospitalisation pour les adolescents au Rouvray. Ceci devant mettre fin aux hospitalisations de mineurs dans les structures d’adultes.

Attribuer une Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (concernant les détenus) au Rouvray.

Accès à la Fonction publique pour un grand nombre de précaires (CDD) travaillant actuellement au Rouvray.

La plupart des médias ont titré sur la grève de la faim. Engagée par huit des grévistes, pendant 17 jours, dans le but d’attirer l’attention sur la mobilisation du personnel, la grève de la faim a largement entraîné les effets médiatiques escomptés. Certains médias se sont plus à souligner que "d’ordinaire, les professionnels de santé rechignent à ce type d’actions qui entrent en opposition avec leur éthique", d’autres agitant le taux de glycémie et l’état critique des grévistes de la faim. Quoiqu’on pense de cette forme d’action, on peut être sûr que la détermination des huit grévistes de la faim est née du mépris manifeste, de l ’ARS et du ministère Buzyn, persistant à ignorer la grève et les mobilisations du personnel du Rouvray après les quatre premières semaines de conflit. De notre point de vue, si le sensationnel doit l’emporter c’est, qu’outre la grève de la faim, les formes prises par la mobilisation du personnel de l’hôpital, intègrent de manière exceptionnelle tous les ingrédients d’une mobilisation réussie. Et ce jusqu’à la victoire de leurs revendications.

L’unité syndicale sur la revendication de 52 emplois n’allait pas de soi, c’est un résultat majeur qui a été obtenu au fil des mobilisations du personnel. Dans la grève, cette mobilisation a largement dépassé l’influence habituelle des organisations syndicales et s’est dotée de son comité de grève associant, avec elles, l’ensemble des grévistes à l’organisation de la grève. Comité de grève signant avec les quatre organisations syndicales de l’hôpital les appels et les comptes rendus des assemblées générales. Deux assemblées générales par jour rassemblaient plusieurs centaines de salariés : le matin celle du personnel décidait de la conduite de la grève et des négociations, l’après-midi une AG ouverte aux comité de soutien, et aux médias, faisait le point sur l’actualité de la lutte et organisait les solidarités et la communication.

La solidarité des syndicats et des salariés de tous les secteurs, en particulier des cheminots, a été très importante. Après une importante manifestation le lundi 4 juin dans Rouen, le jeudi 7 juin, les grévistes et les cheminots manifestent sur le boulevard industriel et le pont Mathilde, tôt le matin, bloquant la circulation routière en ville, les grévistes font ensuite le siège de l’Agence Régionale de Santé.

Le même jour en fin d’après-midi, les négociations commencent sérieusement. Les salariés réunis en assemblée générale tiennent au mode de fonctionnement démocratique qu’ils ont établi : « les décisions seront prises par l’assemblée générale au fur et à mesure de la négociation ». L’assemblée générale a déjà repoussé les propositions de la directrice de l’ARS, mardi. Elle avait annoncé 40 postes dont 10 pour les adolescents, 10 postes pour les détenus, qui n’étaient que des transferts d’emplois. Le lendemain, les salariés avaient été exaspérés par sa déclaration : « On ne peut pas négocier avec des gens qui n’en ont pas envie », avait déclaré la directrice. Les salariés ont, jusqu’à la victoire, contrôlé leur mouvement et les négociations. Cet exemple de démocratie et d’organisation, garanties d’une unité syndicale solide, peut se développer avec succès dans les hôpitaux publics, dans les EHPAD, partout où la politique d’austérité prétend supprimer des emplois, supprimer des lits, détruire la santé publique de proximité.

Le ministère de la santé, l’Agence régionale de la santé ont cédé sur les emplois : au Rouvray une brèche s’est ouverte. Et cela n’est pas dû à une hésitation du ministère de la santé sur le bien-fondé de sa politique en psychiatrie publique. C’est le domaine où depuis dix ans les gouvernements successifs ont supprimé le plus d’effectif. Cette victoire montre comment se construit un rapport de forces, comment se construit la solidarité interprofessionnelle sur une région, quelle est son efficacité quand elle est organisée ensemble par les grévistes, leur comité de grève, leur intersyndicale, leurs comités de soutien.

Les cheminots ont aidé les grévistes de l’hôpital, mais quelle meilleure aide apporter aux cheminots que des luttes victorieuses comme celle des salariés du Rouvray ?


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