Selon l’Institut BVA, la France ne s’est pas « droitisée » mais la course au centre de Ségolène Royal a déçu les catégories populaires et sympathisants de gauche

samedi 26 mai 2007.
 

Les résultats de la présidentielle seraient trompeurs pour BVA, qui continue de penser que le rapport de force idéologique penche du côté de la gauche. Ce que Nicolas Sarkozy aurait parfaitement intégré en proposant un gouvernement « d’ouverture ».

A quatre semaines des élections législatives, tous les instituts de sondage prédisent une nette victoire de l’UMP, voire un raz de marée. Et pourtant, « contrairement à l’impression que pourraient donner les résultats de l’élection présidentielle, la France ne s’est pas droitisée », affirme Gaël Sliman, directeur adjoint de BVA Opinion, qui vient de passer au crible six mois de résultats et d’attentes des Français.

Si l’on regarde les attentes des électeurs, leurs valeurs et même leurs affinités partisanes, « l’état des forces idéologiques dans le pays penchait même encore assez nettement à gauche avant le 1er tour », avance-t-il. En décembre dernier, quelque 54 % des électeurs se disaient « proches de la gauche », contre 46 % de la droite. Quand on leur demandait, mi-novembre, de qui ils « souhaitaient » la victoire, 41 % contre 30 % répondaient que c’était « celle du candidat de gauche ». Quand on faisait la liste de leurs préoccupations, les sujets sociaux - emploi, pouvoir d’achat, précarité, éducation - arrivaient devant la sécurité et l’immigration. Et ils faisaient alors nettement plus confiance au PS qu’à l’UMP pour y répondre.

Thèmes secondaires

Alors, que s’est il passé ? Une campagne électorale, tout simplement. En l’espace de trois mois, la donne a radicalement changé. Exemple ô combien symbolique : l’emploi. En décembre 2006, Ségolène Royal avait, dans la lutte contre le chômage, une avance de « crédibilité » de 5 points sur son rival UMP. Trois mois plus tard, c’est lui qui la devançait de 13 points. En réalité, c’est moins le positionnement de la candidate socialiste qui aurait déstabilisé les électeurs, avance BVA, que son choix de faire campagne sur des thèmes pour eux secondaires, et l’absence de cohérence d’ensemble de sa ligne économique et sociale. « Elle a eu tendance à aller sur des sujets périphériques (démocratie sociale...) ou à vouloir se positionner sur les lignes de force de son adversaire (sécurité, nation...) », observe Gaël Sliman, « sans fournir, jusqu’au soir du premier tour, d’éléments clairs sur sa ligne et sur ce qu’elle ferait en matière économique et sociale si elle était élue ». En face, Nicolas Sarkozy a certes mené une campagne très à droite, mais « il a au moins proposé des solutions sur des enjeux qui intéressaient les gens, notamment « travailler plus pour gagner plus » », poursuit-il.

Reste à savoir quelles conséquences en tirer. Pour le PS, ce sera très difficile de redresser la barre d’ici aux 10 et 17 juin, « parce qu’on ne bâtit pas une cohérence politique en quelques semaines ».

Des gages d’ouverture

En revanche, cette analyse du rapport de force idéologique expliquerait en grande partie le choix de Nicolas Sarkozy d’intégrer des personnalités de gauche dans son gouvernement. « Il a vilipendé Mai 68 et accueille dans son gouvernement Bernard Kouchner, incarnation vivante de Mai 68, au risque de déstabiliser son électorat », relève Gaël Sliman. Le président de la République ne chercherait pas uniquement à affaiblir le PS à la veille des élections législatives. Il aurait compris, lui le grand consommateur d’études d’opinion, que, pour mettre en oeuvre son programme de droite, il lui fallait donner des gages d’ouverture aux Français.

Complément 1 Introduction du dossier BVA sur les présidentielles extrait du site :

http://www.bva.fr

Ce document fait un sort à plusieurs idées plus ou moins à la mode parmi les commentateurs selon lesquelles :

- La très large victoire de Nicolas Sarkozy prouverait une droitisation de la société française

- Ségolène Royal a perdu car elle a été « plombée » par le programme économique et social que lui imposait le PS

- La « centrisation » était et est encore attendue par les électeurs de gauche et c’est pour ne pas l’avoir effectuée assez nettement que Ségolène Royal a perdu

L’examen de nos études dément indéniablement chacune de ces trois « analyses ». Il prouve au contraire que la gauche avait toutes ses chances de l’emporter mais qu’elle n’y est pas parvenue en n’assumant pas assez ses mesures et l’orientation idéologique et politique qu’elle induisait. C’est bien l’absence de lisibilité politique de la candidate sur les grands enjeux économiques et sociaux conjuguée à une propension à se « centriser » (entre-deux tours) voire à se « droitiser » (autorité, sécurité et drapeau) en faisant campagne sur les thèmes de son adversaire qui explique le mieux cette déroute.

Complément 2 Analyse BVA du premier tour

ACTE IV / SCENE 1 : 26 AVRIL 2007, 1er VOLET

La course au centre de Royal déçoit les catégories populaires et les sympathisants de gauche et permet à Sarkozy d’accentuer encore sa crédibilité sur le plan économique et social

Si S. Royal apparaît toujours bien plus capable (59% contre 33%) que N. Sarkozy de mener une politique sociale juste (...), elle est nettement devancée par ce dernier sur les 4 autres enjeux testés. Le baromètre consacre même un renversement de tendance spectaculaire sur l’enjeu majeur de cette élection (1ère attente avec 60% de citations le mois dernier), le chômage.

Alors que sur ce thème, perçu comme social et habituellement plus favorable à la gauche, Ségolène Royal dominait Nicolas Sarkozy de 5 points en décembre dernier, et encore de 3 points il y a un mois, il la devance désormais de 13 points (48% contre 35%) !

Des gains comparables (16 à 20 points d’indice depuis décembre) sont enregistrés par Nicolas Sarkozy concernant sa capacité à mener une politique économique efficace (56% contre 32%), à favoriser la croissance (56% contre 31%) et à réduire la dette et les déficits (55% contre 29%).

Dans la période actuelle de « course au centre », deux autres informations sont intéressantes :

- Le recul de Ségolène Royal s’explique essentiellement par une démobilisation du noyau dur de l’électorat populaire et de gauche au fur et à mesure de la campagne :

Seulement 61% des sympathisants de gauche la jugent plus crédible que Nicolas Sarkozy en moyenne sur nos 5 indicateurs (73% en déc.), et seulement 57% spécifiquement sur le chômage (74% en déc.). Inversement, Nicolas Sarkozy est plébiscité par 77% des sympathisants de droite au niveau global et par 76% d’entre eux en ce qui concerne spécifiquement le chômage.

- Les électeurs de François Bayrou, par ailleurs déjà sensiblement plus enclins à un vote Royal que Sarkozy sont tout aussi sévères à l’égard de cette dernière que la moyenne des Français concernant sa crédibilité économique et sociale. Il serait donc bien difficile et pas forcément « rentable », du fait de la démobilisation de l’électorat de gauche que cela pourrait induire, de trop en faire dans la conquête des voix centristes. D’ores et déjà, les électeurs de l’extrême gauche ne sont que 58% à la juger la plus crédible sur les enjeux testés, ce qui explique peut-être que plus d’un tiers d’entre eux n’envisage pas pour le moment de voter pour elle au second tour (BVA Orange du 24 avril)...

ACTE IV / SCENE 2 : 26 AVRIL 2007, 2ème VOLET

Royal perd contre Sarkozy alors que le programme économique et social du PS est jugé bien meilleur que celui de l’UMP

Les principales mesures économiques et sociales prônées par Nicolas Sarkozy suscitent presque toutes l’adhésion d’une majorité de Français, à l’exception notable « du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite » (53% contre 43% y sont opposés). 64% des Français se déclarent favorables aux 5 mesures testées et 69% sont favorables à une majorité d’entre elles.

Mais les mesures économiques et sociales proposées par Ségolène Royal suscitent toutes au minimum l’adhésion de plus des deux tiers des Français (minimum 68% d’avis favorables sur le SMIC à 1500 €) et en moyenne de plus des trois quarts d’entre eux (76%).

Même des mesures que certains pensaient impopulaires, comme « la hausse de l’IR pour les plus hautes tranches » (72%) ou qui ont été parfois présentées comme trop autoritaires, comme « la reprise des aides versées aux entreprises délocalisant » (81%) suscitent une très forte adhésion.

Très populaires auprès des Français (76%) ces mesures semblent très mobilisatrices pour les sympathisants de gauche (86%) tout en étant fort appréciées des électeurs de François Bayrou (77%). Ces derniers sont d’ailleurs plus nombreux (77% contre 66%) à soutenir les mesures du « pacte présidentiel » que celles du programme de Nicolas Sarkozy.

C’est donc sans doute davantage dans son programme, et son ancrage à gauche, que dans sa personnalité et son ouverture plus forte au centre que résident les principaux atouts de Ségolène Royal.


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