Point de vue sur le thème de la nation durant les présidentielles

dimanche 27 mai 2007.
Source : Respublica
 

Le « non » de gauche n’a pas profité aux organisations de la gauche antilibérale lors de cette élection. Le choix laissé aux électeurs de gauche face au danger d’un Le Pen au second tour, argumentant le vote utile de façon outrancière a rabattu, certes, une partie des voix du « Non » de gauche vers Ségolène dès le premier tour, mais bien plus, c’est Sarkozy qui a su capter les voix des « non » de droite et de gauche par un discours faisant retour sur la nation, sur le sentiment d’appartenance des Français à un grand pays dont ils peuvent être fiers.

Il a, à différents égards, remis la nation au devant de la scène et avec elle la République : Il a donné l‘illusion d’un changement de cap de la droite qu’il incarne sur l’Europe, à travers l’idée de l’utiliser pour qu’elle protége la France des effets anarchiques de la mondialisation alors qu’elle est à son service ; Il a joué sur le besoin d’une revalorisation de l’image des Français, de la fierté de l’être, fréquemment malmenée derrière le thème envahissant de la repentance et de la mise en concurrence des mémoires, cheval de Troie du communautarisme ; Il a développé un discours très pragmatique sur le rapport entre nation et immigration, avançant l’idée que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde, une idée qui n’est pas sans fondement largement partagée par les milieux populaires, qu’il a détourné pour justifier cette politique trompeuse de l’immigration choisie ainsi mise totalement au service de l’économie libérale. ; Il a su aussi redonner confiance dans une France capable de maîtriser son destin, pourtant décidé largement à Bruxelles, à l’OMC au G8 ou à la Banque Mondiale, en proposant le retour au « plein emploi ». Autrement dit, en affirmant que ce problème pouvait être résolu au niveau de la France, ce qui est faux en dehors d’une remise en cause de fond du libéralisme, prenant ainsi à contre pied les économistes et politiques de tous bords appointant au système qui ne cessaient de dire depuis des années qu’il fallait en faire le deuil... S’il a coupé l’herbe sous le pied au FN, il a aussi pris le contre-pied de la gauche et spécialement antilibérale, sur des sujets comme l’immigration, véritable problème de société nié par un politiquement correcte de gauche interdisant de le mettre en débat. Pour donner du crédit à son statut de candidat défendant l’idée de la nation et de république, il est allé jusqu’à s’agréer fallacieusement les pensées de Jaurès, sur ce terrain abandonné par l’ex-gauche plurielle et honnie par l’extrême gauche.

Cette orientation, ces choix de campagne du candidat Sarkozy, n’ont pas été fait au hasard mais se sont appuyés sur une situation où le courant antilibéral et altermondialiste, le mieux à même en principe à lui porter les coups les plus dures et à rassembler potentiellement ceux du « non » de gauche, ne voyaient que dans l’internationalisme une solution aux problèmes, selon l’idée que les résistances ne seraient plus nationales mais le fait de résistances de minorités diverses, ethniques, culturelles, religieuses, remplaçant la solidarité des peuples dans le cadre de la lutte des classes par un mouvement social sans frontières et segmenté. Une conception reléguant l’idée de nation au sentiment nauséabond du nationalisme et encourageant ces minorités à réclamer dans le désordre de l’histoire des comptes, entre autres, aux Français et à la république d’aujourd’hui n’ayant aucune responsabilité sur des méfaits, tels l’esclavage et le colonialisme, dont des rois, des Empereurs et des majorités politiques au service de l’impérialisme français, en d’autres temps, se sont rendus coupables.

Une attitude de mise en procès de la France et des Français, justifiant entre autres, à l’aune des bons sentiments, de mettre au centre des revendications de cette gauche antilibérale la régularisation de tous les sans-papiers, le fait de les reloger en priorité (rappelons-nous l’affaire du squat de Cachan), que la société française leur fasse toute leur place y compris avec le droit de vote à toutes les élections (de la LCR au PCF), avec en toile de fond finalement la libre installation des immigrés en France. Un victimage justifiant l’oubli des millions de personnes qui vivent en France de façon régulière, Français ou pas, et pour qui on ne se mobilise guère avec le même enthousiasme sur des grandes questions économiques et sociales, en dehors des discours médiatiques. Cet internationalisme s’appuyant sur les minorités et croyant par-là contrer le libéralisme, se voyait ainsi appliqué en France, opposant certaines fractions de la population les unes aux autres au nom des revendications identitaires, culturelles et religieuses, divisant le peuple, sa capacité à réagir. Tout ceci participait de l’oubli que c’est toujours lorsqu’il a su s’unir que le peuple a pu arracher de grands acquis sociaux, ainsi que peser, entre autres, en faveur des indépendances contre le colonialisme. Tout ce qui a pu être conquis pour le grand nombre l’a été au nom de toute la nation, ce qui a contribué à la forger comme république laïque et sociale unique en son genre, accueillante, pouvant bénéficier à tous ceux qui y viennent dans des conditions propres à ce qu’ils puissent y vivre.

C’était aussi, en reléguant la nation, reléguer ainsi le fruit de l’histoire d’un peuple courageux et rendre litigieux tout sentiment se rapportant à son appartenance. Sarkozy a su s’emparer de cela pour mettre en lieu et place de cette culpabilité du peuple cultivée par cette frange de la gauche, la fierté d’être français, y compris pour ce que cela signifiait tout particulièrement pour ceux du « non » de gauche, pour ceux qui se sentaient les héritiers de cette nation là et qu’ils avaient défendu à travers leur « non ». Toute la gauche antilibérale a été de ce point de vue hors jeu et aveugle, hors de toute analyse sérieuse des enjeux, enfermée dans une vision uniquement sociale et humanitaire des problèmes et incapable par là même de les porter au niveau des réponses d’un projet politique cohérent et responsable. Elle n’a pas su ou pas voulu, dépasser un sentimentalisme bon teint qui donne peut-être bonne conscience à certains mais ne résout rien, bien au contraire, en alimentant une confusion qui sert l’adversaire. Le pire dans tout cela, c’est que le capitalisme mondialisé, sans frontière et sans nationalité, faiseur de l’empire de « l’argent-roi », rêve justement d’un monde segmenté en minorités annihilant toute résistance des peuples par cette division, favorisant l’effacement des nations qui seules sont capables à l’échelle nécessaire de jouer un rôle de contrepouvoirs dans ce contexte, telles qu’elles le font en Amérique latine en s’unissant en ce moment même pour y faire face. Précisément, c’est cette division en minorité, en communautés, qui marque la société américaine, qui a permis au conservatisme américain de ne rencontrer qu’une faible résistance à sa politique, et aucun mouvement social à l’échelle même d’un seul de ses Etats contre son ultra-libéralisme depuis des décennies.

De : g chevrier


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